Conférence
organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05
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Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
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Thème
de l'année: LA RESURRECTION
23
janvier 2005
Pour chaque vivant,
la Résurrection est déjà commencée
La Résurrection
est l'entrée visible dans l'éternité de ce que
nous avons bâti sur terre, à, partir, en particulier des
tendresses que nous avons tissées. Cette histoire ne finira donc
jamais, mais quand cette éternité commence-t-elle ?
Dans la première
instruction, j'ai voulu rappeler que ressusciter (ou mourir) n'est pas
quitter notre terre. Car le territoire où j'habite est le pays
de Dieu, et ma vie est celle même de Dieu, qu'il me donne. Pour
découvrir cette vérité insuffisamment enseignée
et pourtant fondamentale, nous devons prendre le temps de creuser jusqu'au
fond de notre foi, et élargir notre perspective. L'essentiel
n'est pas d'abord dans le catéchisme ou dans les homélies,
il est dans ce que la logique nous fait pressentir : or je pressens
que ce que je connais de la vie exige un prolongement.
S'adonner à sa recherche nécessite un effort personnel.
Même si ce n'est pas notre spécialité, nous sommes
tous des théologiens, de naissance. Il serait dommage que nous
ne creusions pas plus loin une réalité dont nous devinons
qu'elle a de quoi épanouir l'humanité entière:
d'abord pour ne pas nous recroqueviller sur une trop petite joie, mais
aussi pour nos frères, dont l'espérance dépend
de notre recherche d'aujourd'hui.
Il s'agit donc de savoir si notre espérance est fondée
et ce que l'on peut espérer de la vie. Cessons de redouter la
menace de nouvelles horreurs ou de dénoncer l'inclination des
hommes pour le mal, mais admirons plutôt leur courage. Notre monde
est difficile, mais c'est nous qui l'avons fait, et quand nous le faisions,
Dieu couvait notre intelligence : c'est une garantie ! En raison de
nos limites, c'est vrai, ce monde a inévitablement des fissures,
mais nous pouvons nous réjouir largement parce qu'il est, pour
aujourd'hui, globalement réussi. Nous croyons que le monde est
d'abord beau et les hommes d'abord courageux : cette foi est la condition
première pour que nous soyons des semeurs d'espérance.
Notre monde est
déjà beau, et sa beauté déjà inusable
et éternelle : c'est notre espérance et c'est notre foi.
Défions-nous d'une fausse idée de la mort : le mot "mort"
est un mot païen, dont la traduction chrétienne, très
" arrangée " ne peut être que : "Résurrection".
Les chrétiens doivent réaliser que la mort, au sens où
nous l'entendons d'habitude, est la vision païenne d'une réalité
pourtant lumineuse. La vie est commencée, elle est sur le chantier.
La résurrection n'en est pas la fin mais le couronnement.
Pour le comprendre, je m'appuie sur l'Evangile de la Transfiguration.
La théologie classique enseigne que Jésus a été
transfiguré devant trois de ses apôtres pour que leur foi
ne soit pas ébranlée par sa Passion à venir. En
effet la foi des futurs chrétiens reposera sur la leur. Le Père,
le Fils et l'Esprit ont donc levé le voile, pour qu'ils voient
dans toute sa splendeur que cet homme, qui leur parle et qui a un corps
comme eux, est Dieu.
Ils ont vu la gloire de Dieu, et ils ont su que Jésus est Dieu.
C'est juste, mais insuffisant. A travers cette gloire, la Trinité
a aussi voulu leur montrer ce qu'était l'homme. La Transfiguration
n'est pas seulement la révélation de la divinité,
elle est aussi la révélation de l'humain. Les apôtres
éblouis ont assisté à la manifestation d'une double
vérité, dont on ne voit malheureusement qu'un aspect.
Dieu et l'homme c'est pareil ; la vie, la beauté, la gloire de
Dieu et celles de l'homme, ce sont les mêmes. La Transfiguration
est à la fois la révélation de l'incroyable splendeur
actuelle de tout vivant, et la démonstration que cette splendeur
est du même ordre que celle de Dieu.
Il n'est pas sûr que les apôtres l'aient compris. Nous qui
bénéficions de leur témoignage et d'une longue
réflexion chrétienne, nous ne pouvons plus nous en tenir
à la moitié de leur vision. La gloire qu'ils ont vue,
et dont ils ont compris qu'elle était la gloire de Dieu, nous
devons, nous, aujourd'hui, comprendre que c'était aussi celle
des hommes.
Qui a vu Dieu, a vu l'homme. Qui a vu l'homme, a vu Dieu. Non pas l'homme
que je vois, mais celui dont je pourrais deviner la gloire, si mes yeux
étaient capables de transpercer son visage actuel. Si nos visages
étaient dévoilés, nous nous verrions beaux comme
Dieu. Aujourd'hui, nous voyons ce que nos yeux nous permettent de voir
: la surface. Si cette apparence est capable de provoquer la tendresse
ou l'admiration des autres, c'est que derrière la façade,
ils pressentent une gloire, unique pour chaque être, et du même
ordre que celle de Dieu.
Notre vie est celle de Dieu, celle-là même qu'il nous donne.
Nos yeux de chair ne nous permettent pas de voir cette identité
de vie entre Dieu et nous. Car, de naissance, un voile adaptateur et
protecteur évite que nous ne soyons éblouis. Au Mont Thabor,
l'événement s'est passé non pas du côté
de Jésus, mais du côté des apôtres. Jésus
ne s'est pas révélé, il a - pour la première
et la dernière fois de l'histoire - enlevé quelques instants
de leurs yeux ces lunettes protectrices que tout vivant porte, et qui
les empêchaient de voir plus profond que le physique. Et ils ont
vu la gloire de Jésus. Mais s'ils s'étaient alors entre-regardés,
ils auraient été éblouis et ils se seraient vus
aussi glorieux que Jésus.
De même que
nous sommes déjà dans le pays de Dieu, et que notre vie
d'homme est de la même nature que celle de Dieu, de même
en regardant Dieu, pourrions-nous deviner la beauté de l'homme.
Je ne la vois pas avec mes yeux de chair, provisoires et en rodage.
Mais c'est pourtant la même réalité. Il faut réaliser
que le Thabor est la révélation de la gloire, celle de
Dieu et celle des hommes.
La Résurrection est le moment où je verrai ma gloire et
celle de Dieu. Nous pressentons que ce face à face nous révèlera
qui nous sommes, chacun à sa manière, mais aussi glorieux
que lui, puisque l'amour crée des êtres semblables, tout
en soulignant la beauté originale de chacun. Inconsciemment,
nous réservons ce moment à la fin de la vie. Or dès
aujourd'hui, la Résurrection est commencée. Dès
la première seconde de notre conception, est lancé ce
fantastique travail qui consiste à faire, d'une réalité
qui n'existait pas, un fils de Dieu d'une gloire équivalente
à la gloire de son Père. Chaque étape de notre
croissance est divinisée, c'est-à-dire rendue glorieuse
: la glorification de ce que nous sommes est commencée. La Résurrection
sera seulement la manifestation de notre gloire. Nous sommes en pleine
gestation. Tout en faisant de l'humain, nous faisons du divin. Tout
en faisant du petit, nous faisons de la gloire. Seul l'échec
volontaire n'est pas glorifiable. Tout le reste est en cours de glorification.
Voici une image
: j'expose en plein soleil, dans une main une boule de suif rance, dont
je voudrais me débarrasser ; dans l'autre main une statuette
en terre glaise que je viens de pétrir : exposées au même
soleil, la boule fond et disparaît, et la statuette " cuit
", elle est fixée. Pour cela le soleil n'a qu'à être
soleil.
D'un côté, ce qui est raté ne résiste pas
et disparaît. L'échec est un acte posé sans amour.
Il est donc sans consistance : exposé à la violence de
l'amour qu'est Dieu, il fond sans laisser de trace. Il restera seulement
à réparer ce qui n'a pas été réussi.
Sans doute, très peu d'actes de la vie d'un homme devront-ils
être totalement détruits. D'un autre côté,
les actes où nous mettons de l'amour, si peu que ce soit - et
cela concerne la majorité des moments que nous vivons - ces actes
sont divinisés, dès qu'ils sont posés.
N'ayez pas peur de votre mal, il ne résiste pas. N'ayez pas peur
pour votre beauté, elle est assurée dès la première
seconde. C'est ce qu'on appelle la divinisation. Nous ne devenons pas
la personne même de Dieu, qui n'est pas partageable, nous ne fusionnons
pas avec Lui. Mais ce que nous faisons reçoit sa propre consistance.
Ainsi, nous devenons solides et inusables comme lui. Eternels.
Combien faut-il,
d'ailleurs, que les hommes soient inusables pour que leur courage ne
lâche jamais, alors qu'ils sont parfois dans des situations désespérantes
! Leur solidité a une double source :
-c'est d'abord eux, qui agissent, qui décident et persistent,
englobés bien sûr dans la tendresse du Père. Mais
il est au cur sans se mettre à leur place. Et c'est eux
qui emportent la victoire.
-la deuxième source est Dieu : Il est tellement en admiration
et en communion avec ce que nous vivons, qu'immédiatement il
divinise ce que nous sommes. Ce qui a été réussi,
que nous avons bâti en y insufflant si peu que ce soit d'amour,
est immédiatement stabilisé, "cuit". Ce que
nous décidons avec amour, intelligence et courage, dès
que c'est produit, c'est fixé. Dieu n'a rien fait : il a suffi
de la chaleur de son admiration pour que ce soit rendu éternel.
Pour un acte que j'aurais totalement raté, (mais cela est-il
possible ?) et qui n'aurait donc aucune valeur à ses yeux, Dieu
se contente de me regarder et de m'aimer : en sa présence, cet
acte-là est anéanti. Anéanti ne signifie pas qu'il
n'existe plus : tout simplement, il n'existe pas (sauf peut-être
dans ma mémoire, mais si j'ai bien compris, je devrai très
vite m'en libérer. Et réparer, bien sûr, c'est-à-dire
" remplacer ").
Sans nous en rendre compte, chaque seconde de notre vie est soumise
à ce double traitement. Tout ce qui est produit avec amour est
éternel, à la seconde même où cela est produit.
Dieu n'a eu qu'à embrasser. Tout le raté est aussitôt
anéanti, ça n'existe pas.
Nous sommes condamnés
à la beauté, condamnés à réussir.
C'est la logique de la tendresse de Dieu. Sa tendresse est la racine
absolue de tout ce qui existe, et cette assurance s'est ancrée
en moi, pour avoir vu ce qu'est la tendresse humaine. Il y en a tant
dans le monde, et nous ne l'avons pas inventée, nous la vivons
instinctivement : pour qu'elle existe et qu'elle ne se décharge
pas, il est inévitable qu'une Tendresse soit à la base
de tout ce qui existe. Cette tendresse vient de Dieu, et nous sommes
à son image. La seule volonté de Dieu est que la chaleur
de sa tendresse réduise à néant ce qui n'a pas
été acte d'amour, et éternise ce qui aura été
basé sur l'amour.
Apparemment, cet
enseignement met en cause deux grands sacrements de l'Eglise. On pourrait
dire, en effet que si l'anéantissement immédiat est le
sacrement du pardon, et la divinisation immédiate, l'eucharistie,
confession et messe seraient inutiles !
Oui, il nous suffit d'être et il suffit que Dieu soit, pour que
notre mal soit anéanti et le bien consacré. Seulement
pour pouvoir bénéficier à fond de cet acte, encore
faut-il que nous sachions qu'il a lieu. C'est une nécessité
psychologique. Je suis libéré de mon mal, mais le sachant,
je me sens plus solide, plus à l'aise. Et si je sais que le bien
que j'ai fait est consacré, j'ai plus de cur à vivre.
Mais pour que je sache, il faut que celui qui le fait me le dise. Il
faut aussi que je sois dans la disposition de l'entendre.
Dans la confession, le sacrement ne consiste pas à recevoir des
leçons, ni à obtenir le pardon, mais à m'entendre
dire : le pardon t'a déjà été donné,
ton mal est anéanti. De même, l'acte de consécration
est permanent, mais pour que je sache que je suis divinisé, à
la célébration de la messe, le prêtre présente
l'hostie, fruit de la terre et du travail des hommes, en disant : "ceci
est mon corps" : ce que le monde a vécu fait corps avec
moi, cela a la même solidité, la même éternité
que moi. "
Les sacrements jouent donc en permanence dans ma vie. Je ne les ai pas
détruits, mais nous venons de nous rappeler qu'ils sont le moment
où je m'approche de mon Père, pour lui permettre de me
dire ce qu'il fait pour moi.
Tout ceci est un acte de foi en l'intelligence de l'être humain
et en l'intelligence de Dieu. Nous avons de la chance de savoir que
pas un instant de notre quotidien n'échappe à ce travail
de divinisation. Si bien que le jour de ma Résurrection me révèlera
ce que je suis. Ce que je me suis fait. Révélation qui
m'emplira d'une gigantesque émotion. Je m'adorerai tout en adorant
le Père qui m'aura toujours tenu dans ses bras.
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