Retraite 2002. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas
L'EUCHARISTIE
VII . Quelles conséquences pour nos célébrations ?
Frappés par leurs infidélités répétées, les Juifs avaient conçu la notion d « alliances successives », aucune ne tenant, par la faute des hommes : celle de Noë, celle dAbraham, celle de Moïse Les chrétiens conscients de limportance unique de la démarche faite par le Christ, ont pris lhabitude de la considérer comme lAlliance nouvelle et définitive. Façon de dire quil ny avait pas mieux ni plus efficace que la démarche faite par le Christ. Evidemment, cette notion dalliances successives repose sur la certitude que lhomme nest pas fiable, et que donc cette non-fiabilité exige une reprise en mains permanente de la part de Dieu. Mais dans la perspective de la « Bonne Nouvelle », nous nous situons différemment : lhomme image de Dieu nest pas fondamentalement infidèle mais beau. Seulement, comme il est inachevé il éprouve du mal à construire sa fidélité. Il reste pourtant quinstinctivement il sait que la fidélité est facteur de réussite et donc, bien quelle soit difficile, il la veut de toutes ses forces. On insiste, ici, davantage sur la volonté de fidélité de lhomme, que sur sa faiblesse : sa ressemblance à Dieu est fondatrice de la nature humaine, tandis que sa faiblesse nest quaccidentelle. Et donc, lhomme étant dabord fiable et accessoirement fragile, on ne considère pas que Dieu ait dû renouveler ses alliances. Dailleurs lacte de Dieu étant éternel il ne peut pas être sujet à reprises. Le geste du Christ manifeste, non pas une nouvelle alliance, mais la permanence de lalliance éternelle.
Eh oui, la messe est obligatoire ! Mais en quel sens ? Pour comprendre, il faut accepter de quitter les cadres de la légalité. Nous avons pris lhabitude de vivre, soutenus, sinon engoncés dans des cadres de lois. Pourquoi ces cadres, sinon parce que lEglise « notre Mère » ne croyait pas fondamentalement à notre bonne volonté ni au sérieux de nos « déclarations damour » envers Dieu. Alors, parce qu « ils ny seraient pas allés, on leur a dit que cétait obligatoire. » Aujourdhui, lobligation vient moins de la contrainte dune loi que dune conviction bien établie. Ou dun besoin inconscient. On comprend mieux que la relation avec Dieu, comme avec nos frères, dailleurs, est une nécessité vitale plus quune obligation légale. Et parce quon sait quon ne commande pas lamour ni ses rites, on ne dit jamais quil est obligatoire dembrasser qui lon aime. Mais parce quon aime, il faut bien embrasser : si lamour ne se manifeste pas dune manière sensible, il finit par mourir. Il y a bien obligation dembrasser, seulement, ce nest pas une contrainte légale qui la fonde, mais le besoin intérieur de lamour. Pareil pour la messe : elle est le moyen de deviner à quel point Dieu est Père et à quel point il vit et agit sans cesse avec nous, et à quel point, donc il est « aimable ». Et que faire quand on le sait, sinon y aller voir ? Cest parce que je sais ce que Dieu fait pour moi, et quà la messe je vais le voir un peu, que jy vais. Ma loi cest mon besoin. La messe, « elle est dans ma peau », pas dans un code extérieur ni dans une Eglise. La messe, un moment damour ? De tendresse ? Alors, obligation ? Ou bien nécessité et urgence ? En ce sens, lorsquon parle avec des enfants, ne pas leur dire que la messe est facultative. Facultatif : tu peux choisir parce que ça na pas dimportance. Que tu y ailles ou que tu restes chez toi, cest pareil. La messe nest pas obligatoire, elle nest pas non plus facultative, cest trop une affaire damour. Mais cest vrai tu choisis. Personne ne peut te contraindre à aimer. Et pourtant, on ne peut vivre sans aimer.
Or lEucharistie entrouvre le mystère. Elle nous aide à deviner la grandeur du geste que Dieu fait sur la grandeur de la vie que lhomme vient de vivre. Elle se trouverait donc beaucoup mieux perçue si elle commençait par une action de grâces. Notre attitude première nest pas celle de pécheurs, mais de collaborateurs de Dieu. Voir lattitude du Père du prodigue. Le « Je confesse » pourrait être avantageusement remplacé par un temps bref de réflexion sur la manière dont nous nous y prendrons, tout à lheure, à la sortie, pour réparer ce que nous avons raté. Une manière de mettre la notion de responsabilité à la place de la notion de culpabilité. Une manière aussi de faire de cette célébration un moment de joie. Et de foi en la fierté du Père face à ce que nous avons fait. Une occasion, trop rare, de nous réjouir à bon escient de ce que nous sommes. Le temps de geindre est dépassé. La nécessité dagir se retrouve maintenant seule sur le devant de la scène. La meilleure manière dagir est de croire que nous sommes aimés et appréciés par le Père, et de regarder sereinement ce qui est fait et de décider le reste en fonction de ce qui tient. Et pourquoi ne pas mettre à la place de nos « lamentations » sur nos péchés, une brève réflexion pour voir comment réparer, tout à lheure, ce que nous avons raté ? Et comment faire la paix ? 4. La communion du « pécheur ».
Qui parle de dignité ? Laquelle le Père exigerait-il ? Sil en exigeait une, la seule qui lui conviendrait serait-elle que nous nayons pas péché ? ou que nous nayons plus de péché sur la conscience ? Le Père exigerait-il cela, lui qui se jette au cou du prodigue sans autre attente que de pouvoir le couvrir de baisers ? La dignité que le Père voit en nous est notre bonne volonté. Et la confiance que nous avons en lui, et en nous. Ce quil attend, vraisemblablement , cest que nous soyons plus frappés par notre ressemblance avec lui que par nos échecs. Si nous sommes conscients de ne rien pouvoir sans lui, ni sans nos frères, et si nous sommes sûrs dêtre ses fils et de vouloir vivre en fils, alors communions. Où trouver la force de poursuivre ou de redresser mon existence, sinon dans lamour ? La communion est un fantastique moyen de ne pas désespérer parce que le Père nous y embrasse, exactement comme il embrasse le fils de retour. Et nous ly embrassons, et nos frères avec. Pour assumer ma vie, jai plus besoin dêtre embrassé que montré du doigt.
La méthode scientifique a placé la logique au premier rang des exigences de la recherche. De ce fait la moindre incohérence sur un point, entraîne un refus du tout. Nous ne sommes plus aux temps où lautorité suppléait à la rigueur. Cest pourquoi, sur ce point précis de théologie où se situe lEucharistie, la logique simpose aussi. Puisque pour toute théologie, et donc aussi pour la théologie de lEucharistie, nous prenons, dans notre enseignement, comme point de départ laffirmation biblique de la ressemblance de lhomme et de Dieu, nous devons nous tenir à ne rien admettre qui soit contraire à cette ressemblance. Doù la position adoptée ici qui voit lEucharistie comme le geste de Dieu consacrant lacte humain. Le Père divinise lacte de lhomme parce que lacte de lhomme est grand et quil ny a rien de plus urgent et de plus utile pour lui que de le consacrer. Il est grand et beau comme le sien pour la raison très simple que lhomme qui le pose est à limage de Dieu. Tout lenseignement sur lEucharistie doit donc consister à établir pourquoi cette célébration ne se nomme que : Eucharistie. Eucharistie signifie : action de grâce. Toute notation qui se trouverait en contradiction avec cette expression, devrait être considérée comme erronée et devrait donc être corrigée. Action de grâce pour cette Histoire que lhomme, en compagnie de Dieu, écrit depuis des siècles, et qui se transcrit immédiatement dans léternité par lacte de la consécration. Le beau doit être divinisé : quoi de plus logique ?
Du fait de sa présence consciente (on lespère) elle plonge au cur même de lamour. Et donc, son propre amour est lui-même revigoré. Et, du coup, la communauté chrétienne en question, rassemblée pour la Messe, reçoit la vigueur dont elle a besoin pour montrer « comme il fait bon » dêtre ensemble. Elle ne dit pas : « Voyez comme nous sommes bons. » Elle dit : « Voyez comme il fait bon. » Elle ne le dit pas pour faire sa réclame et augmenter son nombre, mais pour donner une idée de ce que lon peut trouver comme confort à vivre avec Dieu. Ce nest pas pour elle que la Communauté « fait de la réclame », mais pour Dieu et pour lhomme et pour la vie. Vous voulez trouver de la chaleur, de la bienveillance, la joie dêtre ensemble, une espèce de certitude sur lavenir ? Alors, venez avec nous ; ou bien allez dans le même sens. Nous, chrétiens nous ne sommes pas arrivés, pas plus que vous, mais on voudrait vous partager ce qui nous donne de la joie et nous aide à avancer. Venez avec nous : on se penche au bord de la terre et vous verrez ce que lon pressent.
Soyons logiques ; si cest petit, ça ne doit pas se renouveler et on doit se battre contre « ça », comme contre la peste. Entre autres petitesses graves : on vient de « manger » ensemble et on senfermerait ensuite chez soi en verrouillant son porte-feuille ou ce qui en tient lieu, chaque fois quon recevrait, par la poste, un appel du Secours catholique, du CCFD, de labbé Pierre, de médecins sans frontières, de handicap international, de la Croix Rouge ou dautres choses qui nous apportent le cri de ceux qui ont faim, dans notre rue ou aux antipodes ? Si lon vient « manger Dieu » sans vouloir donner à manger à dautres, dans la mesure de nos moyens, et si on est décidé à en rester là, alors, peut-être vaudrait-il mieux rester chez soi. Je dis « peut-être » parce que je ne crois pas quun homme puisse aujourdhui verrouiller son cur à ce point. Et parce quaussi, je nous sais tous à limage de Dieu. Alors, allons-y, à la Messe : plus on se rapproche du Père, plus on se rapproche des frères. 8. LEucharistie et lenfer. Si lessentiel de luvre et de la vie de tous les hommes est beau et doit être sauvé de lanéantissement définitif, que reste-t-il pour la gueule de lenfer ? Rassurez-vous : lenfer ne mourra pas dinanition. Dans la mesure du moins où il se nourrit de rien, alors il aura de quoi se mettre sous la dent, aussi longtemps que lhumanité demeurera en chantier. Sur un chantier il y quantité de choses ratées qui justement ne valent rien et quon se soucie donc dexpédier par bennes entières vers la décharge. Vous nirez pas chercher dans la décharge, un meuble de valeur et encore moins un ouvrier du chantier. Le jour de linauguration, ce nest pas la décharge quon ira voir. Dautant moins, dailleurs, que le chantier étant terminé, la décharge disparaîtra, nayant plus de raison dêtre. Vous comprenez ? LEucharistie, à la fois a besoin de
lenfer et à la fois annonce sa disparition. Elle en a
besoin pour que le travail de lhumanité soit débarrassé
de ses échecs. Et, bien sûr, pas pour y mettre les ouvriers.
Ensuite, elle nen aura plus besoin, parce que ce nest
pas là que le « Maître de maison » qui est
aussi « Abba », enverra ses Fils, vous vous en doutez.
Alors, la décharge finira son existence dans sa propre logique
: elle aura, brave fille, passé « son temps » à
broyer en néant les échecs de la terre ; et elle sen
ira elle aussi tout entière dans le même néant
avec lequel elle aura compagnonné depuis la création
du monde. Et il ny aura plus que le Père et ses fils.
Tous ses fils, même Juda, même Hitler. Car le Fils est
venu pour tout sauver : vous le chantez, il faut le croire. Vous savez,
la logique ! Et en plus, la logique de lAmour.
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