Retraite 2001. organisée par les Amis de la Part Dieu, à Avajan
Avec le P. Collas
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Le Mal

II. LE SCANDALE.

1. Le « mystère ». Le livre de Job.

A la suite du livre de Job, le christianisme, dépassé lui aussi par l’ampleur du ravage, est pris dans un étau. Le Premier Testament a établi définitivement que Dieu est le maître total et que rien n’échappe à son gouvernement. Rien, c’est-à-dire que le mal, non plus, n’échappe pas à sa volonté. Et donc, comme rien ne peut se faire sans que Dieu le veuille, le mal lui non plus, ne lui échappe pas et ne se fait que parce qu’il est voulu par Dieu. L’étau : Dieu qui est tendresse est aussi celui qui fait souffrir.

Bien sûr, l’enfermement dans cette double « certitude » est intolérable. Et Job, habité par ces sentiments, se révolte. Et comme la révolte, elle aussi, est intolérable, il ose « convoquer » Dieu pour obtenir de lui l’explication. En fait, il ne reçoit guère, soyons clairs, que des quolibets provocateurs, du genre : « Où étais-tu quand je fondai la terre ? Dis-le moi puisque tu es si savant … As-tu, un seul de tes jours, commandé au matin et assigné à l’aurore son poste ? Peux-tu nouer les liens des Pléiades … » Ecrasé, Job s’enfonce dans l’humilité, reconnaît qu’il ne comprend rien, et promet de ne plus se révolter. Moyennant quoi Dieu le félicite et le présente comme le saint dont les amis discoureurs auront bien besoin, tout à l’heure, pour obtenir du Créateur leur retour en grâce.

 

 

2. L’intelligence méprisée ?

 

 

Les commentaires du livre de Job, du moins ceux que j’ai lus, aboutissent tous à la même conclusion que Job : le mal est incompréhensible. Certains notent toutefois l’intervention initiale du Démon, mais l’intrusion du personnage ne clarifie en rien la question : que Dieu se laisse manœuvrer par le Malin ne diminue en rien, bien au contraire, le scandale. La seule issue : se réfugier dans le mystère. Bossuet disait : « Je ne comprends pas mais j’adore. »

Je ne comprends pas, passe encore.

Mais j’adore : qu’est-ce à dire ? J’admets que Dieu a des raisons d’accepter le mal, peut-être même de le vouloir ? Mais ces raisons, je ne peux pas les comprendre. J’accepte donc de ne pas comprendre. Et j’attends.

Pour attendre en adorant, encore faut-il ne pas trop souffrir ou ne pas voir souffrir quelqu’un que l’on aime. L’adoration est-elle possible quand la souffrance étouffe la pensée ?

Peut-on se tenir quitte d’adorer si cela veut dire que je crois Dieu capable, peut-être, de vouloir me faire souffrir ? Adorer, c’est être prêt à tout admettre, même l’horreur d’un mal voulu injustifié, et voulu par l’amour ?

Peut-on adorer, prosterné, quand la raison hurle sa révolte ? Peut-on faire comme si la révolte n’existait pas ?

Peut-on avoir l’air d’admettre que Dieu méprise à ce point notre raison qu’il lui demande un chèque en blanc pour l’autoriser à ciseler sa créature à coups insupportables ?

Qu’il fasse fi de notre intelligence au point de ne pas vouloir lui dire ses propre raisons, s’il en a ?

Est-ce cela, adorer ?

Cette position n’est plus tenable, aujourd’hui. La recherche ne connaît pas de domaine interdit. Faudrait-il que le seul où elle ne puisse pas aller soit justement celui du mal ? Un domaine qui la concerne pourtant de terriblement près.

Et même si l’on devait supposer que le mal vienne de l’homme, ce qui est vrai parfois, mais pas toujours, si donc on acceptait cette hypothèse, à plus forte raison Dieu devrait-il nous répondre, pour que nous puissions modifier ce qui cause notre souffrance. Mais Dieu se tait. Et encore, n’est-ce pas un réel silence. C’est, nous l’avons dit, l’écrasement de l’homme sous les allusions blessantes trouvées dans le livre de Job. « De quel côté habite la lumière… ? Tu le sais bien puisque tu étais déjà né ! »

Ici, l’ironie n’est pas de mise. Surtout pas de la part de Dieu !

La réponse de Job qui, après s’être battu courageusement, finit par céder, ne peut plus, aujourd’hui, être assumée par l’homme contemporain.

On lui dira qu’en voulant tout savoir, il sombre dans l’orgueil.

Orgueil, de vouloir comprendre, alors que la Bible nous dit, dès le début, que Dieu a fait l’homme à son image ? Et que le Fils est venu pour nous révéler le Père ? Pourquoi, nous révélant que Dieu est Père, nous cacherait-il les raisons du mal ? Dieu a-t-il quelque chose à cacher ? Sommes-nous incapables de comprendre ? Si c’est cela, qu’on ne nous dise pas que l’homme est à l’image de Dieu. Ni que Dieu aime l’homme et le respecte.

Et puis, la quête humaine nous paraît d’autant plus légitime que nous n’avons pas demandé l’existence.

 

Non, Dieu ne peut pas renvoyer l’homme sans lui répondre.

Personnellement, je comprends cette révolte. Et s’il en était ainsi de Dieu et du mal, je la partagerais. Si je n’avais pas trouvé Teilhard, je serais sans doute révolté. Peut-être sans retour.

 

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