Conférence
organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05
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Avec le P. Collas
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 Thème de l'année: L'homme image de Dieu (Beaulieu, session du 25 mars 2007)
Retrouver dans l’homme l’image et la beauté de Dieu, c’est le thème d’aujourd’hui. Dans une société qui est sceptique sur la nature profonde de l’homme : nous devons nous laisser entraîner dans la volonté d’être systématiquement positifs dans nos relations avec nos frères. Quand je vois l’homme, aujourd’hui, c’est Dieu même que je vois, même si je suis aveuglé et ne le reconnais pas.
Qu’est-ce qui me cache la ressemblance de tout être humain avec Dieu ? Qu’est-ce qui fait écran entre les autres et moi ? Qu’est-ce qui masque leur beauté qui est celle même de Dieu ? Il faut que mon regard aille au-delà des apparences. Si je regarde une vieille façade encore belle, mais ternie par la poussière, l’usure des pierres, leur noirceur, il faut que tout cela disparaisse pour que je la retrouve dans toute sa splendeur. En réalité, c’est comme si nous avions des verres de lunette noirs, nous filtrons le regard que nous portons sur nos frères.
Si nous regardions notre frère sous son aspect positif, nous le verrions tel qu’il est réellement. En fait, inconsciemment, notre regard s’arrête sur les défauts, les imperfections, les faiblesses et les échecs, ce que nous appelons le mal.
Depuis le 15ème et le 16ème siècles l’Eglise considère que le monde a été tordu, perverti par le péché originel. Pendant des siècles cela a été, inconsciemment peut être, le discours majeur du catholicisme ; il comparait l’image parfaite qu’il avait de Dieu à l’image de l’homme pécheur, sali, détruit par le mal.
Tant que l’Eglise continuera à considérer l’être humain essentiellement comme un pécheur, et à juger que son devoir majeur est de pourfendre la faiblesse, le mal des hommes, elle les amènera à se culpabiliser et les poussera vers la désespérance.
Les Papes et les Conciles ont sans cesse rappelé, dans leurs encycliques et leurs messages, que l’homme était toujours pécheur et devait se libérer du péché par la confession. Cependant Vatican II est un concile contemplatif de l’humain et il a révélé à l’homme qu’il est réellement beau. Mais cela n’a pas duré longtemps et l’Eglise est rapidement revenue à sa doctrine antérieure.
Il faut que nous soyons des révélateurs de la beauté de l’homme. Il faut d’abord dire à l’autre ce que nous voyons de beau en lui. Mais, trop souvent, nous ne voyons pas, ou nous ne voyons plus l’image de Dieu en l’homme : il faut changer notre regard.
Nous avons un sacrement qui est, pour nous, libérateur parce qu’il fait surgir la beauté de l’homme et nous révèle que nous sommes vraiment à l’image de Dieu, un sacrement qui décape, qui enlève la poussière comme un « coup de chiffon ». Ce sacrement ne consiste pas à s’abaisser devant un prêtre qui nous écrase avec la pénitence. C’est en réalité nous qui devons, devant le prêtre, simple représentant du Christ, nous essuyer, nous purifier, et découvrir notre être à l’image de Dieu.
Pour pouvoir regarder l’autre avec ce regard, pour le voir et lui dire sa beauté, il faut permettre à Dieu de nous faire retrouver notre beauté par ce sacrement du pardon, par ce baiser qu’il nous donne en nous prenant dans ses bras. Dieu nous libère du mal et notre regard ainsi libéré, porté sur nos frères, les libérera aussi en leur permettant de découvrir leur beauté.
Aujourd’hui l’Eglise donne à tous, en cas d’urgence, le pouvoir de baptiser. N’est-il pas aussi urgent de décaper notre frère, de lui pardonner, de lui faire comprendre qu’une fois le mal effacé, il est beau à l’image de Dieu ? Si l’Eglise de France décidait que n’importe qui peut dire à l’autre : je te le dis au nom de Dieu, oui, ton mal est pardonné, alors l’autre pourrait comprendre que l’amour de Dieu lui rendrait toute sa beauté. Il est urgent d’être libéré du péché, il faudrait que chacun puisse libérer l’autre du péché.
Nous sommes freinés dans notre relation aux autres par le fait que notre regard est trop souvent négatif. Il faut donc parvenir à un changement profond en nous, il faut transformer notre regard sur nous et sur les autres.
Eduquer un enfant, ce n’est pas lui apprendre à lutter contre ses défauts, car ce serait le détruire. Mais il faut lui révéler ses qualités, sa capacité à bien faire, à réussir, et lui apprendre à les utiliser. Il faut lui faire prendre conscience de sa beauté. Si l’on dit à l’enfant : ce que tu viens de faire est beau, et non : ce que tu as fait est mal, cet enfant deviendra un être humain conscient de sa beauté, admirateur de cette beauté et révélateur de l’espérance. Son action dans la société sera bonne, positive, alors que l’inverse risquerait de le rendre inconsciemment dangereux.
Chaque fois que nous verrons quelque chose de positif chez un enfant, si nous le lui disons, il progressera et sa personnalité se construira. Le jour où l’Eglise aura la même pédagogie, notre communauté chrétienne et notre société changeront d’ambiance.
Il ne faut pas oublier qu’on a tellement été contraint de voir le mal que notre inconscient a été profondément marqué, perturbé, au point que l’on ne peut plus voir que le mal, en soi ou chez l’autre. Cela tue l’espérance. Alors il faut souhaiter que l’Eglise institue une journée de l’espérance.
Le jour ou le Pape annoncerait : je vais modifier les commandements de Dieu, il dirait à tous : admire ton frère. Pourquoi ne pas parler ainsi à notre époque : je te dis, frère, que tu es grand, que tu es beau. Sans oublier qu’il faut aller au fond des mots qui, en eux-mêmes, sont inefficaces. C’est donc un sacrement nouveau qui consisterait à dire à notre frère qu’il est beau.
Pour retrouver ce regard nouveau, il faut en venir à l’oraison, à la contemplation. Si je fais bien mon oraison, si je reste bien devant Dieu, je retrouve son regard qui transforme le mien. L’oraison, c’est la contemplation, mais à l’envers : c’est Dieu qui me contemple. Il faut que je me laisse contempler par Dieu.
Aucune personne, parmi nous, n’a le droit de mépriser cette idée de l’urgence de révéler la beauté du monde, la beauté de l’homme, la beauté de l’autre. Il faut croire à la beauté dans le monde, dans l’être humain.
Quand on sait le poids du mal dans le monde, quand on ne sait que voir le mal, on crée de la désespérance. Aimer l’autre c’est regarder, c’est reconnaître ce qu’il y a de positif en lui. Nous devons être des contemplatifs de la beauté des autres, de notre beauté aussi, ce qui n’est pas toujours facile.
REPONSES AUX QUESTIONS
La beauté en tant que telle n’existe pas ; ce qui est réel c’est que dans tout acte humain, il peut y avoir de la beauté et c’est cela qu’il faut découvrir et révéler. Il faut regarder d’abord le beau, le bien. Rendre notre regard disponible, l’orienter ou le réorienter vers la beauté de l’autre, c’est notre responsabilité propre.
Regarder quelqu’un et voir en lui quelque chose de bien, c’est lui révéler la réalité ; mais ne craignons pas qu’il en tire une vanité personnelle. Simplement, cela le révèlera à lui-même et il en prendra conscience. Il se sentira reconnu et il découvrira ce qu’il est réellement.
Dieu nous a créés libres et à son image. On ne peut pas choisir le mal en tant que mal. On ne pourrait pas choisir le mal s’il n’y avait pas, dans ce que l’on fait ou dans ce que l’on voit, quelque chose de bien, au moins en apparence.
Dans notre société, dans une très grande ville notamment où l’on rencontre beaucoup de monde, on ne nous voit pas, on a l’impression qu’on n’existe pas pour les autres.. Cela parce que les regards ne se croisent pas. Lorsqu’on croise des personnes dans la rue, il faut qu’ils voient qu’on les a vues, qu’ils sentent qu’on les a regardées, qu’elles se sentent reconnues. Il doit y avoir dans la rue des regards, des sourires et, parfois, des mots, des paroles.
Il faut que le regard que l’on porte sur quelqu’un que l’on croise soit un regard qui connaisse la beauté de l’homme et la projette sur l’autre. Il faut aussi que ce regard soit un regard qui accepte, qui accueille le regard de l’autre. Il faut un regard positif et respectueux, mais aussi le sourire et la parole, même s’il s’agit d’un homme ou d’une femme qui fait « la manche ».
S’il se produit un « évènement », il faut être capable de porter un jugement – qui n’a pas à être une condamnation. Mais cela n’empêche pas d’attendre pour parler que quelque chose de positif apparaisse et d’avoir à l’égard de l’autre ce regard qu’il attend.
Le travail du chrétien n’est plus de dénoncer le mal, mais de reconnaître le bien, la beauté.
Dans le cas de la femme adultère, ce n’est pas un pardon qu’exprime le Christ. Il lui parle et elle voit que c’est la première fois qu’elle n’est pas condamnée. Le Christ lui fait comprendre qu’elle est capable de ne plus pécher et il la regarde pour lui en faire prendre conscience. Il lui donne l’occasion et la volonté de ne pas recommencer, ce qui est un bien.
Dieu passe son temps à regarder les vivants, il ne les juge pas, il les contemple. Il voit que, derrière la poussière, il y a de la beauté et il l’admire. Nous ne sommes soutenus dans l’existence que par le regard contemplatif de Dieu, qui n’est jamais un regard de jugement.
Si le Christ est venu sur terre, c’est parce que Dieu savait que l’homme pouvait le comprendre. Il est venu pour sauver l’humanité, non pas du péché, mais de la désespérance en nous montrant que nous avons une valeur à ses yeux. Il est venu aussi pour révéler à l’humanité qu’elle est à l’image de Dieu et que Dieu l’aime et vénère sa beauté.
Cela valait la peine que le Fils de Dieu vienne sur terre, où la violence le fit souffrir et mourir, pour dire et montrer à l’homme qu’il était aussi le fils de Dieu.
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