.Conférence organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
06 03 04 22 88   

Thème de l'année: L'EUCHARISTIE

19 janvier 2003

Quand a lieu la Consécration.

 

Le thème de la journée est celui de la retraite et porte donc sur l’Eucharistie.
Eucharistie est un mot grec qui veut dire : action de grâce. Et si ce mot est employé pour désigner la messe, c’est que la messe est le geste grâce auquel Jésus nous révèle que le vivant qui sort du néant et se construit, devient du divin : chose inouïe dont, en effet, nous rendons grâce.
Pourtant, pour un chrétien, l’Eucharistie est couramment entendue comme la célébration de la Messe, et, plus particulièrement, la consécration du pain et du vin au corps et au sang du Christ qui rend le Fils de Dieu réellement présent au milieu de la communauté. Pour comprendre que l’Eucharistie recouvre une réalité plus large que celle de la célébration de la Messe, demandons-nous d’abord, pourquoi le Christ est venu sur terre.

On dit généralement qu’il est venu pour nous sauver du péché ; ce péché avait soulevé la colère de Dieu qui ne s’apaiserait qu’avec le sacrifice de son Fils. Nous restons des pécheurs mais, Dieu merci, son Fils est venu pour nous sauver du péché. Ou, du moins, de ses conséquences.
Mais si le Christ était venu pour autre chose ? On trouve dans l’évangile de Jean un élément de réponse à cette question. Jésus dit à Pilate qui lui demande s’il est roi : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité ». (Jn. 18, 37) Le Christ n’est pas venu sur terre pour réparer un système tombé en désuétude, ni pour instaurer dans l’histoire un nouveau système religieux ou une nouvelle Alliance, mais pour rendre témoignage à la Vérité. Or, la Vérité porte sur bien plus que sur la notion de péché. Le fond de la Vérité, c’est que Dieu est Père et créateur et que le « système » qu’il a lancé pour créer l’homme à travers l’évolution, est au point, malgré la présence de ce que nous appelons le Mal. Le Mal, en fait, vient de ce que le « système » dans lequel nous nous trouvons est en évolution . Cela veut dire que, par définition, il est inachevé et que donc, parfois, il est maladroit et douloureux. Et pourtant, ce système est fiable. Il est « capable » de faire ce que Dieu veut : il lui donne des fils à son image. Or, ce n’est pas parce que le Christ est venu sur terre que l’évolution s’est mise à produire des enfants de Dieu. C’est parce que Dieu lui a fixé ce but, dès le tout premier instant du monde, et qu’elle fonctionne depuis toujours selon le souhait de Dieu. Les fils qu’avec Dieu elle produit sont maladroits, pécheurs, certes, mais ils sont enfants de Dieu.
Le Fils de Dieu s’est donc « rendu visible », non pas pour dire aux hommes qu’il y avait quelque chose à changer dans la création, mais pour leur révéler que le « système » dans lequel ils vivent est bon et fiable, depuis le début de la création jusqu’à la mort et la résurrection du dernier vivant. Il est venu leur révéler qu’en effet ce système fait naître des fils de Dieu et qu’il continuera à fonctionner jusqu’au terme de l’histoire, malgré les faiblesses dues à la lente progression de la vie, mais grâce aussi aux corrections permanentes que l’homme y apporte.
Ce dont Jésus est venu nous sauver, ce n’est donc pas du péché mais de la désespérance. Il est venu nous révéler la vérité, c’est à dire la réalité fondamentale de l’histoire. Or cette réalité c’est que le courant qui a été lancé à l’origine et continue toujours à tout porter, fonctionne et progresse sans interruption et même de plus en plus vite, et ne peut pas ne pas aboutir. Malgré la difficulté d’avoir à se construire et malgré la souffrance due à ses « échecs », l’homme n’a, de fait, jamais désespéré. L’Alliance que Dieu a conclue avec lui, est infaillible. C’est pour nous assurer de cela, que le Seigneur est venu. Car, si l’homme cessait de le croire, comme il en est parfois tenté, il désespèrerait.
Si donc les chrétiens se rassemblent pour la messe, autour du prêtre qui représente le Christ, c’est pour permettre au Fils de Dieu d’éclairer l’opacité de leur vie et de l’histoire. Le prêtre rend Jésus présent au milieu d’eux afin que grâce au geste de la Consécration, il puisse les aider à deviner qu’eux-mêmes et tous les vivants sont toujours appelés à être divinisés, et que leur divinisation est bien en cours. (Nous parlerons plus explicitement de ce geste et de la communion, lors de la prochaine rencontre de Beaulieu.)
Quand commence l’Eucharistie ? Elle commence dès le moment où le désir de Dieu se fait tellement puissant que le néant frémit et commence à prendre corps. Dès le premier instant de l’histoire, Dieu partage sa nature divine avec tout ce que produit la création. Et lorsque la matière se complexifie au point que la conscience s’éveille, - en l’homme bien sûr - alors le souhait de Dieu atteint un sommet : sa création et lui-même ont produit un être « semblable à Dieu ». Le torrent de vie s’écoule, l’homme vit et se divinise.
Qu’est en effet la Consécration dont la réalité « émerge » pendant la messe ? Elle est l’acte permanent de Dieu qui divinise la création. Mais vous savez qu’un acte posé seul ne peut pas être un acte d’amour. Or Dieu n’est qu’Amour. Pour n’être pas seul à créer, il se met donc en communion avec la création qui est ainsi un acte à deux : d’abord, la Trinité de Dieu, le Père, le Fils et l’Esprit ; puis : second acteur, la création elle-même. Du coup, tout ce qui sort de l’acte créateur est à la fois humain et divin. Ainsi donc, chaque fois qu’un homme pose un acte, chaque fois Dieu arc-boute sa puissance pour donner à cet homme son énergie, et pour faire ensuite que cet acte tienne. Chaque acte d’un vivant est donc à la fois un acte de l’homme et de Dieu. C’est ainsi que l’homme qui est sorti du néant, devient « dieu ».
Et c’est pour révéler la fantastique beauté de ce qui est en cours, que la Messe est célébrée. Ce n’est pas pour consacrer le monde, mais pour révéler que le monde est en permanence en voie de consécration. La messe fait seulement émerger aux yeux des présents, la consécration du monde en train de se faire.
Il faut que les chrétiens présents sachent et croient et espèrent. La célébration effectuée autour de Jésus et pendant laquelle nous recevons la « révélation » selon laquelle le Geste de Dieu joue à plein et sans cesse, ne doit pas être voilée par nos doutes ou notre désespérance. C’est pourquoi la foi en l’homme et en la création est de même importance que la foi en Dieu, au moment où nous est révélé que Dieu et l’homme font de l’homme un dieu.
Il faut tout de même expliquer ce que nous entendons quand nous disons que nous sommes « dieu ». Nous sommes de la même nature que Dieu, ou, ce qui revient au même, de la même structure que Dieu. Nous ne voulons pas dire, bien sûr, que nous sommes la personne même de Dieu, mais que nous sommes ses fils. Nous voulons dire que, parce qu’un fils est de même nature que son père, nous sommes, ici aussi, de même nature que notre Père. Et notre Père est Dieu.
A quelques nuances près, tout de même. Alors que Dieu est Dieu de toujours et par lui-même, nous, nous ne le sommes que par Lui. Sa nature est à lui, tandis que nous, nous la recevons de Lui. Sa nature, il la possède pleinement ; nous, nous ne faisons que la découvrir et devons nous y habituer. Nous n’avons pas toujours été ce que nous sommes : lui l’est de toujours. Bien sûr, redisons-le, nous ne serons jamais la Personne même de Dieu, mais simplement ses fils et donc des personnes autres que lui. Dans toute logique, le fils partage la nature de son père, mais dans aucune logique, le fils n’est son père. C’est pour nous aider à prendre conscience de cette très étonnante réalité, que Jésus nous convie à la Messe.
Après la Cène, Jésus dit aux apôtres : « Je n’ai pas pu tout vous dire car vous n‘êtes pas en état de le comprendre, mais je vous enverrai l’Esprit… ». Peu à peu, et l’histoire avançant, l’Esprit fait ainsi découvrir à l’homme l’insondable choix de Dieu. Mais alors, « nous qui allons à la messe », et qui y apprenons l’ampleur de la création, y allons-nous pour pouvoir aimer davantage la vie et pour partage notre espérance et ses raisons ? Il faut, et cela dépend de nous qui « savons », que les « désespérants » sachent que le bateau sur lequel ils sont ne sombrera pas, que la mer est fiable et qu’ils arriveront à leur destination, la divinisation. Si nous manquions de foi dans la vie, nous serions source de désespérance. Et nous ne pouvons pas l’être : quand à la messe la Consécration a lieu, l’homme peut deviner que la divinisation est permanente et que donc tout est sauvé. C’est vers cette certitude que l’Esprit nous conduit.

        Vous avez des commentaires à faire ou des questions ? Vous pouvez aller à la rubrique « Ecrire » du menu principal.

 

Retour