Retraite 2002. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas
L'EUCHARISTIE
« La gloire de Dieu, cest lhomme vivant. » ( st. Irénée )
Surtout depuis le Jansénisme, la théologie chrétienne porte un regard négatif sur lacte humain. Essayant de redresser ce regard, le christianisme contemporain se dégage peu à peu de lidée selon laquelle lhomme aurait été tordu par le péché originel. (Retraite de lan passé sur le « problème du mal. ») LEglise ré-oriente sa vision. Elle rappelle que lhomme est dabord « image de Dieu » (Gen. 1,26). Et que donc, sa définition nest pas : « pécheur », mais : « image de Dieu ». Puisque lhomme est « image de Dieu », il doit être structuré selon la structure même de Dieu. Mais sil est structuré comme Dieu, il doit aussi fonctionner comme lui. Il est donc capable de ce dont le Père est lui-même capable, avec tout de même, des nuances : nous y viendrons tout à lheure. De plus, limage de Dieu, parce quelle est limage de léternel, ne peut pas se détériorer, même si elle se trouve dans lhomme. Dautant que limage nest pas une reproduction, comme une peinture dont les contours à la longue seffaceraient, mais le résultat dun lien permanent entre Dieu et lhomme. Comme limage résultant dune projection serait aussi durable que lacte de la projection. Dailleurs même après ce « péché originel », lhomme demeure capable de bien. La structure qui lui fait désirer le beau et le réaliser, joue toujours, même après des centaines de millénaires de fonctionnement. Cest avant tout cette affirmation dune certaine identité de structure, qui justifie notre position de départ. Parce que lhomme est structuré comme Dieu, on trouve forcément des traces de cette constitution dans sa façon dagir. Or, la trace la plus certaine de cette similitude dagencement entre la créature et le créateur, cest bien que puisque lacte créateur est efficace, lhomme qui en est le sommet, possède lui aussi lefficacité. Ce nest donc pas parler de lhomme lui-même que de se borner à nommer ses échecs. Puisque ce nest pas en cela quil est homme, parler de ses échecs revient à ne pas parler de lui. Il est homme parce quil est à limage de Dieu. Je ne peux donc le suivre à la trace quen cherchant ce quil a construit. Mais même dans cette perspective « optimiste », il reste deux façons de considérer la vie. On peut, tout en reconnaissant que lhomme travaille à se construire, mettre en relief les échecs ou souligner les réussites de cette construction. Durant cette retraite, nous choisissons danalyser les réussites. Non pas pour nous cacher la réalité, mais au contraire pour la voir. Car léchec est linverse de la réalité : il est ce qui est manqué. Or, ce qui est manqué est, par définition une absence, même si cela laisse des traces. Un manque est le vide laissé par ce qui manque. Ainsi une impatience est-elle un manque de patience. Pardon pour ces évidences : il fallait dire que délayer les échecs enfonce dans le vide. Qui soutiendrait quon puisse construire avec ce que lon na pas ? Le réel ne peut pas être constitué par ce qui nexiste pas. Que faire avec des manques, sinon les combler ? Mais justement, les définir comme des choses quil faudra remplacer, montre bien quils ne sont pas appelés à durer. On ne vise, au mieux, quà leur substituer leur contraire : et le contraire dun acte raté, cest un acte réussi. Ce nest donc pas à leur niveau quon trouve lavenir : on ne construit pas une maison avec des briques dont la cuisson na pas marché. Et puisquen matière de construction, le manque ne tient pas, seul ce qui tient est utile. Parce que nous parlons dEucharistie, et que précisément lEucharistie éternise le « travail des hommes et de la terre », seul ce qui tient nous intéresse. Les échecs ne sont évidemment pas concernés par léternisation à laquelle travaille lEucharistie, pour la raison simple que, sils ont des conséquences, ils nont pas de durée : personne ne se soucie de les mettre « sous cadre » pour les proposer à ladmiration des héritiers. Ils nont jamais intéressé personne. On regarde en avant. Or, les seuls trous quil puisse y avoir en avant, sur un chantier, ce sont des fondations. Seuls les effondrements sont derrière et aspirent deux-mêmes à disparaître. Doù la logique de cette retraite et le thème de cette première rencontre : le travail de lhomme est valable et plaît à Dieu au point quil le consacre ou le sacrifie, ce qui revient au même. Consacrer, « sacrifier » gardons ces deux mots en mémoire, nous les retrouverons.
Entre le Père et nous il y a tout de même
des différences. Dabord, alors que le Père est
en totale possession de tout son être, lhomme, lui, est
en voie de lacquérir. Cest dailleurs sa grandeur
: il nest pas fabriqué par Dieu, mais il est chargé
par Dieu de se construire lui-même. Cest dans cette progressivité
de sa structuration que se situe la première différence
entre Dieu et lui. Une autre particularité distingue lhomme et le Père. Léchec, qui prend tant de place dans notre souvenir, ne laisse probablement pas de trace dans la mémoire de Dieu. Dieu est essentiellement réaliste, ce qui veut dire que seul le réel existe pour lui. Seuls donc comptent à ses yeux de connaisseur, les actes que lhomme a posés et qui tiennent bon. Pour les autres, qui nont pas acquis de consistance, seul sera conservé le fait que lhomme a dû agir pour les camper et quil a pour cela fait jouer ses capacités, dont le fonctionnement a en lui-même assez de beauté pour être conservé tel quel. Même si le résultat nest pas bon. Le regard de Dieu et son cur sont assez fins pour être capables de discerner le résultat dun acte et lexercice de lintelligence et de la volonté quil a fallu activer pour le produire. Si le résultat est mauvais, ce résultat ne tiendra pas, mais Dieu gardera pourtant au compte de lauteur, le seul fonctionnement de ses facultés, étant entendu que léchec aura dû être réparé, dans la mesure du possible. 3. Comment lhomme se construit-il ? Simplement en agissant. Chaque fois quil semploie, il pose un acte. Où le pose-t-il ? En lui. Et ces poses successives le construisent, comme un maçon construit un mur en disposant ses pierres. Ou comme un muscle se renforce chaque fois quil fonctionne. De même, chaque fois que nous sommes appelés à décider et à réaliser un acte, chaque fois, nous nous faisons croître. Pour le dire autrement, chacun de mes agissements devient moi. Il nest pas nécessaire quil soit éblouissant : il suffit que je laie voulu. Et que je laie fait. Même si personne ne la vu et même sil na consisté quà penser, il est moi. Jai grandi de sa dimension. Et si un frère ma aidé, mon frère a grandi de mavoir soutenu. Cest ainsi que nous sommes « créateurs » de notre personne, et, en partie co-créateurs de nos frères. Rien ne se perd. Le négatif lui-même ne se perd pas : il retourne simplement au néant doù il nétait ni nécessaire ni efficace que je laie tiré. Bien sûr, lhomme est inachevé et donc les instruments avec lesquels il « fabrique » ses actes, inachevés eux aussi, sont parfois partiellement inaptes au service que lon attend deux. De ce fait, les actions quils mettront au point se ressentiront des faiblesses avec lesquelles elles auront été conçues. Le christianisme, à la suite de la Bible, a pris lhabitude de nommer ces échecs systématiquement des péchés. Il laisse entendre par là quà chaque coup, Dieu est froissé. Il est vrai que Dieu est touché par nos échecs. Mais il lest parce que nous le sommes nous-mêmes et parce quil est notre Père. Il nest jamais vexé parce quil sait bien que notre ratage ne le visait pas. Il nest pas vexé, mais il peine avec nous. Il peine parce que lacte posé est plus ou moins inutilisable et quil faudra le reprendre et quune part de ce à quoi nous nous sommes donné, ne tiendra pas. Dieu ne le méprisant pas mais lentourant de sa compréhension et de sa tendresse, lhomme aura toujours la force de reprendre pour finalement réussir. Si donc nous sommes à ce point semblables à Dieu, notre action est dabord belle, comme une action du Père, aux nuances près dont nous venons de dire un mot. En tout cas, telle quelle est, la construction humaine a du prix aux yeux de Dieu, et une fois décapée des débris inutilisables, elle mérite le traitement de lEucharistie. La liturgie revitalisée par le Concile Vatican II, dit, désormais, dans la 3ème préface du Temps ordinaire « Que lEsprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta Gloire. »( Prière eucharistique n° 3 ). Saint Irénée ne disait-il pas déjà, au 3ème siècle de notre ère, que « La gloire de Dieu, cest lhomme vivant. » ? Lhomme vivant est lhomme qui se construit et qui construit un monde. Cest cette construction dont lEucharistie fait une « offrande éternelle ». Eternelle ! Eternelle, luvre de lhomme. Comme celle de Dieu. Et pour les mêmes raisons.
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