Retraite 2003. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas CORPS ET ESPRIT.
II. Le créateur
dans le livre de la Genèse.
Parler de lacte créateur a, pour nous, un autre intérêt. Lavenir nest pas seul à nous préoccuper. Le présent est plus directement encore concerné par nos choix quotidiens. Les décisions que nous allons prendre aujourdhui ne reposent pas seulement sur les données que nous avons en mains : elles sont toutes influencées par des courants que nous ne maîtrisons pas, et, en particulier par cette « évolution » qui interfère dans notre travail daujourdhui. Or chaque fois quun homme sassocie au processus
de cette évolution, il se trouve par le fait même «
épaule contre épaule » avec Celui qui la lancée.
Et qui laccompagne. Sil veut être efficace et «
coller » de près avec Lui, il doit connaître son
« style » et comment il fonctionne. Savoir, autant que possible,
comment Dieu sy prend pour créer, donne à lhomme
une idée de ce quil peut attendre de Lui, car sa journée
dhomme poursuit laventure issue de Dieu. Voir comment
Dieu fonctionne dans lacte créateur, nous dit quelque
chose de sa « personnalité ». Et essayer de comprendre
sa « technique », si peu que ce soit, peut aussi nous révéler,
nous le verrons au dernier chapitre, lahurissante simplicité
de son intelligence, qui fait que le « matériau »
de lunivers « corps et esprit » nest peut-être
pas aussi « double » que nous le croyons. Voyons donc ce que le livre de la Genèse en racontant la création, nous laisse entrevoir du tempérament de Dieu. Dont nous sommes les plus proches collaborateurs. (Livre de la Genèse, 1, 1-31. voir A. Gesché. « Le Cosmos ». Cerf 1994.) « La terre était déserte et vide : elle était chaos.» Le chaos nest pas le néant ni le désordre. Cest un infini de possibilités. (Dans la prochaine instruction, nous préciserons ce que les théologiens entendent par « infini de possibilités ». Possibilités quils nomment dailleurs plutôt « virtualités » pour désigner une capacité qui nest pas encore passée à lacte, mais qui le pourra.) « Infini » est à entendre au sens le plus absolu. Cest-à-dire que ces « possibilités » sont en nombre illimité. Que leurs capacités sont elles aussi sans bornes. Quelles sont entièrement et toujours immédiatement disponibles. Quelles sont indéterminées, cest-à-dire « aptes à tout ». Quelles sont tellement disponibles quelles nont même pas été mises en ordre. A partir de là, « tout » est donc possible et tout est à faire. Cest dans ce « tout est possible » que se trouve la racine de ce quon nommera plus tard la liberté.
« Que lumière advienne ».
Dans le texte grec le mot « lumière » nest
pas précédé de larticle. On ne dit pas «
la lumière » (to (article) phôs). Mais
« Lumière » (phôs), sans article. Quil
ny ait pas darticle laisse entendre que la chose
attendue nest pas déterminée. Ce nest
que plus tard, selon le texte de la Genèse, quelle recevra
un nom : « Jour ». Linitiative de libérer ces
« forces », vient bien de Dieu, mais elle est indéterminée.
Dieu, semble-t-il, libère un mouvement jusque là retenu.
Il le « libère », parce que lui seul, pour linstant
est Sujet et que donc seul il peut prendre une décision. Mais
une fois prise cette décision, la suite ne relève plus
directement de lui. La suite relèvera du jeu totalement libre
de ce qui vient dêtre « débloqué ».
Jutilise volontairement des expressions neutres : « la chose », ou bien « cela », pour rester fidèle au texte biblique. Pris au pied de la lettre, le texte ne donne pas en effet dautre sujet à ce qui vient dapparaître que la chose elle-même. On précise tout de même le rôle de Dieu : il lâche les freins et puis il laisse faire les virtualités ainsi libérées. Et cela donne « lumière ». « Dieu vit que la lumière était bonne. » Dieu ne sest pas absenté, vous pensez bien. Il nintervient pas, mais il regarde. Et il est heureux, on nose pas dire « ébahi », mais pourquoi pas de ce qui vient de se produire. Cest bon ! Oui, et cest bon aussi de savoir que la première réaction du Créateur à la toute première démarche de lévolution, cest la joie. Il félicite. La création ne commence pas par un échec. Bien que Dieu nintervienne pas pour diriger le flux quil déclenche, « cela » est bon tout de même car « cela » sest bien passé. Lévolution na pas eu besoin de rodage. Dès sa première manuvre, elle a réussi. Quoi détonnant quand on sait que ce qui manuvre ce sont des « virtualités » qui rayonnent de Dieu ? « Dieu nomma la lumière : jour ». Dieu attend que lévolution ait fait son premier chef-duvre, pour le nommer lui-même. Nommer, cest être soi-même conscient dexister et dêtre autre que ce que lon nomme. Or, au moment où Dieu parle, il est seul sujet et donc, maintenant que ça sest fait, il nomme. « Que la terre produise » Décidément, Dieu joue le jeu de la confiance : la responsabilité de ce qui va venir, est remise à la « terre » elle-même, car Dieu le sait bien, elle a les possibilités illimitées quil faut pour donner suite. « Que la terre se couvre darbres fruitiers qui, selon leur espèce portent sur terre des fruits ayant en eux-mêmes leur semence. » Le texte biblique insiste : Dieu nintervient toujours pas dans le déroulement en cours. Les plantes elles-mêmes nont pas reçu la semence des mains du Créateur, mais la conçoivent elles-mêmes. On est donc prévenu : même sil y a des dérapages, - et il y en aura nous disent les chercheurs - Dieu ninterviendra pas : la création est autonome. Dailleurs, sil y a eu des dérapages, cest bien quil nest pas intervenu. Autrement, du moins, quen chauffant de son regard ce qui est en train de germer. « Faisons lhomme à notre image ». Ceci fait, un infini de « virtualités » demeure disponible : lagencement se poursuit donc et donne la vie, puis lhomme. Il ny avait pas de virtualité humaine toute faite. Lévolution était donc libre et son jeu a donné lhomme. Avec lapparition de lhomme, le « sujet » des verbes utilisés, passe de limpersonnel : « Quadvienne », au personnel : « Faisons ». Le respect dune Personne, celle de Dieu, devant une autre Personne, celle de lhomme qui va paraître. Le respect, mais peut-être aussi, lindication discrète que Dieu nagit pas seul : même sil faut pour faciliter lapparition de lhomme, une accélération de lamour qui ne peut venir que de Dieu, lévolution est toujours sur le chantier. Cest elle qui fonctionne. Dieu, lui, ne fait peut-on le dire ? quaimer plus fort. La venue dun sujet, le tout premier de toute lhistoire, a sans doute supposé que Dieu « chauffe à blanc » lévolution en train daccoucher de sa merveille. « Faisons ». Un pluriel qui nest pas de majesté, mais qui est tout simplement un pluriel : lévolution, et Moi qui lembrase. « Dieu les amena à lhomme pour voir comment il les nommerait ». Dieu sefface : sil a nommé la lumière « jour », cest parce quil était seul sujet à pouvoir le faire. Mais quand lhomme arrive, cest à lui désormais que revient la « fonction » de nommer. Dailleurs lhomme lui-même, lavez-vous remarqué, ne reçoit pas de nom. On ne parle que de l« homme ». On ne parle d « Adam » quaprès que la femme soit venue : sans doute fallut-il lattendre car elle seule devait être capable de le nommer. Quand un sujet autre que Dieu apparaît, ce nest plus le rôle de Dieu de donner un nom ; la chose est trop importante pour quil puisse la faire à la place de lautre qui est là. Et donc, quand il faudra nommer la femme, cest à lhomme que la charge reviendra : « Voici cette fois los de mes os On lappellera « femme. » Dès laffaire lancée, le Créateur laisse donc la place de sujet au premier vivant qui apparaît à son Image. Dieu garde la distance quil a choisie dès le tout début. Ce nest pas lui qui fait : il admire seulement. Et il chauffe la vie pour quelle éclose au rythme libre des virtualités quil irradie lui-même « autour » de Lui. « Dieu vit que cela était bon » « Très bon », même, précisera-t-on quand Dieu se retournera pour un coup dil global vers lensemble réalisé. Et voyant le travail de lévolution, il sextasie. Quand on laisse entendre que très vite vint la condamnation, on oublie les milliards dannées pendant lesquels « Dieu vit que cela était bon. ». Seulement ça ! Des milliards dannées où lon ne parlera que dextase et de beauté. Le péché et ses larmes ne viendront que beaucoup plus tard. Et qui nous dit dailleurs, combien de temps Dieu et lhomme passèrent à se réjouir, avant la faute ? Non, au début de la vie ce nest pas le péché, cest la joie, lextase devant la beauté. La beauté du travail de lévolution et la beauté de lhomme, son chef-duvre. Leur chef-duvre : de Dieu et de lévolution. Dieu lui-même ébloui en voyant lefficacité de ces virtualités qui émanaient de lui ! Un Dieu content ! Quil manque donc dans nos théologies ! Heureusement la Bible, la Bible pourtant du « Dieu terrible », la bien débusqué. Ne loublions pas. Dieu est heureux. Pourquoi ne le serait-il pas encore aujourdhui, où lhomme continue à génialement tâtonner ? « Par qui il a tout créé. » Ce « par qui », que lon trouve en Col, 1, 16 et dans le Credo, est sans doute un écho du « Faisons » de la Genèse. Il indique une pluralité en Dieu et donc, une pluralité aussi dans son acte. Dieu crée en fonction de ce quil est en lui-même, « à son image », dit la Bible. Or Dieu est pluriel, Il est Trois. Selon Paul, le Père a tout crée par son Fils. Paul la dit. Et nous, aujourdhui, nous sommes heureux de le croire : la création est une uvre réalisée à plusieurs. Dabord parce que Dieu est lui-même plusieurs, et que donc, il nest jamais seul, même quand il est « face à lui-même ». Mais il nest jamais seul non plus, parce que son amour exige de coopérer avec tout ce qui existe hors de lui : lévolution, dabord, lhomme ensuite. Et cest ainsi que le cosmos qui naît de
cette collaboration est lui-même collaborateur par nature,
et lui aussi composé déléments divers, et
donc, lui aussi pluriel. La terre, point minuscule mais majeur
et peut-être éminent de lévolution, est, elle
aussi plurielle, habitée et gérée par des personnes
différentes et dans des conditions sans cesse renouvelées.
Cette différenciation de tout ce qui compose lexistence
est telle que pas une seule des réalités qui la constituent
ne peut se confondre avec aucune autre. Si nous avons insisté
sur cette « diversité en communion » cest
parce quelle est lun des signes caractéristiques
de Dieu. Lun des signes essentiels de lamour. Et de la «
terre ».
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