Conférence organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
3, rue de la Source
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VIVANTS PAR L’AMOUR

12 Mars 2000

La théologie de la Part-Dieu est bâtie sur deux fondements essentiels :

  1. Dieu est tendresse
  2. L’homme est beau à l’image de Dieu.

C’est aussi sur ces bases que, d’après cette théologie, repose l’histoire.

EN GUISE D’INTRODUCTION.

Dans les perspectives suivies ici, (l’équipe de la Part-Dieu) l’athéisme est considéré comme une protestation inconsciente de l’humanité. Au fondement de leur être, les hommes, parce qu’ils sont, nous dit la Bible, à l’image de Dieu, ont une « connaissance inconsciente » de l’existence d’une « réalité » dont dépend la vie. La beauté du monde et l’amour qui s’y trouve, ne peuvent venir que d’une réalité antérieure à tout, qui ne soit pas moindre que cette beauté et cet amour. La « connaissance » de cette réalité est « instinctive » et inconsciente, mais assez réelle tout de même pour provoquer une réaction de révolte lorsqu’elle se trouve face à des affirmations qui vont à l’encontre de ce qu’elle « sait » au fond d’elle-même. Le refus tenu par l’athéisme serait, dans cette perspective, une réaction de cette certitude innée, face à des dires qui, venant par exemple des religions, rapetissent ce qu’elle sent au fond d’elle-même. A des affirmations minimisantes ou déformantes, cet athéisme répond en substance : « Ce dont vous nous parlez n’est pas Dieu. » Sous-entendu : ce dont vous parlez ne correspond pas à ce dont nous, humains, portons la trace à la racine de notre être.

1. DIEU PERE.

La raison majeure pour laquelle le Christ s’est incarné, c’est, pensons-nous, de nous dire quelle est cette Réalité d’où tout vient. Un peu comme pour rendre justice aux protestations de l’athéisme.

L’image souvent donnée par le Premier Testament, d’un Dieu puissant, juge redoutable, capable de rejeter l’homme en « enfer », est une vue provisoire, inspirée aux prophètes, en partie par les cultures païennes environnantes, en gros durant le millénaire qui a précédé la naissance du Christ.

Elle n’est d’ailleurs pas la seule vue sur Dieu à laquelle ce Testament soit arrivé : On commence aussi à deviner que ce Dieu est tendresse. (Osée, en particulier.)

Jésus est donc venu nous dire que ce Dieu qui est en effet la source de tout ce qui existe, est uniquement Père. ( Jésus disait « abba », un terme araméen dont la traduction française la plus proche est « papa ».

La Part-Dieu a donc choisi de focaliser toute sa pensée et son annonce du message sur cette « vérité » que Dieu est Père. Comme le dit le Christ en st. Jean, nous n’avons qu’un seul Père qui est au ciel. Cela, bien sûr, ne diminue en rien ce que sont nos père et mère de cette terre : branchés eux-mêmes sur cette Source, leur rôle, extrêmement complexe, consiste simplement ( !) à effectuer une « dérivation » dans le « courant » qu’est la vie, et c’est l’enfant.

Dieu est donc seule « source absolument première ».

Mais il est aussi, par le fait même, le premier à pouvoir « nommer » l’être humain au départ de la conception, donc à pouvoir le faire « être » comme quelqu’un d’autre que Lui. Il lui dit : « Tu es mon fils. » Parole constitutive de l’altérité, et don de la « personne » nouvelle. L’expression « l’homme est un être de relation » rejoint cette affirmation.

Pour que le vivant puisse rester une « personne », Dieu lui dit sans cesse qu’il est son fils. Toutes les autres relations, aussi importantes, mais secondes, dans la constitution du vivant, ce sont les hommes eux-mêmes qui les lient.

Ce que nous sommes, chacun, vient de là. Du Père absolu. Et de la paternité et de la fraternité humaines.

C’est parce que cela est essentiel, mais aussi, difficile à deviner, que Jésus s’est fait homme. Afin de mieux nous le dire. Et c’est afin de prouver l’amour d’Abba (« Il n’est pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie… ») qu’il est mort sur la croix.

2. DIEU CREATEUR.

(Dans ce paragraphe, les mots « fabriquer » et « construire » sont mal venus, et il faut entendre provisoirement à leur place, le verbe « créer », que nous reprendrons bientôt. Ils sont utilisés ici parce qu’ils nous semblent, au moins pour un premier contact, plus explicites.)

Ce qui complique tout (si l’on ose dire !) c’est que Dieu a voulu « faire l’homme à son image ». S’il veut créer des êtres à son image, il faut que ces êtres lui ressemblent. Or c’est là que se situe la difficulté.

En effet, lui, Dieu, personne ne l’a fait et il est seul responsable de ce qu’il Est. Et donc la quadrature du cercle réside en ce que ces êtres, qu’il veut faire à son image, ne doivent pas eux non plus, être « faits » par quelqu’un d’autre qu’eux-mêmes, même pas par Dieu. D’autant moins que Dieu ne sait pas ce que c’est que « fabriquer », puisque cela ne lui est jamais arrivé ! (On parle ici en termes humains …) Si l’homme était construit par quelqu’un d’autre, il ne serait pas à l’image de Dieu car Dieu n’a pas lui-même été « construit ».

Dieu ne nous construit pas. C’est donc nous qui avons à le faire. L’acte créateur, pour Dieu, consiste simplement (!) à nous donner la force d’effectuer nous-même cet énorme travail et d’assumer cette haute responsabilité, la plus haute qui soit pour un être humain.

Or, et nous retrouvons là l’idée de la tendresse, il nous donne la force de le faire par les baisers dont il nous couvre (Voir la parabole de l’enfant prodigue, en Lc. 15.) C’est de cette source que nous recevons l’énergie qu’il nous faut pour nous édifier. Et nous la recevons sans cesse puisque l’histoire (personnelle et universelle) ne s’arrête pas.

C’est dans le contexte global de l’évolution, que l’homme vient.

L’évolution que Dieu ne fabrique pas, pas plus qu’il ne nous fait.

L’évolution : Dieu « chauffe » assez « ce qui est en attente d’exister » (autre dénomination de ce que la philosophie appelle aussi le « néant »). Il chauffe assez pour que, l’évolution se mettant au point elle-même par tâtonnements, la vie s’épanouisse, et puisse produire les éléments de base qui deviendront l’homme.

Dieu, la « Source », est toujours en train d’inviter la vie à se faire. En lui donnant l’énergie de se développer par ses propres moyens. Ainsi le cosmos, et l’homme évidemment, sont « autonomes ». Ils vivent selon les lois qu’ils mettent eux-mêmes au point. (Nous y reviendrons en parlant de la morale.) La seule contribution de Dieu, après sa décision de créer, c’est le don de sa tendresse, génératrice d’énergie, comme il en va en amour humain.

Le « créé » est à la fois autonome et dépendant. Autonome, nous venons de le dire. Dépendant, parce que, hors de cette tendresse productrice d’énergie, tout s’éteint. En permanence, Dieu tient « tout cela » et chacun dans ses bras et dit : « Tu es mon enfant. » Cette étreinte, commencée bien avant le Big Bang et au moment de notre conception, est définitive. Une « approche » de l’idée de vie éternelle.

Parce que nous sommes à l’image de Dieu, nous sommes sujets responsables de ce que nous sommes, des sujets auxquels Dieu peut s’adresser, rêve de l’amour. Si l’homme était « fabriqué » par Dieu, il ne serait qu’un pion ou une marionnette. Et que pourrait dire Dieu à une marionnette ? Il ne peut s’adresser qu’à des êtres libres et responsables, comme il l’est lui-même. Exigence de l’amour que de se tenir face à face, dans une relation « équivalente ». La grandeur de Dieu et la grandeur de l’homme.

Ainsi, dans le groupe de la Part-Dieu, voit-on l’acte créateur. Et, pense-t-on, c’est pour révéler cela totalement que le Christ s’est fait homme.

3. CAS PARTICULIER DE L’AUTONOMIE DE L’HOMME : LA MORALE.

Pour que l’autonomie de l’homme puisse être réelle et sans exception, la loi morale elle-même ne peut venir de Dieu. Seul celui qui fabrique l’homme peut inventer au fur et à mesure, les lois de son évolution. Si c’est l’homme qui doit se faire, c’est lui aussi qui doit mettre au point, en tâtonnant, là encore, les « modalités de sa propre gestion », autre nom de la morale.

Toutefois, en « analysant » sa manière de vivre et ce qu’a exigé au cours des siècles, l’efficacité de sa vie en commun, l’homme a remarqué des « permanences » dans ses façons de s’y prendre : le Décalogue … Moïse, législateur d’un peuple en voie de constitution au désert, les rappelle à ses frères et les met sous l’autorité de Dieu, dont on pensait qu’il était la seule source de tout. De l’homme comme des lois.

Si Dieu donnait le décalogue tout fait, c’est-à-dire le schéma de la gestion de l’homme, l’homme serait infantilisé. Pour être réellement « son » propre responsable, l’homme doit être à la fois auteur et sujet de la loi selon laquelle il fonctionne. De même que Dieu ne reçoit pas ses lois d’ailleurs que de lui-même. A la nuance près, tout de même, que Dieu n’a pas de mal pour se gérer, tandis que l’homme qui est toujours en pleine construction, fonctionne avec du mal.

Les deux seules lois que nous n’ayons pas inventées, et auxquelles, au dire de Jésus lui-même, toutes les autres sont « suspendues » :

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ;

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Comme nous sommes à l’image de Dieu, donc de « nature divine », nous sommes structurés, comme Dieu lui-même, sur la base de ces deux principes qui sont inscrits dans notre être le plus profond. Comme ils sont la structure même de Dieu : la Trinité, Pluralité et Unité.

Et ceux-là, il fallait bien qu’il nous les révèle, puisque sa structure essentielle, qu’ils constituent, est actuellement au-delà de notre expérience.

Tout tient dans notre relation à Dieu et dans notre relation avec nos frères. Nous croyons en la réalité de Dieu Et en la réalité de nos frères. Toute « efficacité » tient dans le respect de ces deux fondements.

CONCLUSION.

Dieu qui sait bien que l’homme est à son image, a confiance en l’homme au point de ne pas lui dicter ce qu’il doit faire pour « être ».

Plus l’Eglise enseignera cela, plus les hommes seront prêts à recevoir son message.

L’homme enfermé dans un corset de lois, ne les applique que s’il les comprend, s’il s’en sent responsable, et s’il a fait l’expérience de leur efficacité. Comment mieux y parvenir qu’en les faisant ? Dieu le sait. Il sait aussi que nous sommes fiables, puisque nous sommes à son image. Fiables, mais aussi maladroits, inévitablement, tant que nous ne serons pas achevés.

Si l’enfant sait que son père a confiance en lui, il apprendra sans doute plus facilement à se gérer lui-même, et à être responsable de lui.

Dans l’évangile de ce jour ( la tentation de Jésus au désert) nous sommes surpris par le respect que Jésus manifeste à l’égard du Démon : il entre dans son jeu et se laisse questionner par lui. S’il respecte le Démon, c’est que cela fait vraiment partie de son « style » de Dieu. A quel point peut-il respecter l’être humain !

Ce qui nous humanise, c’est la confiance que Dieu nous fait. Totale et sans conditions. La seule dont l’homme, plus que jamais, ait besoin.

Peut-être le seul visage de Dieu que l’athéisme pourrait reconnaître.

Posons-nous donc la question, car il y va de la grandeur de Dieu et de celle de l’homme : avons-nous, sur nous et sur nos frères, le même regard que Dieu ? Nous sommes dans le temps où il s’agit de respecter l’homme comme Dieu lui-même le fait.

 

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