Retraite 2001. organisée par les Amis de la Part Dieu,
à Avajan
Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
06 03 04 22 88
Le Mal
POSITIONS ANCIENNES.
La réponse à la question que pose l'existence du mal, est très complexe et a fait l'objet de nombreux essais. Parmi beaucoup d'autres, pendant cette retraite, nous retiendrons la pensée du Père TEILHARD de CHARDIN.
Si l'intelligence et la raison sont touchées et parlent de scandale,
la sensibilité est plus touchée encore, et en tout cas, à
un degré que l'intelligence et ses raisons ont bien du mal à atteindre.
Or la réflexion de Teilhard et l'essai de solution qu'il propose, se
situent, vous le verrez, au niveau de la raison et non pas, d'abord, de la sensibilité.
De ce fait, cette proposition n'a pas les moyens de toucher les sentiments eux-mêmes.
Elle peut simplement, et c'est beaucoup, apaiser l'intelligence et la délivrer
du soupçon de scandale, mais elle ne calmera pas les pleurs. Son efficacité
pourra même sembler annulée quand elle sera affrontée directement
à la souffrance. Il reste que l'intelligence et le coeur doivent posséder
des éléments d'apaisement valables. Quand la souffrance viendra,
ils pourront tenir le coup sous l'ébranlement douloureux de la souffrance,
jusqu'à ce que la " paix " revienne.
La proposition de Teilhard date de près de cinquante ans. Mais elle n'a
pas été retenue par l'Eglise. L'Eglise, vous le savez, se sait
chargée de dire ce qu'elle connaît sur Dieu et sur l'homme. Or,
la foi qu'elle propose aujourd'hui se veut en tout semblable à la "
foi de toujours ". Ce souci de fidélité au passé est
louable. Il ne peut toutefois effacer le devoir de fidélité à
l'aujourd'hui que vivent les hommes. Pourtant, il peut se faire que ce souci
de fidélité à la Tradition prenne le pas sur l'écoute
du présent. Le Magistère a tellement le souci de tenir les positions
" assurées " hier, qu'il peut avoir du mal à reconnaître
la valeur d'une proposition qui ne vient qu'aujourd'hui. La position de Teilhard
de Chardin se trouve encore affectée par la prudence de cette "
attente " et n'a pas été reconnue officiellement. Nous dirons
pourquoi quand nous l'exposerons. Mais pour l'avoir longuement étudiée,
je me sens le devoir de vous la proposer tout de même. D'autant plus aisément,
d'ailleurs, que, vous le verrez, elle avait été pressentie par
le christianisme naissant, et qu'elle s'insère parfaitement dans le cadre
de l'enseignement évangélique.
Quand un chrétien parle de l'Eglise, il pense encore assez souvent d'abord
au Magistère. Or, le Pape et les Evêques ne sont pas l'Eglise à
eux seuls. Les laïcs sont aussi l'Eglise et forment avec le Magistère,
ce que le Concile Vatican II appelle le " Peuple de Dieu ". Justement,
une bonne part de ce qui va être dit durant cette retraite, a pris consistance
dans le dialogue que j'ai eu la chance de pouvoir mener depuis que je suis prêtre,
avec des chrétiens, membres de communautés, paroissiales ou autres.
Tout vivant est à l'image de Dieu, et porte donc en lui une part de vérité
dont le chercheur de Dieu et de l'homme a besoin : je suis heureux de reconnaître,
dans ce qui va suivre, la part de l'image de Dieu que ces chrétiens m'ont
partagée.
Avant d'aborder la pensée du Père Teilhard, nous allons jeter
un coup d'il sur une position qui a précédé le christianisme
et sur quelques positions que tenait l'Eglise aux premiers siècles de
son existence.
" Un homme, en tout cas un homme pourvu de bons sens, dis-je, se souviendrait
que c'est de deux façons et à partir de deux causes, que les troubles
des yeux se produisent : lorsqu'ils passent de la lumière à l'obscurité
ou de l'obscurité à la lumière. Et, considérant
que la même chose se produit aussi pour l'âme, chaque fois qu'il
en verrait une troublée et incapable de discerner quelqu'objet, il (
)
examinerait si, venue d'une vie plus lumineuse, c'est par manque d'accoutumance
qu'elle est dans le noir, ou, si, passant d'une plus grande ignorance à
un état plus lumineux, elle a été frappée d'éblouissement
par ce qui est plus brillant. "
(Platon. V° siècle avant notre ère. La République.
VII 518 a,b.)
Comme si on avait affaire à un il qui ne serait pas capable de
se détourner de l'obscur pour aller vers ce qui est lumineux, autrement
qu'avec l'ensemble du corps, ainsi c'est avec l'ensemble de l'âme qu'il
faut retourner cet organe pour l'écarter de ce qui est soumis au devenir,
jusqu'à ce qu'elle devienne capable de soutenir la contemplation de ce
qui est, et de la région la plus lumineuse de ce qui est. Or, c'est ce
que nous affirmons être le bien. "
(Platon. La République. VII 518 c.)
" L'homme n'a pas été créé tout fait, comme
il le rêverait parfois, afin de s'éviter le temps de la croissance
(
) Nous lui (Dieu) faisons un crime de ce que nous n'avons pas été
faits dieux dès le commencement, mais d'abord hommes et seulement ensuite
dieux. ((
) Outrepassant la loi de l'humaine condition, avant même
d'être des hommes, ils veulent être semblables à Dieu qui
les a faits, et voir s'évanouir toute différence entre le Dieu
incréé et l'homme nouvellement venu à l'existence (
)
Du fait qu'ils sont nouvellement venus à l'existence, les hommes (
)
sont de petits enfants. Si donc Dieu pouvait, quant à lui, donner dès
le commencement la perfection à l'homme, l'homme était incapable
de la recevoir (
) Il fallait qu'il vienne d'abord à l'existence,
qu'étant venu à l'existence, il grandît, qu'ayant grandi
il devienne adulte, qu'étant devenu adulte il se multiplie, que s'étant
multiplié, il prenne des forces, qu'ayant pris des forces, il soit glorifié,
et enfin, qu'ayant été glorifié, il voie son Seigneur :
car c'est Dieu qui doit être vu un jour. Et l'incorruptibilité
fait être près de Dieu. "
(st. Irénée - 140-202) " Contre les hérésies
" in Martelet " Libre réponse " p. 79-80.)
" (
) le mal est du néant, mais le bien est l'être,
puisqu'il est issu de Dieu Qui est. "
(st. Athanase. 295-373. " Traité sur l'Incarnation du Verbe ".)
" C'est pourquoi nous donnons du péché une définition
négative, disant 'omettre de faire' ou 'ne pas omettre de faire' (
)
montrant ainsi de façon évidente que le péché n'a
aucun subsistance, car c'est en non-être qu'il consiste plutôt qu'en
être. Comme si pour définir les ténèbres nous disions
absence de lumière là où la lumière avait coutume
d'être. "
(Abélard. 1079-1142. " Connais-toi toi-même) Voir Editions
du Cerf 1993. p. 209)
"Dieu aime tout ce qui existe car tout ce qui existe, en tant qu'il existe,
est bon. " (q. 20. a.1)
" Dieu a fait l'ensemble de l'univers excellent, autant que le comporte
la créature. " (q. 47 a.2)
" Le souverain bien n'a pas de contraire. " (q. 49 a.3)
" La volonté est un appétit rationnel ; or, il n'y a d'appétit
que du bien. " (q. 8 a.1)
" On ne peut vouloir le mal pour lui-même. " (q. 78 a.1)
(Thomas d'Aquin 1225-1274. Extraits " Somme Théologique ")
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