Retraite 2003. organisée à Avajan, par
les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10
Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
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CORPS ET ESPRIT.
III. La source de lhumain
: du chaos à lévolution.
En théologie : jeu conjoint entre la matière
et lesprit.
Faits de rien ?
Chercher à connaître la « source de lhomme,
cest, forcément, tenter de remonter aussi près que
possible de ce qui fut le commencement absolu. Le commencement
absolu, cela veut dire, non pas le commencement de lhomme lui-même,
mais, bien plus haut, lorigine du système dont le
déploiement a permis lapparition du premier humain. Nous
venons den parler selon la Bible. Autant que la science et la
Bible, donc, nous le permettent, en nous penchant au bord de ce passé
long de près de vingt milliards dannées, que pouvons-nous
distinguer qui nous aide à comprendre doù nous venons
?
Nous sommes nés dans le « Cosmos ».
Mais ce cosmos na pas toujours été tel que nous
le connaissons aujourdhui. La plupart des philosophes et des théologiens
ont pris lhabitude de nommer « néant » ce dont
tout est parti. Parler de néant, cest, pour faire simple,
parler de rien. Le « néant », en effet, est
compris comme un vide total. Mais, dit-on, ce vide nest pas une
simple absence, car parler dabsence voudrait dire que quelque
chose était là, avant, et que la chose sest absentée.
Or, il ny a rien parce quil ny a jamais rien eu. Bien
! Seulement cette manière de dire sous-entend que même
sil ny a rien, il y a tout de même un « récipient
» ou un lieu au creux duquel on constate labsence en question.
Or, dit-on toujours, il ny a même pas de contenant. Pas
de contenant, pas de contenu. Il ny a pas disparition, il ny
a pas dabsence. Il ny a rien, et il ny a rien non
plus pour contenir ce rien.
En réalité, cette manière de dire
ne dit rien ! Mais ne rien dire ne dit rien, en
effet, de ce qui a précédé ce qui existe aujourdhui.
Cest pourquoi les scientifiques et les philosophes contemporains
cherchent dune manière plus « pointue », à
comprendre comment peuvent bien sexpliquer lhomme et donc
la vie et le cosmos dans lequel tout cela se trouve, sans recourir à
la notion de néant. (Cest lexplication sur
les « virtualités » que je vous promettais dans la
précédente instruction.)
Ils sont à peu près daccord pour
nous dire que lhomme et son environnement, tels que nous les voyons,
sont le produit dune Evolution. Mais lacuité
de leur recherche et les moyens quelle utilise, disent aussi que
nous avons besoin, pour nous comprendre et nous gérer, de pouvoir
remonter jusquà une « raison » qui soit la
« Raison absolue ». Or, dire que ce qui explique
remonte à « rien » serait accepter de laisser cette
quête devant une absurdité. Et une absurdité
nest pas un socle raisonnable dont la recherche puisse
se contenter.
On a donc abandonné, et les penseurs chrétiens
(la plupart, du moins), comme les autres, la notion de « néant
». Car, face au sérieux des scientifiques, pour un théologien,
parler dun Dieu créateur qui, de rien peut faire
surgir lexistence, peut paraître tenir plus dune affirmation
de magie que dun travail de lintelligence. Voici donc comment
la recherche théologique, en sappuyant sur les données
scientifiques contemporaines qui semblent les mieux étayées,
et dans la mesure où elle sait les « prendre », tente
de comprendre les processus grâce auxquels la vie a pu émerger
et même, peut-être, voir doù elle vient. Bien
sûr, nous nous plaçons clairement dans la perspective judéo-chrétienne,
pour laquelle lexistence vient de Dieu.
Le rayonnement de Dieu.
En fait, donc, il ny a pas de néant au sens proposé
plus haut. Il y a Dieu. Et Dieu est Dieu. Cest tout. Mais Dieu
rayonne Dieu. Ce qui veut dire quen dehors de Dieu,
il ny a pas « rien » : il y a le rayonnement
de Dieu. Un peu comme on dit que latmosphère est remplie
des rayons du soleil, on peut, sans doute, se laisser aller à
dire que ce qui nest pas Dieu est empli de ce qui émane
de Dieu.
Or Dieu, cest « Celui qui est ». Que
voulez-vous que rayonne « Celui qui est » ? Il rayonne ce
quil est. Quelquun qui est bon, rayonne la bonté.
Dieu qui est, rayonne lêtre. Ou, si vous aimez
mieux, il rayonne ce qui permet lexistence.
Seulement, comme en même temps, daprès
la Bible, on sait que Dieu na pas été fait,
on pense que « fabriquer du tout fait » ne fait pas partie
de sa panoplie. Il ne peut donc pas rayonner du « tout
fait », mais seulement « de quoi se faire ».
Une infinie possibilité de se faire, telle est
la seule atmosphère quon puisse trouver aux alentours
de Celui qui est. En jargon philosophique chrétien, on dit quautour
de Dieu rayonnent des « capacités à être
». On ne parle plus de néant, mais dune atmosphère,
on dit aussi un matelas de potentialités. Parler de potentialité,
cest donc parler dune capacité ; ici, dune
capacité à exister. Les spécialistes appellent
cela une « virtualité ». « Atmosphère,
matelas, virtualités », des mots qui disent bien lembarras
du penseur quand il veut parler de ce qui nest pas, mais qui,
pourtant, est disponible pour devenir de lêtre.
Les « virtualités ».
Ce qui émane de Dieu, nous le nommons donc « virtualité
». Une virtualité est une capacité à
être « quelque chose ». Ainsi, le langage chez le
nouveau-né qui ne parle pas encore, est une virtualité.
Ou le discours dun orateur avant quil ne soit prononcé.
Même si une virtualité nest quune possibilité,
elle nest pas le néant : le néant, lui, nexiste
pas, tandis que les virtualités ont bien une réalité,
bien quelles soient en attente et comme sur le seuil de
lexistence. On dit que chaque virtualité est un ensemble
de possibilités en attente dêtre réalisées.
Aussi longtemps que ces virtualités restent ainsi,
elles ne donnent rien. Pour quelles puissent produire ce dont
elles portent la capacité, il faut quune condition particulière
quelles portent sans doute en elles, soit excitée
pour les faire passer à lacte. Ou à lêtre.
La virtualité nest donc pas une existence, mais
une disponibilité à devenir de lêtre,
pour peu que cela soit mis en branle. Or, ce que nous devinons
de lévolution nous fait dire que, probablement, ce passage
à lacte précède ce que nous appelons aujourdhui
« le big-bang » ; et que le mouvement mis en route, arrache
à létal infini ouvert par Dieu, ce qui doit
« exploser ».
Lévolution, dans ces perspectives, est
le jeu libre de ces possibilités. Un jeu non dirigé,
permettant une quantité dagencements sans doute infinie,
comme un grand jeu éperdu dans limmensité vertigineuse.
Ce jeu doit être mis en route par le fait-même de la présence
de Dieu. Nous dirons plus loin un mot de cette présence déclenchante
de Dieu.
Les virtualités ont besoin de se rejoindre
à linfini.
Si ce qui rayonne de Dieu est de même structure que lui, les virtualités
possèdent toutes le besoin de se rejoindre. En effet,
Dieu est amour. Or lamour vit de relations, de rencontres
et de communions : comme Dieu, donc, chaque virtualité a comme
besoin premier de trouver la virtualité avec laquelle
elle est plus proche, et de se lier avec elle de sorte
quune nouveauté sorte de leur jonction.
Ces rencontres de virtualités seraient
la trame de lévolution. Comme si Dieu les lâchait
dans un univers sans mesure, libres comme lui, dêtre partout,
dé-coincées pour pouvoir jouer ensemble. Peut-être
est-ce quand il dit : « Que lumière soit », quil
libère ces potentialités. Il libère un torrent
que rien ne pourra plus arrêter ; un torrent de rencontres, dessais,
déchecs, de réussites, de reculs, davancées,
sur des siècles, des milliers de siècles. Quand on est
infini, on a les moyens de tout essayer et même « plus encore
». Quand on est assuré de navoir pas de fin, on peut
faire durer les tâtonnements pendant vingt milliards dannées.
Lénergie ni le temps ne sont comptés : tout cela
est réanimé sans cesse et gratuitement par le rayonnement
fidèle qui vient de Dieu.
Serait-ce la base de la liberté ?
Lorsque Dieu donne, il donne à sa mesure. Or sa mesure est sans
mesure. Cela exprime donc que le « matelas » de virtualités
disponibles, est, lui aussi sans mesure, comme lespace dans lequel
tout manuvre. Et cest justement grâce à cette
démesure, que pourra jouer la liberté, si lon
entend la liberté comme une souplesse dinvention que
rien ne limite. Puisque les éléments dont la vie dispose
pour sinventer, sont en nombre infini, au sens le plus
strict qui soit, lévolution pourra piocher à «
pleins bras » ; elle pourra se tromper, gaspiller, perdre, et
pourtant avancer sans aucune pénurie, car Dieu donne sans compter.
Pour Dieu, partager sa liberté cest sans doute étendre
à linfini le volume dans lequel ses virtualités
ont à se mouvoir et le « matelas » de potentialités
disponibles.
Mais la liberté nest pas seulement linfini
du nombre et de lespace. Il y a plus. Ce qui rayonne de Dieu ne
lui appartient pas. Cela veut dire que ce qui rayonne
ainsi, a la totale gestion de son avenir. Ces virtualités
sont libres daménager ce qui doit venir delles sans
que Dieu intervienne dans lagencement quelles réalisent.
Elles sont autonomes.
Elles donnent du divin.
Les virtualités qui peuplent linfini, parce quelles
viennent de Dieu et possèdent sa structure, ne peuvent pas ne
pas donner la vie : Dieu est vivant. Mais elles ne peuvent pas
non plus ne pas donner du tissu divin : Dieu est Dieu. Et comme
Dieu connaît linévitable rayonnement de son être,
il sait quen libérant ses virtualités, il
libère des virtualités de divinisation. Il le sait
et, bien sûr, il le veut. Il voit donc naître du divin face
à lui. Du divin qui est bien à sa propre image,
mais qui aussi est son propre auteur. La joie de Dieu, parce
quil est amour, est de pouvoir regarder grandir en face de lui
et donc hors de lui, un autre que lui, avec qui il poourra
entretenir une relation damour.
Inséparables de Dieu.
Bien que ce vivant qui naît face à Dieu soit autre
que lui, et quil soit autonome, il est inséparable
de Dieu. Comme deux époux sont inséparables et pourtant
autonomes face à lautre. Lidée que les virtualités
puissent construire du vivant qui lui soit opposé, est
donc illogique. Car les virtualités, étant donnée
leur origine, ne portent pas en elles la logique de la rébellion.
Elles portent, par contre, dans leur instinct, le besoin du bonheur
et le sens inné que le bonheur ne peut être que dans la
communion. Si dans le lent cheminement de leur évolution,
il leur arrive de faire lexpérience de la dissidence,
elles ne le font que « par inadvertance », et ne peuvent
donc pas sinstaller « consciemment » dans une
rupture qui irait à rebours de leur instinct radical.
Dieu nagit pas : il aime.
Pour que cela soit, Dieu na pas à intervenir. Il
est, cest tout. Parce quil est, il rayonne. Donc, il lui
suffit dêtre pour que la vie fonctionne. Mais
sa relation à cette vie qui se trouve hors de lui, nest
faite ni de dirigisme, ni de corrections. Il regarde la vie fonctionner
et il aime son fonctionnement : « Dieu vit que cela était
bon ». Il se contente dêtre ce quil est : amour.
Et ce regard aimant est sans doute la seule énergie qui
le relie à ce qui vit face à lui. Mais quelle énergie
que lamour ! Et comme Dieu existe sans fin, rien ne peut interrompre
lévolution que cet amour entraîne.
La création nest pas le fait dun
hasard mais dun calcul damour.
Au point où nous en sommes, nous pensons bien que ce nest
pas le hasard qui mène ces croisements télescopés.
Car, si le Dieu qui « rayonne » est amour, il est par le
fait même, nous venons de le dire, relation et donc, besoin essentiel
détablir des rencontres et des connexions. Or ce qui rayonne
de Dieu, est aussi, comme le Dieu doù « ça
» rayonne, animé par le besoin de rencontrer dautres
virtualités et détablir avec elles des liens. Ce
nest donc pas à laveuglette, que cette effervescence
est lancée. Et ce nest pas non plus un non-sens si ces
rencontres se font. Puisque le rayonnement qui la fait bouillonner vient
dun Dieu qui aime, la vie ne peut pas répondre à
une autre logique que celle de lamour. Puisquelle
est « à limage » de ce Dieu-là, elle
demeure structurellement dans la logique et dans la dynamique
de cet amour. Ce nest donc pas une force aveugle qui anime
lévolution. Selon la Bible, le désir de ce Dieu
qui est Père, est de voir surgir face à Lui des vivants
capables de le regarder en face, capables de savoir quils sont
comme lui, vivants et aimants, et capables enfin de comprendre quils
sont ses fils. Les vivants ne Le verront donc pas par hasard
au détour dune histoire : par où quils soient
venus, cest Lui quils cherchaient, avec leurs frères
; et par Lui et par eux, ils sont de toujours attendus.
Il reste que cette espèce de conditionnement à
lamour et donc à la rencontre et à la communion,
dont on pourrait faire reproche à Dieu, nest pas une contrainte.
Car une contrainte vient de lextérieur. Les scientifiques
(encore eux) disent bien que les « virtualités »
qui « tricotent » lévolution, sont en elles-mêmes,
comme aimantées les unes par les autres. Leur structure est
un besoin. Un besoin de lautre. Même si lautre
nest pas encore en vue.
Le mouvement est lancé et les virtualités en nombre
infini se rencontrent, sessayent à rester ensemble, échouent
souvent, et plus souvent encore, réussissent. Peu à peu
cet incommensurable non-ordre sorganise, prend forme et
devient le « Cosmos », selon lexpression par laquelle
les philosophes grecs nommaient lunivers ordonné
quils découvraient ébahis. Le Cosmos, matrice
de ce qui va suivre. Matrice donc aussi de lhomme qui apparaîtra
dans seulement quinze milliards dannées. Il reste,
et ce sera la thème de la dernière instruction, à
tenter dexpliquer que si ces virtualités ont réussi
à structurer ainsi le Cosmos jusquà ce quil
produise un vivant « à limage de Dieu », cest
quelles sont, en fait, pleines desprit. Virtualités
et esprit : une même réalité. Cest sur
ce point que prendra appui lhypothèse que je veux, en conclusion,
vous proposer.
Le mouvement est lancé, par Dieu, dit la Bible. Dieu ? En tout
cas, quelquun, puisquil donnera dautres «
quelquun ». Des « quelquun » autres que
lui ! Dieu ? En tout cas, quelquun dintelligent puisque
le mouvement quil lance est vertigineux de génie. Quelquun
qui aime, puisque nous aimons. Quelquun qui fait confiance,
puisque le devenir est dabord confié à la
« matière » et puis enfin à nous, quand la
matière vient à bout de nous produire. Quon nomme
comme on veut, ou comme on peut, la « Raison » de ce qui
existe : il suffit de lui reconnaître ces qualités que
nous venons de dire, pour que lhomme puisse se fier à ce
qui se joue. Aux antipodes du hasard.
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