Conférence organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas
Thème de l'année: LE CHRIST Bonne nouvelle du Christ sur l’enfer (Beaulieu, session du 25 mars 2006) Le sujet de l’année : « Le Christ nous révèle le Père. » L’existence de l’enfer, que l’on nous a enseignée comme un article de foi, constitue, sans que nous nous en rendions compte, une atteinte grave à l’honneur de Dieu et à la force de son Amour. Sa justice, en effet, est réduite à néant par l’image de l’enfer que véhicule encore notre théologie. Quelques réflexions pour établir en quoi la présentation classique de l’enfer est erronée. St Augustin, malgré la profondeur habituelle de sa pensée, a gravement dérapé, lorsqu’il parle de la prédestination. Pour lui, avant de créer, Dieu a inclus dans son projet l’existence d’une planète où des vivants viendront à son image. Or, pour St Augustin, avant que n’intervienne la création des humains, Dieu décide que tels ou tels de ces humains iront au ciel, tandis que d’autres iront en enfer. Avant même qu’ils n’existent, les vivants sont donc prédestinés. Destinés d’avance au ciel, ou à l’enfer. Cette affirmation longtemps présentée par l’Église comme une vérité de foi, a quelque chose de révoltant ; elle est contraire à ce que le Christ nous a dit du Père et au sens le plus élémentaire de la justice. L’Eglise d’ailleurs ne l’enseigne plus guère de nos jours. Nous en restons pourtant marqués. Voyons donc trois raisons qui font, non seulement que la position d’Augustin est intenable, mais aussi que la notion d’Enfer est illogique. 1. Si les hommes existent, c’est parce que Dieu l’a voulu et que donc, de tout temps il a décidé de leur partager sa vie. Mais les vivants n’ont pas eux-mêmes demandé à vivre. Or, lorsqu’il a décidé que des humains viendraient à la vie, Dieu savait d’avance ce qu’ils deviendraient. En effet, un architecte qui construirait un édifice sans prendre toutes les précautions pour que ses futurs usagers soient hors de danger en l’habitant, serait un criminel. Dans l’hypothèse d’Augustin, Dieu sait donc que tel ou tel ira en enfer. Si ce vivant ira en enfer, ce sera pour avoir été créé. Le drame est là : lorsque Dieu l’a créé, il savait que ce futur vivant serait damné. Et il l’a créé quand même ? Cette perspective est horrible. On dit : Dieu n’a pas voulu qu’il soit damné. Mais Dieu savait que s’il le créait, sa vie le conduirait à la damnation. Bien sûr, on ne peut pas dire que Dieu ait voulu qu’il soit damné mais il a voulu le créer en sachant qu’il serait damné. Etait-il obligé de le créer quand même ? Car enfin, Dieu est seul responsable de la création de cet être. S’il va en enfer, on pourra donc dire que Dieu l’a au moins accepté puisqu’il savait d’avance que s’il le créait, c’est là qu’il irait. Comment Dieu pourrait-il prendre une pareille décision ? A moins d’être un monstre, Il ne pouvait pas appeler à la vie un être qui ne demandait rien puisqu’il n’existait pas, mais dont il aurait su d’avance qu’il serait damné s’il le créait. On a pourtant enseigné que Dieu le pouvait et le faisait. 2. Allons plus loin dans l’analyse des conséquences de l’idée de damnation. Qu’est-ce qu’un damné ? C’est un être comme nous, qui a eu ses moments de grandeur, de tendresse, de travail, d’amour, de fidélité, mais aussi ses moments de faiblesse, d’infidélité, ses fautes. Chaque vivant a vécu, selon les jours, les deux tendances. Voyons à quoi aboutit la perspective de la damnation. Pour exprimer la parabole du jugement dernier, la théologie du Moyen Age propose l’image de la pesée des âmes, (et cette pensée demeure sous entendue dans nos raisonnements modernes) : on met le bien dans un plateau de la balance et le mal dans l’autre. Chez tout vivant, en effet, il y a et du bien et du mal : ainsi, même si on ne s’est pas toujours soucié des autres, on a tout de même pu aussi les aimer. Qui dans sa vie n’a pas visité un malade, nourri un affamé, vêtu un indigent ? Ainsi, dans toute vie, y a-t-il, mêlés, du bien et du mal. Si donc Dieu envoie un être humain en enfer au prétexte que le mal pèse plus chez lui que le bien, il envoie aussi du bien en enfer. Et de l’amour. Condamner cet être à l’enfer reviendrait à punir du bien, et à le punir d’avoir aimé puisque le bien aussi irait, tout comme le mal, en enfer En revanche, si l’être humain jugé est parmi les brebis destinées au ciel, c’est qu’il y a eu en lui plus de bien que de mal. Il ira donc « au ciel ». Mais il y aura eu aussi du mal en lui. Et donc alors, Dieu béatifie aussi le mal ! Car envoyer au ciel un être humain qui porte du mal en soi, c’est récompenser aussi son mal, et c’est aussi scandaleux que de punir le bien en l’envoyant en enfer. 3. De plus, pour l’Église, l’enfer est un lieu où l’on n’est plus capable d’aimer, et où donc on ne peut plus que haïr. Le malheureux qui y serait envoyé sera donc condamné à vivre une éternité de haine. Comment le Père que nous révèle Jésus dans la parabole du fils prodigue, pourrait-il condamner un de ses enfants à haïr éternellement et créer ainsi un monde de damnés où il n’y aurait plus qu’une haine éternelle ? Dieu pourrait-il susciter l’existence d’un monde voué à haïr ? Un monde de haine ? Bien sûr, le mal doit être réparé. Mais la souffrance ne répare pas le mal, elle ajoute du mal au mal. C’est pourquoi, si un être a vécu dans la haine, le mieux que Dieu puisse faire c’est de le « condamner » à aimer pour l’éternité. Grâce à cette éternité d’amour, l’homme réparera le mal qu’il a fait, car l’amour seul peut réparer le mal. Tandis qu’en l’envoyant en enfer, Dieu ajoutera au mal que cet homme a fait dans le temps, une haine qui, elle, sera éternelle ! Etre condamné à l’enfer, c’est être à jamais condamné à haïr. Dieu peut-il faire cela ? Où serait l’intelligence – pardon – d’une telle décision ? En réalité, ce qui permet de réparer le mal, quelque horrible qu’il ait pu être, c’est d’en être libéré par le pardon, et donc d’être rendu capable d’aimer de nouveau. Seul le pardon peut effacer le mal, en rendant le pardonné capable de ne plus faire qu’aimer. Mieux vaut sauver en condamnant à ne plus faire qu’aimer, que damner en condamnant à ne plus faire que haïr ! Ce que nous disons volontiers sur l’enfer est un poison qui vicie notre relation à Dieu, et une absurdité qui nous condamne, dès ici-bas, à la désespérance. Jésus a donc été chargé par le Père et par l’Esprit, de venir parmi nous pour nous munir contre le mal que pourrait provoquer cet enseignement, et, d’un mot, réduire par avance ce risque grave de déviation et de désespérance, en nous révélant que le Père n’est pas celui qui condamne, mais Celui « qui couvre de baiser » l’enfant infidèle, que nous sommes tous. La parabole du fils prodigue ! Il était d’une urgence absolue pour le Christ de rétablir l’honneur de son Père, mais aussi de nous aider à vivre, sans perdre l’espoir d’être heureux, au moins au terme de notre vie. Il est venu nous apprendre que nous ne pouvons pas manquer le Père, au soir de notre existence. Que le mal qu’il nous arrive de commettre ne peut être que détruit et par Dieu seul. Mais que le travail de Dieu, son seul travail est de nous embrasser, le feu de son amour pouvant seul anéantir le mal et nous aider à le réparer. Il sait ce que notre quotidien porte de peine, mais seule demeurera dans nos actes la part de l’amour que nous y aurons mise, parce que seul l’amour de l’éternité est capable de venir à bout du mal du temps. D’ailleurs, la théologie enseigne que tout acte dans lequel il y a de l’amour est indestructible, et que, dans l’Eucharistie, il est sanctifié pour l’éternité. Unifions notre enseignement, une fois pour toutes, et dans la logique de l’amour. Le Christ révèle le Père. Il sauve l’honneur du Père. Il n’est pas venu pour nous sauver du péché. Il est venu pour sauver l’honneur du Père et notre propre espérance. Le sommet de son enseignement se trouve donc dans la parabole du fils prodigue. Le fils, lorsqu’il veut rentrer chez son père, ne pense même pas qu’il puisse être pardonné. Ce qu’il prépare pour justifier son retour, montre la méconnaissance totale qu’il a de son père. Qui court vers lui et le couvre de baisers. Il n’y a ni blâme ni pénitence et ses premiers mots sont pour les domestiques : « Rendez-lui son anneau, revêtez-le de son vêtement de famille et faisons la fête car mon fils était mort et le voici redevenu vivant. » La pénitence que nous devons subir après l’invisible baiser donné par le Père, sous les mots sacramentels du prêtre ? Va-t-en aimer. C’est par l’amour qu’on répare. On ne compense pas le mal que l’on a fait, en subissant un mal que Dieu nous imposerait. On compense, au moins en partie, le mal fait, par l’amour que l’on donne : c’est la leçon de la parabole. Il a suffi d’un verbe : « couvrir de baisers », pour que Jésus nous fasse comprendre la seule attitude du Père à l’égard de chacun d’entre nous : il nous regarde dans les yeux et nous couvre de baisers en nous disant : « Tu es mon fils bien aimé ». Le mal n’a qu’un remède, c’est l’amour. Et la seule réparation qui nous revienne, c’est de nous laisser couvrir de baisers. Pour avoir la force d’aimer de nouveau, ceux que nous avons blessés, et les autres. En leur montrant que la peur du Père doit céder le pas à l’amour du Père, le Christ a préparé, chez les hommes, le retour de l’espérance et lavé le visage de Dieu des traits païens sous lesquels certaines pages de l’Ancien Testament, nous l’ont parfois livré. Il leur a expliqué qui était Dieu et qu’eux-mêmes étaient le fils accueilli. Toute l’histoire est là résumée. Comment avons-nous pu laisser s’installer cette peur de Dieu et cette hantise de l’enfer ? Voulions-nous, par la peur, nous dégoûter du mal pour nous écarter du péché ? L’Eglise voulait-elle, inconsciemment, asseoir le pouvoir qu’elle exerçait sur les consciences avec la menace de l’enfer, et en prenant le risque de les dégoûter d’elles-mêmes, de la vie, et de Dieu ? Jésus, lui, a dit : « N’ayez pas peur ! » le Père passe son temps à vous couvrir de baisers. Seule sa tendresse et la vôtre peuvent vous donner la force de ne pas vous dégoûter de la vie et de la mener jusque dans ses bras. Questions et réponses. -- Dans les textes de St Paul et de St Jean de la messe d’aujourd’hui, il est dit que certains sont déjà jugés. Jugé ne veut pas dire condamné ; l’Église a pu confondre les deux mots dans sa perspective de l’enfer. Elle a pu utiliser la peur de l’enfer pour obtenir l‘obéissance à ses injonctions. Mais, faire une chose sous la pression de la peur, enlève le prix de la chose faite. On n’éduque pas sous la pression de la peur. -- Si l’enfer n’existe pas, qu’est-ce qu’on va devenir ? Peut-on parler du purgatoire ? C’est un feu qui nous brûlera, mais nous irons au feu de l’amour et non au feu de l’enfer. Bien sûr, il y a encore du mal, en fin de vie, et on ne peut pas entrer au ciel sans que ce mal soit éliminé. -- Pourquoi Jésus est-il mort sur la croix ? Il savait de toute éternité qu’il viendrait nous révéler l’amour du Père et il savait qu’il en mourrait sur la croix. C’est d’avoir pris sa décision en sachant d’avance ce qu’elle lui coûterait, qui est la preuve de son amour. La plus grande preuve !  Vous avez des commentaires à faire ou des questions ? Vous pouvez aller à la rubrique « Ecrire » du menu principal. |