Conférence organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
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ACTE CREATEUR ET PROBLEME DU MAL.

Paris, 3,rue de la Source Carême 1994.

Bordeaux, Centre BeauLieu 14 février 1995

 

Il suffit qu’un seul enfant naisse anormal pour faire douter de l’existence de Dieu. J’ai moi-même, comme vous, été dans ma jeunesse, torturé par ce doute. Et si je n’avais eu la chance de lire Teilhard de Chardin, aujourd’hui peut-être ne croirais-je plus. C’est parce que je sais que beaucoup, comme moi, peuvent, grâce à. lui, continuer de croire, que je suis heureux de refaire avec vous l’itinéraire au terme duquel il lui apparut comme il nous paraîtra peut-être, que le mal n’est pas le désastre absurde si souvent dénoncé, mais un signe, difficile à décrypter, je le reconnais, de notre grandeur.

Avant lui, bien sûr, toutes les cultures humaines ont abordé cette question Mais je n’en connais aucune dont la démonstration soit plus probante que la sienne. Et c’est pourquoi, sans le citer explicitement, pour ne pas alourdir ce texte, et tout en modelant sa pensée d’autre manière, je vais tenter de retrouver avec vous la solution qu’il proposait, voici déjà plus de cinquante ans, au "problème du mal".

Attendez-vous à. n’être pas totalement convaincus votre hésitation viendra de ce que le problème est posé par notre sensibilité, tandis que la réponse sera fournie à. la raison. La sensibilité et la raison ne jouant pas sur le même plan, nous risquons de croire que la réponse s’est dérobée. Et pourtant c’est bien à la raison qu’il faut d’abord répondre. Quand la raison comprend, la paix peut venir.

Disons encore qu’à part dans la première partie de l’exposé, ou de fait j’en parlerai, ce n’est pas sur le niai lui-même que nous réfléchirons, mais sur ce qui le provoque. Sa cause, quoi. Ce que les philosophes, dans leur langage, impressionnant mais pas toujours très clair, nomment le Mal ontologique. Le mal à la racine de l’être. Au fond, ce qui provoque le mal. Ce qui le rend scandaleux, ou au contraire signe de grandeur. Bien sûr, trouver sa racine ne revient pas, hélas, à le supprimer. Mais on peut du moins et peut-être apaiser quelque peu le scandale qu’il est pour nous, quand il nous broie. Ou quand il broie, et c’est bien pire, ceux que nous chérissons.

Qu’est-ce donc qui explique la présence du mal dans l’histoire? La réponse de Teilhard, divergente, je vous préviens, de la réponse habituelle, c’est que le mal ne surgit pas d’une révolte de l’homme, mais de sa maladresse. Et que sa maladresse lui vient de ce qu’il est créé. L’originalité de notre auteur est, en effet, de lier l’origine du mal à l’acte créateur lui-même. Je n’en dis pas plus. Mais vous verrez si la démonstration fonctionne, nous déboucherons sur une Bonne Nouvelle. -

Voici donc le plan que nous allons suivre.

* D’abord: pourquoi Dieu a-t-il créé quand même?

* Puis : les "six" conséquences du fait que Dieu nous crée «à son image"

* Et encore : ce qui N’EST PAS a du MAL à EXISTER

* Enfin : ce qui EXISTE a du MAL A ETRE

La conclusion la victoire de Dieu et du Cosmos.

Un parcours ardu, sans doute, mais qui devrait nous montrer la face cachée de ce que nous nommons le mal. Le mal, ou le poids terrible mais grandiose du parcours de la vie, qui sortant du néant doit accéder à la divinité.

1. POURQUOI DIEU A-T-IL CREE QUAND MEME?

1. Le mal tel que nous le vivons.

Comment Dieu s’est-il déterminé à lancer cette aventure alors qu’il savait d’avance qu’elle serait si douloureuse?

Car enfin, le mal, quel poids!

Je ne vais pas le distinguer en moral et physique, car nous savons trop, vous comme moi, que le corps et le coeur y ont leur place, inextricablement mêlée.

Le mal, donc, qui va de la colère du bébé devant son biberon trop chaud, jusqu’à l’horreur qui tuait, voici quelques mois en Afrique, enfants comme femmes en leur tranchant jambes et mains. En passant par l’enfant anormal que les siens devront porter toute une vie, ou la mort d’une mère de famille ou l’accident mortel du jeune de 18 ans, ou la rupture d’un ménage qui blesse les enfants, ou ce petit qui meurt de faim et qui n’a même plus la force de tendre sa main vers le bol de lait qu’on lui apporte.

Et la terre qui tremble, et le flot de boue qui submerge lentement une petite fille et les sauveteurs qui ne peuvent plus que l’embrasser afin qu’elle ait moins peur, et le flot de feu et de cendres dont le front brûle froidement le village couché aux pieds du volcan, et la mine...

Le mal, c’est cela, et tant d’autres choses que le monde, chaque jour, doit subir dans sa patience. Tant de choses que la pudeur ne sait même plus dire. Et que tout le bonheur d’aimer n’efface pourtant pas.

Oui, tout ce mal-là, Dieu l’a vu avant de créer. Pourquoi a-t-il créé quand même? Là est la terrible question que les journaux et leurs images, et notre vie, nous reposent chaque jour.

2. Dieu a pris sa propre part de notre mal.

Que répondre?

D’abord, ce Créateur, que l’homme questionne anxieusement sur les raisons de son geste, ce Créateur, avant même de créer savait qu’il serait le premier blessé de sa création.

Car enfin, le Créateur est Père. Père, vous entendez. Père, comme nous nous sommes père et mère. Pareil ! Pareil, puisque nous sommes à son image, et que donc Dieu nous ressemble. Si je veux comprendre ce que cela veut dire ,je n’ai qu’à regarder mes parents. Ou moi-même si j’ai des enfants. Et je vois Dieu

Or, la question du mal dans la création, pour Dieu, est terriblement personnelle, car s’il crée et que ses enfants souffrent, il va, et bien plus, souffrir lui aussi. Qu’aimeriez-vous mieux, vous : voir souffrir votre enfant ou bien souffrir vous-même?

Or Dieu est père et mère tout à la fois. Un Dieu infiniment plus sensible que le plus sensible d’entre nous. Qui a mal chaque fois qu’un humain a mal. Et d’autant plus que l’homme a plus de mal. Un Dieu qui souffre autant de fois qu’un homme souffre. Aussi longue que sera l’histoire. Dieu a mal. De nos morts, de nos peurs, de nos échecs et de nos désespoirs. il en a mal parce qu’ils sont les nôtres. Et plus que s’ils n’étaient que les siens.

Et que sent-il dans son coeur lorsqu’il voit un homme trancher les mains d’un enfant... Ou lorsqu’il entend un enfant de dix ans demander à son père qui a quitté la maison pour vivre ailleurs: « Papa, quand c’est que tu reviens ? »

Quand je reproche à Dieu d’avoir créé malgré le mal qu’il connaissait d’avance, je dois me souvenir de ce Dieu-là, dont peut-être les Chrétiens n’ont pas assez parlé. Car c’est celui-là le vrai Dieu. Je l’ai compris depuis que je l’ai vu « couvrir de baisers » son enfant prodigue de retour : qu’il avait donc dû souffrir pour se Livrer à ce débordement de tendresse ! Si Jésus dit que Dieu est Père, cela veut dire qu’il est Père. Comme nous l’entendons, nous, de nos paternités humaines. Sans nuances. Sauf qu’il l’est infiniment plus que nous.

Dieu, c’est ça. Ca avant tout. Avant la majesté. Avant l’intelligence. Avant le pouvoir. Dieu c’est un coeur.

Et c’est aussi un coeur bouleversé de joie lorsqu’un homme lui fait le moindre geste d’attention.

Mais ce n’est pas tout. Il savait que son fils irait sur la terre. Qu’il irait parce qu’il faudrait bien en venir à. prendre l’homme à bras le corps comme vous prenez dans vos bras votre enfant pour l’embrasser. Il le fallait, puisqu’il ne créait qu’en vue d’avoir un être à embrasser dont il pût faire un Dieu. Et Dieu ne peut faire un Dieu qu’en embrassant un homme pour déteindre sur lui. Il fallait donc embrasser l’homme. Et qu’est d’autre l’Incarnation?

Seulement, il savait aussi que son fils ne serait pas facilement reçu. Et que même il serait mis à mort. Sur une croix. Cela aussi il le savait avant de créer.Et de toujours, son coeur fut torturé par la mort du bien-aimé. Ceux d’entre nous qui ont souffert cela, devinent. Mais de si loin.

Ce Dieu que Jésus, pour nous encourager à le nommer comme lui, appelait Papa.

C’est ce Dieu-là qui prit la décision de créer.

3. Mais cela valait la « peine » . 

Mais vous dites, cela valait-il la peine?

C’est là qu’il faut poser un acte de foi. Et qu’il nous reste à croire que si Dieu décida, malgré tout, de donner la vie, au prix que lui seul connaissait alors, c’est que cela, en effet, valait la peine. Voilà bien l’acte de foi : quand je souffre et que je désespère et que je crie pour demander des comptes sur cette vie que j’ai reçue sans l’avoir demandée, la seule réponse que je puisse deviner, c’est que si Dieu me l’a donnée, c’est qu’elle valait cette peine. Moi, aujourd’hui, par-delà les joies humaines, je ne vois que le mal, terrible souvent, et souvent scandaleux. Et à mes cris ne répond que le silence humble de Dieu qui ne parle pas mais qui agit. Et je n’ai plus, dans ce silence laborieux du Créateur penché avec moi sur l’oeuvre en cours, qu’à deviner son bras qui étreint mes épaules éreintées, pour me réconforter et me laisser entendre qu’il savait, lui, que, tout pesé, cela valait la peine. il me dit, dans son silence suppliant, qu’il valait mieux souffrir ce que je souffre (et lui avec moi), pour être un jour vivant chez lui, que de ne pas souffrir, mais du coup, de ne pas vivre.

Acte de foi, limite, à certains jours. Seul capable, pourtant, de me sauver du désespoir. Et dont je devine, quand la paix est revenue, que j’avais raison de l’avoir fait. Oui j’aime mieux me fier à celui qui me promet la vie et qui déjà me la donne, qu’à celui qui me laisse désespérer.

2. LES CONSEQUENCES DE CE QUE DIEU NOUS CREES A SON IMAGE ".

Mais alors, vient l’objection : pourquoi a-t-il choisi ce mode de création, ce mode-là dont il savait d’avance les douleurs ? Ne pouvait-il pas prendre un autre système qui n’eût pas comporté la souffrance ?

Eh bien non ! En raison de ce qu’est Dieu, il n’était pas possible que la création se fit autrement. Car Dieu ne pouvait pas ne pas créer « a son image ». C’est là qu’est la source du Mal. Je vais essayer d’expliquer cette affirmation pour le moins étonnante : retenez bien: le début de la réponse que nous cherchons se trouve sans doute ici.

1. Nos facultés doivent fonctionner comme celles de Dieu.

Que Dieu nous ait voulus à son image, cela va de soi. Comment vouliez-vous qu’il fit ? Un être agit en fonction de ce qu’il est. Dites-moi : si vous êtes connaisseur, rien qu’à voir un tableau , vous devinez l’auteur. Comme le style d’un écrit vous dit aussi dit qui l’a écrit. Car on crée selon qu’on est.

Bien. Mettons. Mais que veut dire que l’homme soit créé à l’image de Dieu?

Cela veut dire que les facultés de l’homme (vous savez: l’intelligence, la raison, la volonté, le coeur) doivent pouvoir fonctionner comme celles de Dieu. Il faut donc que son intelligence soit, comme celle de Dieu capable de comprendre. De plus, il faut aussi que sa raison soit capable de peser le pour et le contre au moment des choix. Et encore que sa volonté ait les moyens de prendre ses décisions. Et que sa liberté puisse changer en acte la décision prise. Et enfin, il faut que son coeur soit capable d’aimer.

Autrement dit, il faut que ses facultés essentielles soient structurées et fonctionnent, autant que possible, comme celles de Dieu.

2. L’homme ne doit pas être fait

Et ce n’est pas tout : s’il nous veut à son image, il peut nous créer(c’est nécessaire puisque nous n’existons pas) mais il ne peut pas nous faire. Vous voyez:

c’est tellement vite dit que, sans doute, vous n’avez pas noté ces deux mots. Et pourtant, le noeud est là.

Je m’explique. Si vous demandez à un enfant du catéchisme « qui a fait Dieu », on vous répond sans hésiter que "c‘est personne". Et votre petit théologien a raison. Personne n’a fait Dieu. Le «grand » théologien dira, lui, d’une manière plus compliquée et pas plus claire, que Dieu étant la source première, il n’y a pas de source au dessus de lui. Car remontant de source en source, la raison humaine exige que je trouve la source qui est la première.

Mais alors, terrible! Si Dieu veut que je sois à. son image, il ne faut pas qu’il me fasse. Car s’il me fait, je ne suis plus à son image, puisque, lui, personne ne l’a fait. Donc puisque Dieu, personne ne l’a fait, il faut que personne non plus ne fasse l’homme. Si l’homme doit être comme Dieu. Et là, Dieu est coincé.

Coincé ? Pas tant que cela, évidemment. Tout simplement il a donné d’EXISTER sans FAIRE C’est tout! Tout le mystère tient entre ces deux phrases Dieu nous a donné d’exister ... MAIS ... il ne nous a pas faits.

3. Il y a une différence entre EXISTER et ETRE

Exister et être : il faut tout de même, avant d’aller plus loin, tenter d’expliciter ces expressions d’ordre philosophique. Etant entendu, bien sûr, que les explications qui vont suivre sont aussi nombreuses et opposées que les écoles qui les soutiennent. Mais ce n’est pas grave. L’essentiel est de comprendre qu’il y a une différence entre EXISTER et ETRE. Peu importe que vous mettiez comme moi ce que je vais mettre sous chacun de ces deux termes. L’essentiel est d’admettre la nuance que voici.

Exister, c’est avoir l’existence. (Ca, c’est simple.!)

L’existence. Quand on parle de quelque chose qui se met à exister on veut dire qu’avant, elle était rien. Et qu’à partir de maintenant elle n’est plus rien. (vous suivez ) L’étymologie latine, en effet : ex sistere , veut dire faire venir hors de. Ici on veut dire : faire venir du non-être. Or, sortir du "non-être" veut dire que désormais la chose n’est plus rien. Elle ex siste.

Bien. Mais cela ne veut pas dire que cela soit pour autant un être achevé. Vous savez : la différence entre la puissance et l’acte. Quand je me réveille, j’ai bien la puissance (la capacité si vous aimez mieux) de me lever. Mais cette puissance, tant que je reste au lit, n’est pas devenue un acte. Et la puissance que j’ai de me lever, si je ne me lève pas, ne fera jamais chauffer mon café au lait.

Pour me faire comprendre, je puis vous dire aussi que, dans le gland du chêne qui traîne sur le sol, le chêne à venir a déjà l’existence. Mais en puissance, comme disent les philosophes. Il devra, s’il veut aller plus loin, faire passer à l’acte ses capacités pour le moment invisibles.

Si le gland, donc, sait utiliser l’humidité du sol et la chaleur du soleil, il pourra devenir chêne. Il pourra ETRE chêne. Il sera alors passé de la simple existence à 1’ être. Il sera passé de la capacité d’être un chêne au fait d’être un chêne.

Et vous savez que l’on ne passe pas de la capacité au fait d’être chêne, sans une évolution compliquée. Or, quand il s’agit de faire un homme, cette évolution est plus complexe encore. Elle suppose en effet des choix et des décisions, sérieux toujours, graves parfois et innombrables, qui font de la vie une aventure redoutable.

4. L’homme se construit en agissant.

Et ce sont ces choix, justement, qui font qu’un homme se construit. Des milliers par jour. il choisit ce qu’il va faire, depuis l’heure à laquelle il se lèvera demain jusqu’au sourire ou à. la grimace qu’il fera en rentrant. Ces choix,(et de bien plus graves encore) nous avons la capacité de les effectuer. Mais il ne suffit pas de les décider: encore faut-il, une fois choisis, les changer en actes. Or quand vous changez une décision en acte, vous donnez de l’être à cette décision : elle devient ce que vous avez décidé qu’elle soit. Et comme l’être qu’elle reçoit, c’est vous qui le confectionnez, cet être vous appartient désormais. Il devient votre être. Et c’est ainsi qu’un homme passe de l’existence à l’être. De la capacité d’être un homme au fait d’être la personne qu’il devient. il devient lui-même, à coup d’actes souvent répétés dans sa journée. Comme les grains de sable qui deviennent, en prenant corps dans le ciment, la résidence où vous habiterez.

A la fin donc, 1’homme sera ce qu’il se sera fait. A l’image de Dieu, qui ne doit qu’à lui d’être ce qu’il est.

La nuance, car il y en a une, tout de même, entre Dieu et nous, est de taille, ( et Dieu n’y peut rien), c’est que nous, nous devrons tenir de lui l’existence. Alors que lui ne la tient de personne d’autre que lui. N’existant pas nous-mêmes avant d’exister... il a bien fallu que quelqu’un qui avait déjà l’existence, nous la donne. Et qu’il nous la conserve. Eternellement.

5. L’homme est ainsi responsable de ce qu’il est.

Donc Dieu nous donne de nous faire nous-mêmes, pour être comme lui.

Mais il avait une autre raison de ne pas nous faire lui-même.

Vous pensez bien qu’étant Dieu, il ne peut tout de même choisir, comme technique de création, que le système le plus noble, et qui grandira le plus la création a venir.

Or, dites-moi : qu’est-ce qui grandit le plus l’enfant, le jour de la fête des Mères: qu’il offre à Maman la carte postale achetée à la librairie d’en dessous, ou bien qu’il lui apporte le dessin réalisé dans le secret de sa chambre ? Bien sûr, la qualité de son dessin ne vaudra pas la perfection de la carte postale. Mais du moins le dessin sera-t-il de lui. Et on pourra y lire son amour à lui sous chaque trait de crayon.

Vous avez compris, bien sûr: le Seigneur a choisi ce qui ennoblit l’homme. Parce que comme nous il aime mieux ce que ses fils feront eux-mêmes, que ce que lui-même eût fait à leur place. Si donc Dieu veut des responsables, rien ne peut le toucher, j’imagine, comme de voir l’homme décider personnellement les plans selon lesquels il se conçoit et les matériaux dont il veut se faire. Et puisque rien ne donnera plus de fierté à 1’ homme que de remettre au Père, non point une copie ni un robot, mais l’original qu’il aura lui-même inventé et construit, c’est cela que Dieu attend de lui.

Sans quoi, de quoi, en effet l’homme eût-il été responsable?

De la beauté de la création et de la sienne ? Je vous le demande: qui s’en fût félicité, sinon Dieu qui y aurait vu la réussite de ses calculs à lui ? Sûrement pas l’homme, en tout cas, qui n’aurait finalement fait que ce qu’il ne pouvait pas ne pas faire, étant donné comment on l’avait fait. Embarqué comme le voyageur d’un TGV et pas plus responsable que lui des rails ni des wagons.

Responsable, cet homme-là que Dieu eû fait de toutes pièces ? ni d’être ce qu’il était, ni d’être là, ni d’être beau. Pas plus responsable que l’oie gavée que l’on expose au marché.

Une perfection programmée, dans laquelle il n’aurait eu qu’à. pointer.

Notez bien : ce n’est pas contre la perfection que je m’insurge. Qui ne la voudrait ? Mais à chacun la sienne. Et pour que l’homme puisse être responsable de la sienne, encore fallait-il qu’il la fasse et qu’elle soit de lui.

Je ne suis pas non plus contre la grandeur. Mais d’avoir été bien fait ne fera jamais que je me sois fait. Et où est la grandeur d’avoir été tout fait?

Sachant ce que nous savons sur Dieu, il serait incompréhensible qu’il n’ait pas voulu partager avec nous sa fierté, lorsqu’au dernier jour du monde, tout comme au premier soir, il redira «que cela était beau».

6. Il doit enfin s’appartenir pour pouvoir se donner.

Et puis enfin, si l’homme n’avait pas été responsable, l’amour n’était pas possible entre lui et Dieu.

Car celui qui aime ne peut pas se contenter de donner. Aimer, c’est aussi accepter de recevoir. Et ce serait la mort de l’amour si l’un des deux voulait donner tout seul sans permettre à l’autre de donner lui aussi. Un amour qui n’aurait plus besoin de recevoir, serait un égoïsme. Un "amour maternel" du genre des romans de Mauriac.

Or, que vouliez-vous que l’homme donne s’il avait été entièrement fait par Dieu ? Tout en lui serait venu du créateur puisqu’il l’aurait entièrement confectionné. Et vous rendez-vous compte de ce que serait ce face à face éternel? Dieu m’a donné et il me donne encore, mais moi, je ne puis rien lui offrir ! Le Maître, lui, et moi l’objet! Un objet repu, certes, mais propriété privée de celui qui l’aurait fait. L’homme, objet possédé par Dieu au point que même l’idée de donner lui serait saugrenue : il n’aurait rien à lui puisque les pièces toutes faites dont il serait confectionné seraient toutes et déjà propriété du fabricant. D’ailleurs, Dieu lui-même n’aurait alors rien attendu.

Je noircis?

Non, je transcris simplement en mots de tous les jours, la logique sous-entendue de ceux qui disent que Dieu aurait dû faire un homme parfait. Faire un homme parfait, c’est faire un homme tout fait. Voilà ce que cela veut dire. Et avant d’indiquer à Dieu ce qu’il aurait dû faire, pensons à ce qu’il nous évite, en ne l’ayant pas fait.

3. CREER DONNE DU MAL puisque c’est FAIRE EXISTER CE QUI N’EST PAS.

1. Dieu crée parce qu’en dehors de lui,iln’y a rien.

Tout au long de cette seconde partie qui s’achève, nous avons dit, sur plusieurs tons, que Dieu nous veut à son image et que, par conséquent, il nous laisse le soin de nous faire nous-mêmes, à partir, évidemment, de 1’ existence qu’il nous confie comme point de départ. Nous allons maintenant entrer plus précisément dans la tentative d’explication du problème du mal: qui est que nous faire nous-mêmes est beaucoup plus risqué et ardu, que d’être faits par Dieu.

Nous allons franchir un nouveau pas et aller voir le néant, autrement dit cet extérieur à Dieu, d’où Dieu fait sortir la vie. Là où, avant l’acte créateur, il n’y a que le non-être. Vous pouvez déjà vous rendre compte que lorsque je dis «là. où", là où il n’y avait rien, je ne veux rien dire, puisqu’il n’y a rien: il n’y a pas de «là », ni de «où ». Vous avez un avant-goût de la difficulté que nous allons trouver à parler de cet extérieur à Dieu que des philosophes nomment le néant. Etonnante prétention, d’ailleurs, que la nôtre, ici : comment aller «là » où il n’y a rien ? Et qu’est cet en-dehors de Dieu qui n’est rien ?

Je vous préviens tout de suite, que ce que nous allons tenter est impossible. Et que donc, essayant de deviner ce que peut bien être ce qui n’est pas et d’où Dieu fait venir la vie, non seulement, bien sûr, nous ne verrons rien, mais nous ne pourrons non plus rien en dire. Etrange manoeuvre, qu’il faut être quelque peu fou, pour aborder. Essayons quand même.

Je dois aussi vous prévenir, mais cela est infiniment plus facile à. expliquer et à saisir, que ce qui va être dit sur l’acte créateur, ne s’entend pas d’un acte passé, qui aurait eu lieu et qui serait achevé désormais. Mais s’entend par contre de 1’acte permanent par lequel le Seigneur donne 1’existence à tout ce qui est. S’il omettait ce geste, nous disent les théologiens, ce qui existe n’existerait plus. Et si parfois, dans la suite de l’exposé, nous mettrons le temps du verbe au passé c’est qu’alors nous ferons allusion à. un commencement de l’histoire, commencement qu’on peut, avec certains, voir commencer avec l’apparition de l’homme. Il faudrait presqu’entendre l’histoire comme un fil pour le linge au séchoir, auquel Dieu accrocherait tout ce qu’il fait sans cesse sortir du néant. Il y a donc la création du fil dont la ténacité s’appelle temps. Et il y a aussi la création de tout ce que Dieu et la vie y suspendront.

2. Comment parler de «rien» ?

Nous voici donc conduits à parler du non-être, puisque pour Teilhard, là se trouve la clef du problème du mal. Nous nous lançons. Mais dans le vide.

Chacun le sait, créer ne consiste pas à construire à partir d’éléments préfabriqués, mais à partir de rien. Et même si l’on entend par éléments préfabriqués ce qui a sans doute constitué la matériau du big bang initial, rien n’explique d’«où » pouvait venir ce matériau insolite dont l’énorme concentration finit par exploser. D’où cela venait-il?

En fait, l’acte créateur remonte infiniment plus haut que le big bang en question.

Si haut que ce soit, pourtant, et si vide, essayons de nous en approcher.

Créer, c’est faire exister ce qui n’a pas d’existence. Faire venir de l’être, là où il n’y a que non-être: nous y sommes. Là où il n’y a rien, faire que quelque chose soit.

Ces phrases semblent d’une telle évidence qu’on est gêné de les dire. Et pourtant, rien que dans la cohabitation de ces deux mots : être et non-être, se trouve une inconciliable opposition. S’il n’y a pas d’être, il n’y a rien. Mais s’il n’y a rien, il ne peut rien y avoir d’autre. Car « Rien donne rien ». Or, ces mots de pur bon sens, recouvrent, sans en avoir l’air, l’une des plus cuisantes énigmes sur lesquelles la curiosité de l’homme s’use en vain depuis toujours. Et là. se trouve, Selon Teilhard de Chardin la réponse au problème du mal.

La première difficulté pour nous, ici, maintenant, est donc de savoir ce que rien veut dire, quand il s’agit d’un vrai rien.

Quand nous parlons de rien, en fait, de quoi parlons-nous ? Si nous parlons d’absence, nous sous-entendons une réalité qui n’est pas là. Quelque chose était là, qui s’est absenté. Quelque chose. De même que, lorsque pour faire plus clair, nous parlons de vide, nous entendons au moins un flacon, dans lequel il n’y a plus rien. Mais il y a au moins le flacon. Et s’il n’est pas sur la table devant nous, il est du moins dans notre esprit.

Sans le vouloir, mais sans pouvoir faire autrement, nous substituons instinctivement au mot néant l’idée d’absence, car nous ne pouvons pas tolérer 1’impression de vide que créerait en nous la notion pure de néant absolu.

Et nous n’en sortons pas. Oubliant que, parler de vide ou d’absence c’est encore parler de quelque chose, qui existe donc quelque part. Mais du rien absolu, dont personne d’ailleurs n’a jamais eu jamais la moindre image, nous n’avons toujours rien dit.

Et l’étonnant est bien que je connaisse l’idée du néant, alors que je ne l’ai jamais touché du doigt. D’où cette idée est-elle donc venue dans ma tête ? Ma tête où rien n’entre jamais si je ne l’ai d’abord expérimenté quelque part. Question!

Et c’est bien là., le premier traquenard. C’est que réfléchir sur l’idée de création me contraint à utiliser des notions qui ne «collent" absolument pas avec ce que je voudrais dire. Des mots muets, quoi ! Des moyens totalement infirmes. Comme si, voulant parler de musique je me servais d’un râteau: rien à voir. Personne n’a jamais su trouver les expressions adéquates. Et c’est pourquoi quand nous voulons parler du néant, nous parlons de rien. Et comme nous sentons bien que nous sommes loin de ce que nous voudrions dire, alors, nous ajoutons. Et nous disons : rien? Même pas un lieu vide. Ni un vase sans fleurs. Ni un fauteuil sans occupant. Ni le vide lui-même.

Pas de contours,. ni de couleurs, ni de consistance, ni de nom, ni d’emplacement, ni de mémoire. L’absence absolue. Qui n’est même pas absence puisque cette dernière présuppose toujours une réalité déjà là qui se serait dissimulée.

La tournure de mes phrases suffirait à elle seule à démontrer l’incapacité, grosse de ridicule, où je me trouve pour parler du néant. Et quiconque s’y essaye, essuie le même échec.

Et pourtant, il faut qu’on en parle. Car nous ne pouvons pas vivre sans tenter de connaître notre milieu d’origine. Et ce milieu c’est le néant, ou, moins faussement, le non-être

Je n’aurai pas l’audace de dire que Dieu lui-même trébucha sur la même difficulté que nous. Mais je sais, à voir comment les choses vont aujourd’hui, qu’il a, lui aussi, quelque chose comme du mal à se pencher hors de lui-même, pour obtenir de ce «rien» qui n’est pas lui, que quelque chose soit.

Essayez d’imaginer (une idée farfelue qui me traverse la tête) comment vous vous y prendriez, vous, pour vous tourner vers une chose qui n’existe pas, et pour en faire sortir un objet. Pour vous, cela ne veut rien dire. Mais pas pour Dieu. Et que Dieu le puisse, le fait créateur.

Pour avancer un peu, sinon pour voir plus clair, je vous propose une autre manière de dire l’indicible du néant. Et pour ce faire, je reprends d’un mot les notions aristotéliciennes de "puissance" et d’"acte" que nous avons utilisées tout à l’heure. Parler d’un extérieur de Dieu d’où la vie créée jaillira, peut se faire aussi en disant que, correspondant à la puissance qui est en Dieu, doit se trouver en dehors de lui mais ne venant que de lui, une capacité à passer à l’acte. En effet, s’il y a en Dieu une puissance, il doit y avoir ailleurs une possibilité de passage à l’acte. il y aurait donc en face de Dieu , une pure capacité à être, vierge si l’on peut dire et en tout cas disponible à. la puissance qui est en Dieu pour qu’elle devienne acte. Ainsi, en face de Dieu qui est créateur, il y aurait une capacité à être créé. Face à Dieu qui possède la capacité de donner l’existence , se trouverait une capacité à la recevoir . Faisant pendant à ce penchant qu’a Dieu de se donner, se trouverait un penchant à la divinisation. Toute la difficulté de l’expression réside dans le fait que «rien » ne se trouve être le substrat de cette capacité et qu’elle ne nous parait donc être qu’une exigence de notre propre raison. Une seule question : cette exigence de notre raison est-elle gratuite ou fondée ? Gratuite, c’est-à-dire inventée «sans raisons", ou bien fondée sur la sagesse de Dieu qui transparaîtrait dans les racines de notre Instinct par où Elle nous tient et déteint sur nous et d’où germerait l’hypothèse que je viens de vous soumettre?

Toujours est-il que Dieu ne vous ayant, ni à moi, jamais dit quoi que ce soit sur cet état dont pourtant nous sortons, je me sens autorisé, et contraint à mon grand deuil, à ne pas en parler davantage.

3. Ce «rien » a évidemment du «mal » à obéir à Dieu.

Avançons encore un peu. Prudemment. Bien que nous ne comprenions pas grand-chose à ce que Dieu fait, il reste quand même qu’il le fait. C’est à dire qu’à partir du rien dont nous n’avons rien pu dire, il fait exister, en dehors de lui. Evidemment, c’est Dieu. Ce qu’il veut, il le fait.

Et s’il peut faire ce qu’il veut, de son côté les problèmes disparaissent.

Par contre, de l’autre côté, du côté du non-être, on ne les a pas résolus, ces problèmes. Et que peut faire le non-être au moment mystérieux où, le soleil n’existant pas encore, personne n’était là pour entendre Dieu donner l’ordre créateur: «Que la lumière soit !» Que peut-il faire, le néant ou le non-être, à ce moment précis, puisqu’il n’EST pas ? Comment pourrait-il obéir ? (Nous nous rapprochons de la clé du mal.)

Pour deviner, au moins un peu ce que veut dire que Dieu fait exister à partir de rien, je vous raconte encore une parabole. Un père décide de jouer avec son enfant. Et de dessiner un sapin, avec lui. Si l’enfant a douze ans, la chose est possible : il va aider son père avec d’autant plus d’aisance qu’il manie déjà. le crayon. Et vraisemblablement aussi, 1’ ordinateur de papa!

Mais la situation se complique si le père demande de l’aide à l’enfant qui n’a que cinq ans. Celui-ci, pour peu qu’il comprenne la proposition, sera bien plus lourd à la manoeuvre, étant entendu qu’il sait à peine tenir le stylo. Mais enfin, avec un peu de patience, peut-être aboutira-t-on à quelques traits que l’on baptisera «sapin».

Que cet homme pousse plus loin l’expérience et (pardon pour l’imaginaire) demande au nourrisson... Je n’insiste pas. Nous sommes devant l’impossible. Et pourtant le nourrisson existe. il est un vivant avec lequel on peut ébaucher déjà un rudiment de communication. il existe. Et Papa obtiendra au moins un sourire. Mais sans doute pas un sapin.

Allons jusqu’au bout de la démonstration: comment se faire aider, pour le dessin de cet arbre, si l’on n’a plus rien en face de soi?

Voilà devant quoi se trouve le créateur. Et pour faire bien plus qu’un sapin.

Pourtant, si Dieu le veut, tout doit plier. Même ce qui n’existe que sous forme de disponibilité. Là, d’évidence, je suis à la limite de ne plus savoir quoi dire. Mors, je vais au plus simple : Dieu fut obéi. Voilà! Parce qu’il est Dieu. Je ne puis dire plus. Mais nous venons d’apercevoir, tout au bout de notre lunette, le mystère de l’acte créateur.

4. Mais ce qui vient à partir du néant est quasiment néantiel.

Nous voici maintenant plus à l’aise, puisque désormais quelque chose est là. Et que ce quelque chose, même s’il est encore bien peu, c’est mieux que rien. Ou, Si vous préférez, c’est mieux que le néant.

Seulement, ne rêvons pas. Le quelque chose qui apparut lorsque Dieu dit:

«Que la lumière soit », ce fut tout de même inimaginablement peu. Car, même si c’est Dieu qui commande, la possibilité d’obéir n’est encore rien qu’une capacité. Et passer d’une capacité à sa «réalisation" ne se fait pas sans mal. Parce que c’est Dieu qui commande, la «capacité" obéit, mais elle obéit comme ce qui n’est pas encore peut obéir. Et si Dieu n’était là pour glisser l’existence dans l’interstice invisible entre sa Parole et la possibilité d’être plus que rien , il n’y aurait toujours rien. Nous ne sommes pas sortis du mystère ! Et vous devinerez sans mal (enfin, sans mal, une façon de dire) que ce qu’a produit l’obéissance du rien fut quasiment néantiel. Autant dire que le résultat, Dieu seul l’a vu. Un impondérable, au sens le plus lourd (si j’ose dire) qui soit!

Mais enfin, tout impondérable qu’il soit, il y a quelque chose. Voici douze milliards d’années ou aujourd’hui même. Quelque chose. Une chose, insignifiante pour nos instruments de mesure, et pourtant chargée d’avenir. Terriblement semblable au néant, encore, d’où cela sort, mais quelque chose. Quoi? A dire vrai, et combien: Dieu seul le sait!

Et pourtant cet impondérable, qui vient de jaillir est là, désormais pour collaborer avec Dieu. L’Evolution avance, donc, dès les premiers instants, mais à1’ allure du non-être, infiniment plus lourde, que celle d’un tétraplégique. Car, même si «l’Esprit de Dieu planait sur les eaux» pour la pousser, elle n’en finit pas de sortir de ce non-être. Et même si vous n’avez jamais vu le néant, vous pouvez bien penser qu’il n’a rien d’un cheval emballé. Et qu’il est plus une inertie qu’une force. Et qu’il fallait les yeux de Dieu pour pouvoir dire, chaque soir, que «cela est beau».

Tout ceci pour dire que l’acte créateur , même s’il est possible pour Dieu puisque Dieu peut ce qu’il veut est indescriptiblement malaisé pour le NON-ETRE qui est en face de lui. Le RIEN obéit comme le rien. Et l’Evolution qui sortira de lui, obéira lourdement comme lui, aussi longtemps qu’elle n’en sera pas complètement sortie. Le non-être «natal » étant une paralysie plus qu’une danse, l’homme qui en vient sera longtemps lourd devant la vie qu’il faudra faire. Il sera long à grandir, tenté souvent, devant le poids à remuer, de retourner à la tranquillité inconsciente du «temps» où il n’était pas. Durant longtemps il en sera ainsi, aussi longtemps qu’il n’aura pas fini d’arracher au non-être, l’être qu’en puissance il est capable de lui enlever. L’homme est donc, par nature provisoire et de naissance, un être inachevé.

Inachevé, comme le dit Teilhard, ou révolté comme nous le disons? Ce n’est pas la même chose. Il va falloir choisir. Car vous sentez bien que nous sommes ici sans doute à la source de ce que nous appelons le Mal.

IV. LE MAL C’EST QUE CE QUI N’EST PAS, A DU MAL A VIVRE.

1. Le péché originel.

Le moment est venu de jeter un coup d’oeil sur cette tentative d’explication du mal que constitue la notion de péché originel.

Et soyons bien clairs dès l’abord : quoi que nous disions sur ce sujet, il va de soi qu’aucun naïf ne pourrait nier qu’il y eut un jour, un premier péché. Evidemment, un jour, l’un ou l’autre des premiers hommes, expérimenta ses limites et se trompa dans ses choix. De même que dans la vie de chacun d’entre nous, il y eut aussi un moment, que nous avons oublié depuis, où, pour la première fois, nous avons fait «un péché ". De ces évidences, personne ne peut se défaire. Ce n’est donc pas l’existence de ce péché qui est en cause, mais ce dont on l’a chargé.

Il est important de tenter de voir clair en lui, pour discerner s’il est bien la cause du mal. Ou si la cause en est ailleurs.

Bien d’autres choses seraient à dire sur le péché originel, que celles que je vais dire, mais le cadre de ce travail ne les contiendrait pas.

Le péché originel expliquerait, dit-on, la difficulté que nous avons à faire le Bien alors que pourtant nous voulons le faire. St. Thomas d’Aquin est formel là-dessus, puisqu’il dit même que nous ne pouvons pas vouloir le Mal. Et que même lorsque nous le choisissons, c’est encore le Bien que nous visons, nous trompant simplement sur les apparences.

Par le fait même ,si nous avons du mal à ne pas faire le mal que pourtant nous ne voudrions pas, pour reprendre la pensée douloureuse de st. Paul ,c’est le péché originel qui expliquerait cette anomalie. Car, sortis parfaits (c’est-à-dire achevés) des mains du Créateur, la première révolte nous aurait pervertis, causant la suite.

Sans compter qu’il est bien difficile de comprendre comment la révolte d’un seul vivant a pu avoir d’aussi terribles et durables conséquences, sur le déroulement de l’histoire humaine, au point d’y provoquer, soyons clairs, la mort des enfants ou la guerre ou le cancer! Il semble étonnant, tout de même, de faire porter une aussi lourde responsabilité sur ce vivant, dont la paléontologie nous laisse entendre que c’était déjà bien beau pour lui qu’il sût inventer le feu...

Comment, de plus, entendre la sanction de la mort? Faut-il comprendre que rien ni personne ne soit mort avant qu’Adam ne se révolte ? Faut-il nier par le fait même le caractère on ne peut plus naturel de ce phénomène qui, s’il n’eût fonctionné avant la faute, eût laissé la planète dans un indescriptible et inhabitable encombrement?

Et puis comment expliquer, aussi, que la capacité physique de la maladie et de la mort, qu’aurait inscrite dans le pécheur le péché d’origine, ait pu se communiquer à la longue descendance qui arrive jusqu’à nous et ira au bout des siècles ? Comment l’expliquer quand on sait l’in-démêlable écheveau d’improbabilités que trame avec soi la question de la transmission des caractères acquis ?

Que faire, encore, de l’idée que l’on défend par ailleurs, de la justice de Dieu, si l’on doit admettre qu’alors qu’un seul couple pécha, tous les vivants désormais, y compris la masse inconsciente de la matière qui fait le cosmos, porteront la terrible punition de ce qu’ils n’ont pas fait ? Quelle mère sera rassurée de savoir que si son enfant vient de mourir, c’est parce que voici quelques cinq cent millions d’années quelqu’un s’est révolté ? Qu’est cette justice dont il ne peut rester dans la conscience humaine que l’impression d’une démesure atroce?

Laissons ces questions (qui sont pourtant autant de nids à révolte) et avançons.

A supposer, donc, que le péché originel puisse expliquer le mal qui s’ensuivit, il ne s’expliquerait pas lui-même. Et comment s’expliquerait-il, si l’homme premier sortit parfait des mains du Créateur, comme l’enseigne mon catéchisme d’enfant ? Que l’on me dise dès lors comment il put pécher... Car, pécher, c’est tout de même se révolter. Et comment concilier une révolte avec une perfection des premiers vivants?

Et puis, choisir la souffrance d’une terre bouleversée, et l’éternelle damnation plutôt que le ciel, comme l’auraient fait Adam et Eve, suppose un jugement en faillite plutôt que le geste libre d’une intelligence en pleine maîtrise de soi. Ce serait bien le moins, pourtant, qu’un être parfait soit incapable de tels déraillements. Car enfin, choisir le malheur plutôt que le bonheur est le signe d’une intelligence aveuglée. Et non parfaite

Comment a-t-il pu pécher, ce vivant, sinon parce que déjà , dans sa structure même, il en portait la capacité ? Je ne fais que ce que je puis faire. Si je pèche, c’est que j’en suis capable. Mais si j’en suis capable, c’est que mon équipement n’est pas parfait.

2. Ou bien l’homme inachevé ?

Allons donc voir plus loin si nous ne trouvons pas une autre explication au mal.

Faisons le tour de ce que nous avons obtenu pour le moment.

Dieu, parce qu’il fait l’homme à son image lui confie la responsabilité de se construire lui-même.

Pour ce faire, il lui donne seulement l’existence, lui demandant de se construire, à partir de là., comme il l’entend.

Mais, l’homme, sorti du non-être, n’est pas achevé.

Et donc, du fait de cet inachèvement, et de la lourdeur originelle dont sa nature se souvient, il a du mal à. vivre sa vie.

il ne nous reste plus qu’à écrire la dernière équation. Quant à la résoudre

La dernière équation? Le mal c’est l’inachèvement de la création.

Le mal ? Et s’il n’était pas d’abord dans la méchanceté du péché originel?

S’il était plutôt dans le fait que l’homme est maladroit parce qu’il est inachevé ? Et que tant qu’il ne sera pas achevé il aura du mal à se construire et donc du mal à vivre? Et si ce que nous appelons le mal n’était pas autre chose que cette difficulté à vivre que l’homme et le cosmos portent en commun, envers tragique de la grandeur qui leur revient de se faire eux-mêmes, alors qu’ils sortent lourdement du non-être et que Dieu ne les fait pas ? Mais alors, si le mal n’était pas le résultat d’un péché, mais la conséquence d’un inachèvement, et si cet inachèvement était le signe d’une grandeur, alors, nos manières de voir se bouleverseraient.

Car, dans ces perspectives, nous ne nous trouverions plus d’abord et essentiellement, devant une révolte, mais devant une grandeur. La grandeur d’un homme qui sait que dans l’éternité il sera pour toujours ce que, sur terre, il se sera fait. Grandeur redoutable, non point parce qu’il risquerait, lui, de se perdre, mais parce qu’il peut se tromper dans ses choix, et donc se blesser, mais aussi et du même coup, alourdir l’allure à laquelle le monde tout entier se bâtit.

3. L’origine du mal : le péché originel ou 1’ état d’origine ?

Il nous faut maintenant tenter de resserrer encore notre visée. Nous venons de dire que, dans notre hypothèse, la source du Mal n’est pas dans la révolte de l’homme, mais dans l’inachèvement de la création. Essayons donc de préciser en quoi cet inachèvement provoquerait le mal, du handicap ou de la guerre, ou de la torture ou du sida. Essayons, du moins.

Le mal, pour curieux et disproportionné que cela puisse paraître, se trouve d’abord dans la difficulté qu’éprouve la raison humaine (inachevée ne l’oublions pas) lorsqu’elle doit choisir les décisions qu’il lui faut prendre. Ainsi le chef d’Etat qui décide la guerre parce que la race de l’autre doit être parquée ailleurs que chez lui, déclenche un mal dont la cause est un mauvais choix

La difficulté ensuite que trouve la volonté, inachevée elle aussi, pour faire passer à l’acte les choix que la raison a faits. Elle n’a pas toujours le courage de se libérer assez pour mener à terme ce qu’il faudrait faire. Ainsi l’étudiant qui décide de commencer aujourd’hui même ses révisions. Mais qui remet à demain, et à demain encore, jusqu’à la veille du concours, le passage à. l’acte décidé. Son échec viendra de l’insuffisance de sa volonté.

Difficulté encore pour le coeur qui doit en permanence orienter les choix dans le sens de la tendresse. Et s’il ne le fait pas, il se prend à. aimer ce qui n’est pas pour lui. Ainsi le conjoint dont le coeur a du mal à distinguer entre l’amour et l’attirance et qui fera souffrir l’autre conjoint et leurs enfants.

Et de plus, vous devinez bien que si l’homme utilise ses facultés à l’envers de ce pourquoi elles sont faites, il les fausse. Et qu’une fois faussées, elles auront plus de mal encore à remplir leur fonction.

Le péché, d’ailleurs, ne serait-il pas là : sachant que mon choix, parce qu’il est mauvais va rendre ma vie plus pénible encore, et par le fait même, compliquer la vie des frères qui me sont liés, et aussi blesser le coeur de Dieu qui souffre de ce qui me fait mal, le sachant, donc, je le fasse quand même ? Vous voyez qu’alors le péché ne vient pas d’une révolte initiale, mais de nos maladresses qui sont elles-mêmes le résultat de 1’ inachèvement. Si la raison du Chef d’Etat avait été plus achevée voire parfaite, il ne se serait pas trompé dans son choix. Et si la volonté de l’étudiant avait été elle aussi en meilleure forme, elle n’aurait pas retardé ses révisions. Et si le coeur avait eu moins de failles, il aurait re-choisi sans tant de peine, qui il avait d’abord choisi.

Etre inachevé n’est pas un péché. Or, puisque c’est l’inachèvement qui est à l’origine, ne vaudrait-il pas mieux parler d’état d’origine, que de péché originel?

N’oublions pas : c’est pour notre grandeur que Dieu nous lance inachevés dans la vie. Voulant que nous soyons responsables de nous construire nous-mêmes, il ne nous construit pas. Nous sommes donc à construire. Mais parce que nous sommes inachevés, nous sommes aussi capables de nous tromper.

Dans ces conditions, la vie ne serait pas un drame de l’infidélité, mais le chantier de la confiance

Et si nous ne sommes pas fondamentalement des révoltés mais des fils maladroits, alors l’attitude de Dieu pour nous n’est pas la même. Dieu ne peut pas être d’abord soupçonneux comme à l’égard d’un «méchant », mais tendre comme à l’égard d’un fils qui, maladroitement et pour cause, fait pourtant, par nature, ce qu’il peut.

Et s’il est vrai que l’homme dépend du non-être d’où il sort avant de recevoir l’existence, il dépend aussi et avant tout et pour toujours de Dieu. Par conséquent, il est important, pour que nous puissions vivre autrement qu’en condamnés, de savoir si cette dépendance est une surveillance ou un baiser. Il nous reste donc à dire un mot, pour terminer, de cette dépendance que les Chrétiens nomment la Providence. Ce faisant, nous répondrons aussi à. l’objection: Si l’homme a tant à faire, que fait Dieu?

(Le père Teilhard n’a pas abordé cette question, du moins de la manière dont je vais la prendre.)

4. Comment jouent la liberté de Dieu et la nôtre quand Dieu crée

La question des deux libertés. Il est vrai que Dieu peut, dans la conception que nous nous faisons de notre responsabilité, nous apparaître désoeuvré. Que lui reste-t-il à faire, si nous devons nous édifier nous-mêmes ? Si nous devons mettre personnellement au point nos orientations ? Etablir que ceci est bon pour nous et cela mauvais, définir nos relations, ne pas attendre des événements qu’ils nous téléguident, cliqués par lui sur son ordinateur. Mais par contre, savoir une fois pour toutes, que ce que ne ferons pas, Dieu ne le fera pas à notre place, qu’il ne suit pas chacun de nos pas pour en effacer les traces maladroites (sauf en cas de pardon demandé), qu’il ne se situe pas en tampon entre le frère que nous blessons et les coups qu’on lui porte, et qu’à tous ces titres, ce que nous sommes, c’est bien nous qui le faisons?

Oui, dans ces conditions, que lui reste-t-il à. faire ? Et que veut dire l’expression désormais (et justement) courante, de création continue utilisée plus haut?

Je comprends qu’il soit malaisé de passer de l’idée d’un Dieu surchargé par les multiples soins d’une création où tout lui revient, à l’idée d’un Dieu qui laisse à l’homme la part de charge que la Genèse annonçait en disant de l’homme qu’il «devrait dominer la terre. Et la soumettre ».

Il n’est pas simple de deviner le rôle réel de Dieu qui laisse toute sa place à sa liberté, mais aussi à la nôtre.

Justement, nous voyons bien comment 1’amour s’y prend s’il est respectueux de celui qu’il aime. S’il veut jouer pleinement son rôle, sans altérer le domaine de l’autre, il ne décide jamais à sa place. Mais par contre, il essaye de l’entourer des conditions qui l’aideront à prendre sa propre décision. Et les conditions les meilleures, il le sait bien, c’est de l’aimer. Ainsi, lorsque 1’ enfant de tout-à-l’heure a du mal pour son travail du soir, papa peut le faire à sa place. Mais il peut aussi mettre son bras autour du cou de l’enfant, pour que la chaleur de sa tendresse réveille son intelligence. Et son courage. Et que le petit soit ainsi mis en état de faire lui-même son devoir.

Pourquoi en irait-il autrement de Dieu ? Lorsque l’homme doit prendre une décision, il peut souhaiter, bien sûr que Dieu la prenne à. sa place ou que 1’ Esprit de Dieu pense si fort qu’il n’ait plus, lui, qu’à recopier. Mais Dieu peut aussi, comme papa le fait pour son enfant, « prendre l’homme dans ses bras et le couvrir de baisers." Puisque la manière d’éveiller un vivant et d’activer ses facultés, au coeur d’une vie souvent lassante, c’est de l’aimer. L’homme est comme les fleurs de votre jardin : dès que le soleil les réchauffe, le matin, aussitôt elles s’ouvrent et se mettent «à être fleurs ». Ou, comme ces fusées interplanétaires, remplies d’instruments de bord qui se mettent à. fonctionner dès que l’antenne, captant le soleil, leur en envoie l’énergie. Vous ne dites pas que l’énergie fabrique les instruments et pas davantage qu’elle leur dicte la conduite à tenir. Elle leur donne simplement l’énergie dont ils ont besoin pour remplir leur tâche. Ainsi de Dieu, qui aime l’homme. Il n’agit pas à sa place, mais il lui donne l’énergie pour qu’il puisse agir. Et l’homme n’a besoin que d’être aimé.

5. Pour Dieu, créer n’est qu’aimer.

Qui pourrait nier, en effet, que le vivant ait avant tout besoin d’amour pour être un vivant? L’enfant s’anime quand vous lui souriez. Voilà pourquoi toute l’occupation de Dieu est de donner son amour. Et c’est là sans doute le secret qui tout à l’heure nous paraissait fermé: parce que Dieu ne sait qu’aimer, il a aussi aimé le non-être. Et, inconcevable, la chaleur de cet amour, a fait le non-être éclore en vie. Oui l’amour, nous le croyons, a la force, hier et aujourd’hui, de faire que là où il n’est pas de vie, la vie puisse surgir. Il sait ensemencer l’absence pour y faire venir le sourire d’un enfant. Et c’est parce que Dieu aime éternellement le vivant et la vie, que la vie ne se fatigue pas aujourd’hui et ne s’éteindra pas demain.

Non, ce n’est pas à un Dieu désoeuvré que nous avons à faire. Mais à un Dieu dont pas un instant n’est libre, occupé qu’il est de soutenir de sa tendresse l’incessante action des vivants. De la soutenir comme l’oxygène soutient votre respiration. Avec autant de permanence et de fidélité. Et d’autant plus de force que vous vivez plus fort.

Mais aussi, avec autant de discrétion. L’oxygène ne se révèle qu’à celui qui y prête son attention. Ainsi de la tendresse de Dieu. Chacun en vit, bien sûr, chacun sans exception et sans cesse. Mais le plus vivant est pourtant celui qui prend les moyens de s’y plonger. Et qui se livre plus librement (c’est la prière) à son imprégnation. Mors, jouent harmonieusement, à la fois la liberté de Dieu et la liberté de l’homme. La responsabilité du Créateur et celle du vivant. La charge de Dieu qui est d’aimer et celle de l’homme qui est de vivre. Chacun à sa place travaille à l’avancée de la vie vers la fin du chantier. Chacun, même celui qui ne sait pas qu’il est aimé. Et qui est aimé quand même. Et qui se livre inconsciemment à l’amour d’autant plus fort qu’est plus fort son désir d’être un vivant.

Pour Dieu, créer ce n’est qu’aimer.

Le Dieu des hommes ? Un Dieu occupé, ayant quasiment quitté sa Gloire, pour pouvoir passer son temps à pleurer avec ceux qui pleurent, à mourir avec ceux qui meurent, et à. chanter tendrement avec ceux qui sont dans la joie.

Avec tous les vivants. Mais sans doute plus proche encore de ceux qui ne savent pas et qui parfois, de ce fait, ont davantage peur.

POUR CONCLURE : UNE BONNE NOUVELLE.

Je conclus. Sur une bonne Nouvelle.

Le mal!

Ce mal qu’a l’homme à se construire, avec des instruments de bord inachevés, freiné par l’inhabitude de construire que lui lègue le non-être d’où il vient, ce mal-là. est en passe d’être vaincu.

C’est vrai, Dieu ne le supprime pas lui-même tout seul. Mais l’homme non plus n’est pas tout seul. Car Dieu s’arc-boute avec lui, pour en venir à bout, et achever ainsi la venue au jour, à quoi travaille l’univers, d’un vivant qui puisse un jour devenir Dieu.

Tâche exaltante pour Dieu comme pour nous.

Tâche grandiose et rude, le jour comme la nuit, qui consiste à créer à chaque instant l’être qui n’était pas, pour faire cette part d’homme dont Dieu attend l’avènement de son Fils que nous sommes. Et la fête pour tous ses enfants.

Le mal, non point d’abord et fondamentalement une révolte de l’homme contre Dieu, niais le poids quotidien des inévitables lourdeurs d’un être sortant du non-être, et appelé pourtant par le créateur à devenir son fils.

Le mal, l’incroyable distance à couvrir entre le non-être et la divinité.

Le mal, le non-être vaincu par l’amour de Dieu et par l’amour de l’homme. Vaincu lentement, après avoir fait saigner les mains de l’homme et le coeur de Dieu.

La vie, non pas le pénitencier, derrière les barbelés duquel il nous faudrait être punis de nos méchancetés. Mais le chantier sur lequel notre Dieu nous côtoie pour nous aider à achever en nous son image.

L’homme, non pas le révolté chassé des cieux et menacé de ne jamais les retrouver, mais le fils maladroit et qui ne sait pas vivre et qui doit apprendre à. vivre en homme pour qu’un jour il puisse vivre en Dieu.

La terre, non pas le sommet des risques qu’il ne faudrait que survoler pour n’y prendre ni pied ni goût, mais le pays bien-aimé dans lequel le propre Fils de Dieu voulut un jour et pour toujours prendre racines.

L’Histoire, non pas le calendrier de nos méprises, mais la chair des hommes et leur âme, faite au jour le jour de leurs conquêtes et de leurs échecs, et destinée à être une trame de l’éternité.

Le ciel, non pas le gros lot hypothétique promis aux réussites des héros, mais la maison bien large où pas un ne manquera des enfants des hommes appelés à la vie par le Dieu de tendresse.

Dieu, non pas des yeux enfoncés dans un tribunal, mais des bras glissés dans l’évolution du Cosmos pour réconforter les hommes en tram de monter vers lui. Dieu, des bras pour les embrasser quand ils viendront «de la grande épreuve ».

Le Christ, pas seulement le torturé de la croix, mais aussi le petit enfant de Marie, et le ressuscité, qui ne nous quitte plus jusqu’à. la fin du monde.

Le Mal, lutte titanesque et patiente au creux de laquelle, ce qui n’était pas sera devenu Dieu. Dans le Fils bien-aimé.

Que restera-t-il, au denier jour, sinon une victoire des hommes et de leur Dieu!

La fin, enfin......qui ne sera pas proclamation des prix ni relégation définitive aux antipodes de la fête, mais farandole immense «et que personne ne pourra compter », des hommes consolés.

Et éblouis de voir que, venant de n’être pas, ils seront désormais beaux comme Dieu.

 

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