Retraite 2003. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
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CORPS ET ESPRIT.

 

 


III. La source de l’humain : du chaos à l’évolution.
En théologie : jeu conjoint entre la matière et l’esprit.


Faits de rien ?
Chercher à connaître la « source de l’homme, c’est, forcément, tenter de remonter aussi près que possible de ce qui fut le commencement absolu. Le commencement absolu, cela veut dire, non pas le commencement de l’homme lui-même, mais, bien plus haut, l’origine du système dont le déploiement a permis l’apparition du premier humain. Nous venons d’en parler selon la Bible. Autant que la science et la Bible, donc, nous le permettent, en nous penchant au bord de ce passé long de près de vingt milliards d’années, que pouvons-nous distinguer qui nous aide à comprendre d’où nous venons ?

Nous sommes nés dans le « Cosmos ». Mais ce cosmos n’a pas toujours été tel que nous le connaissons aujourd’hui. La plupart des philosophes et des théologiens ont pris l’habitude de nommer « néant » ce dont tout est parti. Parler de néant, c’est, pour faire simple, parler de rien. Le « néant », en effet, est compris comme un vide total. Mais, dit-on, ce vide n’est pas une simple absence, car parler d’absence voudrait dire que quelque chose était là, avant, et que la chose s’est absentée. Or, il n’y a rien parce qu’il n’y a jamais rien eu. Bien ! Seulement cette manière de dire sous-entend que même s’il n’y a rien, il y a tout de même un « récipient » ou un lieu au creux duquel on constate l’absence en question. Or, dit-on toujours, il n’y a même pas de contenant. Pas de contenant, pas de contenu. Il n’y a pas disparition, il n’y a pas d’absence. Il n’y a rien, et il n’y a rien non plus pour contenir ce rien.

En réalité, cette manière de dire ne dit rien ! Mais ne rien dire ne dit rien, en effet, de ce qui a précédé ce qui existe aujourd’hui. C’est pourquoi les scientifiques et les philosophes contemporains cherchent d’une manière plus « pointue », à comprendre comment peuvent bien s’expliquer l’homme et donc la vie et le cosmos dans lequel tout cela se trouve, sans recourir à la notion de néant. (C’est l’explication sur les « virtualités » que je vous promettais dans la précédente instruction.)

Ils sont à peu près d’accord pour nous dire que l’homme et son environnement, tels que nous les voyons, sont le produit d’une Evolution. Mais l’acuité de leur recherche et les moyens qu’elle utilise, disent aussi que nous avons besoin, pour nous comprendre et nous gérer, de pouvoir remonter jusqu’à une « raison » qui soit la « Raison absolue ». Or, dire que ce qui explique remonte à « rien » serait accepter de laisser cette quête devant une absurdité. Et une absurdité n’est pas un socle raisonnable dont la recherche puisse se contenter.

On a donc abandonné, et les penseurs chrétiens (la plupart, du moins), comme les autres, la notion de « néant ». Car, face au sérieux des scientifiques, pour un théologien, parler d’un Dieu créateur qui, de rien peut faire surgir l’existence, peut paraître tenir plus d’une affirmation de magie que d’un travail de l’intelligence. Voici donc comment la recherche théologique, en s’appuyant sur les données scientifiques contemporaines qui semblent les mieux étayées, et dans la mesure où elle sait les « prendre », tente de comprendre les processus grâce auxquels la vie a pu émerger et même, peut-être, voir d’où elle vient. Bien sûr, nous nous plaçons clairement dans la perspective judéo-chrétienne, pour laquelle l’existence vient de Dieu.


Le rayonnement de Dieu
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En fait, donc, il n’y a pas de néant au sens proposé plus haut. Il y a Dieu. Et Dieu est Dieu. C’est tout. Mais Dieu rayonne Dieu. Ce qui veut dire qu’en dehors de Dieu, il n’y a pas « rien » : il y a le rayonnement de Dieu. Un peu comme on dit que l’atmosphère est remplie des rayons du soleil, on peut, sans doute, se laisser aller à dire que ce qui n’est pas Dieu est empli de ce qui émane de Dieu.

Or Dieu, c’est « Celui qui est ». Que voulez-vous que rayonne « Celui qui est » ? Il rayonne ce qu’il est. Quelqu’un qui est bon, rayonne la bonté. Dieu qui est, rayonne l’être. Ou, si vous aimez mieux, il rayonne ce qui permet l’existence.

Seulement, comme en même temps, d’après la Bible, on sait que Dieu n’a pas été fait, on pense que « fabriquer du tout fait » ne fait pas partie de sa panoplie. Il ne peut donc pas rayonner du « tout fait », mais seulement « de quoi se faire ». Une infinie possibilité de se faire, telle est la seule atmosphère qu’on puisse trouver aux alentours de Celui qui est. En jargon philosophique chrétien, on dit qu’autour de Dieu rayonnent des « capacités à être ». On ne parle plus de néant, mais d’une atmosphère, on dit aussi un matelas de potentialités. Parler de potentialité, c’est donc parler d’une capacité ; ici, d’une capacité à exister. Les spécialistes appellent cela une « virtualité ». « Atmosphère, matelas, virtualités », des mots qui disent bien l’embarras du penseur quand il veut parler de ce qui n’est pas, mais qui, pourtant, est disponible pour devenir de l’être.

Les « virtualités ».
Ce qui émane de Dieu, nous le nommons donc « virtualité ». Une virtualité est une capacité à être « quelque chose ». Ainsi, le langage chez le nouveau-né qui ne parle pas encore, est une virtualité. Ou le discours d’un orateur avant qu’il ne soit prononcé. Même si une virtualité n’est qu’une possibilité, elle n’est pas le néant : le néant, lui, n’existe pas, tandis que les virtualités ont bien une réalité, bien qu’elles soient en attente et comme sur le seuil de l’existence. On dit que chaque virtualité est un ensemble de possibilités en attente d’être réalisées.

Aussi longtemps que ces virtualités restent ainsi, elles ne donnent rien. Pour qu’elles puissent produire ce dont elles portent la capacité, il faut qu’une condition particulière qu’elles portent sans doute en elles, soit excitée pour les faire passer à l’acte. Ou à l’être. La virtualité n’est donc pas une existence, mais une disponibilité à devenir de l’être, pour peu que cela soit mis en branle. Or, ce que nous devinons de l’évolution nous fait dire que, probablement, ce passage à l’acte précède ce que nous appelons aujourd’hui « le big-bang » ; et que le mouvement mis en route, arrache à l’étal infini ouvert par Dieu, ce qui doit « exploser ».

L’évolution, dans ces perspectives, est le jeu libre de ces possibilités. Un jeu non dirigé, permettant une quantité d’agencements sans doute infinie, comme un grand jeu éperdu dans l’immensité vertigineuse. Ce jeu doit être mis en route par le fait-même de la présence de Dieu. Nous dirons plus loin un mot de cette présence déclenchante de Dieu.

Les virtualités ont besoin de se rejoindre à l’infini.
Si ce qui rayonne de Dieu est de même structure que lui, les virtualités possèdent toutes le besoin de se rejoindre. En effet, Dieu est amour. Or l’amour vit de relations, de rencontres et de communions : comme Dieu, donc, chaque virtualité a comme besoin premier de trouver la virtualité avec laquelle elle est plus proche, et de se lier avec elle de sorte qu’une nouveauté sorte de leur jonction.

Ces rencontres de virtualités seraient la trame de l’évolution. Comme si Dieu les lâchait dans un univers sans mesure, libres comme lui, d’être partout, dé-coincées pour pouvoir jouer ensemble. Peut-être est-ce quand il dit : « Que lumière soit », qu’il libère ces potentialités. Il libère un torrent que rien ne pourra plus arrêter ; un torrent de rencontres, d’essais, d’échecs, de réussites, de reculs, d’avancées, sur des siècles, des milliers de siècles. Quand on est infini, on a les moyens de tout essayer et même « plus encore ». Quand on est assuré de n’avoir pas de fin, on peut faire durer les tâtonnements pendant vingt milliards d’années. L’énergie ni le temps ne sont comptés : tout cela est réanimé sans cesse et gratuitement par le rayonnement fidèle qui vient de Dieu.

Serait-ce la base de la liberté ?
Lorsque Dieu donne, il donne à sa mesure. Or sa mesure est sans mesure. Cela exprime donc que le « matelas » de virtualités disponibles, est, lui aussi sans mesure, comme l’espace dans lequel tout manœuvre. Et c’est justement grâce à cette démesure, que pourra jouer la liberté, si l’on entend la liberté comme une souplesse d’invention que rien ne limite. Puisque les éléments dont la vie dispose pour s’inventer, sont en nombre infini, au sens le plus strict qui soit, l’évolution pourra piocher à « pleins bras » ; elle pourra se tromper, gaspiller, perdre, et pourtant avancer sans aucune pénurie, car Dieu donne sans compter. Pour Dieu, partager sa liberté c’est sans doute étendre à l’infini le volume dans lequel ses virtualités ont à se mouvoir et le « matelas » de potentialités disponibles.

Mais la liberté n’est pas seulement l’infini du nombre et de l’espace. Il y a plus. Ce qui rayonne de Dieu ne lui appartient pas. Cela veut dire que ce qui rayonne ainsi, a la totale gestion de son avenir. Ces virtualités sont libres d’aménager ce qui doit venir d’elles sans que Dieu intervienne dans l’agencement qu’elles réalisent. Elles sont autonomes.

Elles donnent du divin.
Les virtualités qui peuplent l’infini, parce qu’elles viennent de Dieu et possèdent sa structure, ne peuvent pas ne pas donner la vie : Dieu est vivant. Mais elles ne peuvent pas non plus ne pas donner du tissu divin : Dieu est Dieu. Et comme Dieu connaît l’inévitable rayonnement de son être, il sait qu’en libérant ses virtualités, il libère des virtualités de divinisation. Il le sait et, bien sûr, il le veut. Il voit donc naître du divin face à lui. Du divin qui est bien à sa propre image, mais qui aussi est son propre auteur. La joie de Dieu, parce qu’il est amour, est de pouvoir regarder grandir en face de lui et donc hors de lui, un autre que lui, avec qui il poourra entretenir une relation d’amour.

Inséparables de Dieu.

Bien que ce vivant qui naît face à Dieu soit autre que lui, et qu’il soit autonome, il est inséparable de Dieu. Comme deux époux sont inséparables et pourtant autonomes face à l’autre. L’idée que les virtualités puissent construire du vivant qui lui soit opposé, est donc illogique. Car les virtualités, étant donnée leur origine, ne portent pas en elles la logique de la rébellion. Elles portent, par contre, dans leur instinct, le besoin du bonheur et le sens inné que le bonheur ne peut être que dans la communion. Si dans le lent cheminement de leur évolution, il leur arrive de faire l’expérience de la dissidence, elles ne le font que « par inadvertance », et ne peuvent donc pas s’installer « consciemment » dans une rupture qui irait à rebours de leur instinct radical.

Dieu n’agit pas : il aime.
Pour que cela soit, Dieu n’a pas à intervenir. Il est, c’est tout. Parce qu’il est, il rayonne. Donc, il lui suffit d’être pour que la vie fonctionne. Mais sa relation à cette vie qui se trouve hors de lui, n’est faite ni de dirigisme, ni de corrections. Il regarde la vie fonctionner et il aime son fonctionnement : « Dieu vit que cela était bon ». Il se contente d’être ce qu’il est : amour. Et ce regard aimant est sans doute la seule énergie qui le relie à ce qui vit face à lui. Mais quelle énergie que l’amour ! Et comme Dieu existe sans fin, rien ne peut interrompre l’évolution que cet amour entraîne.

La création n’est pas le fait d’un hasard mais d’un calcul d’amour.
Au point où nous en sommes, nous pensons bien que ce n’est pas le hasard qui mène ces croisements télescopés. Car, si le Dieu qui « rayonne » est amour, il est par le fait même, nous venons de le dire, relation et donc, besoin essentiel d’établir des rencontres et des connexions. Or ce qui rayonne de Dieu, est aussi, comme le Dieu d’où « ça » rayonne, animé par le besoin de rencontrer d’autres virtualités et d’établir avec elles des liens. Ce n’est donc pas à l’aveuglette, que cette effervescence est lancée. Et ce n’est pas non plus un non-sens si ces rencontres se font. Puisque le rayonnement qui la fait bouillonner vient d’un Dieu qui aime, la vie ne peut pas répondre à une autre logique que celle de l’amour. Puisqu’elle est « à l’image » de ce Dieu-là, elle demeure structurellement dans la logique et dans la dynamique de cet amour. Ce n’est donc pas une force aveugle qui anime l’évolution. Selon la Bible, le désir de ce Dieu qui est Père, est de voir surgir face à Lui des vivants capables de le regarder en face, capables de savoir qu’ils sont comme lui, vivants et aimants, et capables enfin de comprendre qu’ils sont ses fils. Les vivants ne Le verront donc pas par hasard au détour d’une histoire : par où qu’ils soient venus, c’est Lui qu’ils cherchaient, avec leurs frères ; et par Lui et par eux, ils sont de toujours attendus.


Il reste que cette espèce de conditionnement à l’amour et donc à la rencontre et à la communion, dont on pourrait faire reproche à Dieu, n’est pas une contrainte. Car une contrainte vient de l’extérieur. Les scientifiques (encore eux) disent bien que les « virtualités » qui « tricotent » l’évolution, sont en elles-mêmes, comme aimantées les unes par les autres. Leur structure est un besoin. Un besoin de l’autre. Même si l’autre n’est pas encore en vue.


Le mouvement est lancé et les virtualités en nombre infini se rencontrent, s’essayent à rester ensemble, échouent souvent, et plus souvent encore, réussissent. Peu à peu cet incommensurable non-ordre s’organise, prend forme et devient le « Cosmos », selon l’expression par laquelle les philosophes grecs nommaient l’univers ordonné qu’ils découvraient ébahis. Le Cosmos, matrice de ce qui va suivre. Matrice donc aussi de l’homme qui apparaîtra dans seulement quinze milliards d’années. Il reste, et ce sera la thème de la dernière instruction, à tenter d’expliquer que si ces virtualités ont réussi à structurer ainsi le Cosmos jusqu’à ce qu’il produise un vivant « à l’image de Dieu », c’est qu’elles sont, en fait, pleines d’esprit. Virtualités et esprit : une même réalité. C’est sur ce point que prendra appui l’hypothèse que je veux, en conclusion, vous proposer.
Le mouvement est lancé, par Dieu, dit la Bible. Dieu ? En tout cas, quelqu’un, puisqu’il donnera d’autres « quelqu’un ». Des « quelqu’un » autres que lui ! Dieu ? En tout cas, quelqu’un d’intelligent puisque le mouvement qu’il lance est vertigineux de génie. Quelqu’un qui aime, puisque nous aimons. Quelqu’un qui fait confiance, puisque le devenir est d’abord confié à la « matière » et puis enfin à nous, quand la matière vient à bout de nous produire. Qu’on nomme comme on veut, ou comme on peut, la « Raison » de ce qui existe : il suffit de lui reconnaître ces qualités que nous venons de dire, pour que l’homme puisse se fier à ce qui se joue. Aux antipodes du hasard.

 

 

 


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