Conférence organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
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Thème de l'année: LE CHRIST

 

 

LE CHRIST NOUS REVELE LE PERE

( Session – Beaulieu - 5 février 2006 )

Le Christ s’est fait homme pour nous sauver. C’est l’affirmation massive que nous connaissons depuis bien des siècles. Mais elle a été dite et comprise dans plusieurs sens.
- On a dit qu’il est venu nous sauver du péché, sous-entendu, le Père a été blessé à un tel point par le péché que seule la mort de son fils, offert en sacrifice sur la croix, peut apaiser sa colère et sauver son honneur.
- On a prétendu aussi qu’il est mort pour nous racheter ; on arrive alors au sommet de l’horreur : Dieu était propriétaire de l’humanité, de l’univers, et il a perdu cette propriété lorsque Ève a commis le péché. Dieu devait donc racheter l’univers au démon. Et c’est par la mort de son Fils que se ferait ce rachat. Il faut dire qu’on parle rarement du rachat, en termes aussi crus. Mais il faut parfois aller jusque là pour comprendre et savoir si cette vision est tolérable quand on l’applique à Dieu. Le Père de l’enfant prodigue.
- En réalité, Jésus est venu pour nous sauver de la désespérance en nous révélant l’amour du Père.
L’ancien Testament a construit le peuple hébreu et sa foi. Ses auteurs ont constitué l’image de son Dieu en réfléchissant, mais au milieu de nations païennes qui avaient de Dieu une image dure et sauvage.
Israël qui cherchait à connaître son Dieu unique s’est situé entre ces deux images. Le Dieu de l’ancien Testament a donc un double visage que l’on retrouve dans bon nombre de textes bibliques et tout particulièrement dans les psaumes.
Il y a ce Dieu tendre, toujours prêt à aimer et à aider son peuple. Lorsque l’homme est dans la désespérance, il sait qu’il peut compter sur l’amour, la tendresse de son Dieu qui est prêt à l’accueillir, à l’aimer et à lui être fidèle.
Mais il y a aussi un Dieu tyrannique qui écrase les méchants et vit dans la fureur et la vengeance. On ne peut pas impunément dire ces choses de Dieu sans en être marqué.
Pendant mille ans le peuple hébreu a balancé entre ces deux images. Il faut donc choisir entre l’image d’un Dieu terrible et détestable et celle du Dieu Père, penché sur le berceau de son enfant.
La Trinité a décidé d’en finir avec cette image d’un Dieu terrible et d’envoyer le Fils révéler sa vraie, sa véritable nature. Peu avant sa venue, Israël n’avait pas encore choisi. Et, quelques mois après sa présence parmi eux, les apôtres en doutaient encore. Si Jésus est venu nous apporter la « bonne nouvelle », il ne peut y avoir l’image d’un Dieu dur.
S’il y a dans les évangiles des phrases dures, de colère et d’impatience, difficiles à supporter, c’est que les apôtres, dans le schéma mental d’Israël qui était le leur, étaient restés imprégnés de l’ancien Testament.. En général ils ont bien compris ce que Jésus disait, mais parfois, sans qu’ils s’en rendent compte, ils ont transposé en expressions de l’ancien Testament les paroles de Jésus qui étaient de tendresse et d’amour.
Jésus voit parfois que les gens ont peur de lui ; mais c’est qu’ils ont encore en eux l’image du Dieu violent.
Dieu ne pouvait éternellement accepter que ses enfants continuent à avoir cette double image. C’est pour cela que le Fils est venu dans l’humanité. « Mon Fils, va leur dire que mon visage est tendresse ». « Oui mon Père, répond le Fils, j’irai avec joie. Je sais qu’ils me crucifieront mais il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime »..
Il était tellement urgent pour lui de révéler le vrai visage de son Père et d’apporter aux hommes inquiets, angoissés, et qui pouvaient avoir peur, l’affection, la tendresse, la bonne nouvelle et l’image du vrai Dieu. Il savait de quel prix il devait le payer, et sa mort sur la croix est la preuve de son amour.
Dieu me serre dans ses bras. Ce n’est pas pour rire que Dieu est Père. Je ne pourrais pas, aujourd’hui, vivre entre ces deux images contradictoires de Dieu ; il me faut cette certitude de l’amour, de la tendresse de Dieu.
Lorsqu’on évoque la conversion de St Paul sur le chemin de Damas, on ne peut pas dire qu’il ait été ébloui par la puissance du Christ, mais bien, comme le disait voici quelques jours, un jeune qui prépare sa Confirmation, par la force de sa tendresse. Ebloui par la tendresse, il passera sa vie à parler comme son génie l’y portera, de l’amour du Père pour la terre.
Si Jésus est venu parmi nous, c’est pour dire aux hommes que nous sommes : n’ayez pas peur, mon Père n’est qu’amour. La parabole de l’enfant prodigue ne dit rien d’autre. Le père attendait le fils, il était là et l’attendait ; et dès qu’il l’aperçut de loin, il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Quand le fils commença à manifester sa contrition, il lui coupa la parole et annonça la fête de son retour. Le travail du père n’est pas de juger, de condamner, mais de couvrir de baisers.
Dans ce sens, le « baiser de Judas » n’est peut être pas ce que l’on croit habituellement. Le verbe grec par lequel Matthieu traduit le geste de Judas qui embrasse Jésus est le même que celui utilisé par le père dans la parabole du fils prodigue : il le « couvrit de baisers .» C’est par amour qu’il embrassa Jésus, c’est par amour qu’il l’a trahi. Comme les autres il aimait Jésus, mais il désirait qu’il aille jusqu’au bout de sa mission en proclamant qu’il était le Messie. Et Jésus ne s’y résolvait pas. Il a pensé, peut-être, qu’en le contraignant dans une situation sans issue, il parlerait enfin et qu’il dirait : « Je suis le Messie ». Lorsqu’il vit comment les choses se passaient, il rendit leur argent aux pharisiens et, désespéré, il se pendit. Cette manière de voir est une hypothèse de Lanza del Vasto, mais il vaudrait bien la peine qu’elle soit réelle : Judas fut peut-être l’un des meilleurs prédicateurs de l’amour du Christ.
Si l’on peut dire : « Père, tu couvres le violent de baisers », c’est qu’il ne peut faire que cela, il ne peut donc que lui apporter l’espérance.
Le Dieu de violence qui surveille, qui punit, est un faux dieu. Il faut tourner la page en nous appuyant sur la parole de Jésus. Le seul geste créateur consiste à couvrir de baisers l’être humain.
L’espérance du monde repose sur notre foi en ce Dieu de tendresse qu’est notre Père. Et c’est cette révélation que Jésus est venu nous apporter sur la croix. Vouloir ne parler que de la tendresse de Dieu, cela marque nos contemporains, dans tous les sens du mot.

Réponses aux questions

- Il est dit dans l’évangile, à propos de Judas, qu’il vaudrait mieux qu’il ne soit pas né.
Jésus n’a jamais pu dire cela. Dieu ne peut pas créer un homme pour le rejeter ensuite pour l’éternité. Les Apôtres, comme nous le disions tout à l’heure, portés par leur formation du Premier Testament, ont pensé le comprendre ainsi.

- Jean Paul II aurait dit dans un livre qu’on ne s’inquiète pas du sort de Judas.
C’est vrai, mais il reste pour l‘Église la charge de parler de l’Enfer dans l’unique sens de l’amour.

- Pourrait-il y avoir une image d’un Dieu de sévérité pour les gens difficiles et contrariants, et celle l’un Dieu d’amour pour ceux qui sont du bon côté ?
Non, car il ne peut y avoir qu’une seule image de Dieu, celle du Dieu de tendresse. Ce n’est pas parce que l’on punit que le mal est enlevé. C’est l’amour qui, seul, peut sauver l’homme en réparant le mal qu’il a pu faire.

- Comment comprendre les deux textes de la Genèse sur la création ?
Il y a deux définitions différentes de l’être humain.
Dans le premier texte, l’homme a été fait « à l’image de Dieu » ; c’est ce qui est fondateur.
Dans le second texte, il y a l’image de l’homme avec Adam et Ève, et le serpent. Elle a été pendant des siècles celle de l’Église qui avait majoré dangereusement l’idée de péché. Mais la première définition de l’homme « image de Dieu » doit enfin s’imposer sans restrictions. Elle est la première définition, et donc la seule vraie, le « péché originel », seconde définition, n’étant venu qu’après. En fait, le péché ne tient pas devant l’amour, parce que le mal fait doit être réparé. Or, punir ne répare pas le mal fait. Seul l’amour peut réparer.
- S’il y a tant de choses négatives sur Dieu dans l’ancien Testament, pourquoi l’Église a-t-elle écarté la bible pendant des siècles pour la faire ressurgir au 20ème siècle ?
Peut être, comme cela vient d’être suggéré, pour aider la communion à se rétablir avec les protestants. Elle a aussi pris conscience de ce que le Christ était déjà, quoiqu’inconsciemment dans la culture de l’ancien Testament. Il faut dire aussi que les psaumes ont toujours été présents dans la liturgie de l’Église.

- La volonté de Dieu c’est la grandeur de l’homme. Dans le Notre Père, ne faudrait-il pas modifier certaines phrases ?
Si on prenait l’habitude de prier, non pas simplement pour demander, mais aussi pour remercier, voilà comment pourrait se dire la seconde partie de cette prière : On ne devrait pas dire « donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien », (qui est une demande) mais « Tu nous donnes aujourd’hui » qui est un remerciement. Par ailleurs, si l’on suivait le texte grec (encore une fois, il est le texte originel sur lequel se font les traductions), on devrait dire, non pas « notre pain quotidien » mais : « Notre pain super-substantiel ».
On ne devrait pas dire, non plus « Ne nous soumet pas à la tentation », ce qui est purement injurieux à l’égard du Père, mais, sous forme d’action de grâces : « Tu ne nous soumets pas à la tentation ».

- Chacun comprend les Evangiles à sa manière. Il faut toujours les lire selon la grille de lecture de la « bonne nouvelle » et de l’image du Dieu Père, plein de tendresse. Que Jésus est venu nous révéler. Au prix de sa vie.

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