Retraite 2003. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
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CORPS ET ESPRIT.


IV. La réalité de base du cosmos : ira-t-on jusqu’à Dieu ?
En « physique quantique » : où se situe la limite entre matière et esprit ?


Les « niveaux » de la réalité … jusqu’où ?

Au fur et à mesure que les chercheurs découvrent ce qu’ils peuvent connaître du réel, ils se rendent compte qu’il est plus complexe qu’on ne le croyait jusque là. Et même, les limites entre esprit et matière qui déterminaient les contours du palpable, semblent s’estomper, en physique comme en théologie, alors qu’elles leur paraissaient si solidement établies.

Jusqu’au début du XXème siècle, en effet, la structure de la matière apparaît aux chercheurs fixe et compacte : toutes ses composantes se tiennent et forment un engrenage parfait. Ce qui fait que l’on peut prévoir ses évolutions et qu’on peut même les provoquer puisqu’on connaît les règles de leur agencement et qu’on a la capacité de les manœuvrer : on dit que la matière est malléable. De plus, on pense discerner dans cette description de la matière, la structure de base de l’univers. Il faut dire d’ailleurs, à la décharge de cette « assurance », que cette analyse correspond bien à un état réel puisqu’on peut en effet agir sur cette « matière », à partir des observations que l’on en a faites. On dit donc que cette description de la matière est fiable.

Mais le XXème siècle commençant, voici qu’on découvre, en dessous de la matière, un autre état qui, en réalité, lui sert de base. On met au jour un autre type de monde physique, une autre « physique, (la « physique quantique ») profondément différente de celle que l’on connaissait jusqu’alors.

La différence la plus spectaculaire, encore qu’elle ne soit pas, et de loin, visible à l’œil nu, réside en ceci : alors que dans la structure connue, les éléments qui composent la matière sont fixes et emboîtés les uns dans les autres, à ce niveau-là, au contraire, plus rien ne se tient. Tout circule comme si tout était indépendant. Imaginez ce qui se produirait si une secousse venait déstabiliser le ciment d’un immeuble : nous aurions l’impression que le ciment referait, mais à l’envers, le chemin de solidification qu’il avait suivi auparavant, pour se retrouver désormais à l’état de poussière dans lequel il était avant de prendre sa position définitive dans le coffrage. Un peu l’impression que l’on a quand on scrute la structure connue de la matière : qu’ « en dessous », tout paraît désorganisé ; ou, plutôt, tout semble reposer sur une organisation tout autre que celle de la matière, infiniment plus complexe et plus fine que la structure à laquelle nos mesures du « visible » nous avaient accoutumés.

Dans la description classique de la matière, chaque élément est aussi nettement déterminé qu’une bille, ou une boule minuscule, comme vous voudrez. Or, dans cet autre état de la physique, les éléments de base ne sont pas nettement déterminés et ne sont pas fixes non plus. Ils se manifestent sous deux apparences totalement contradictoires : un point, comme une « bille », et une onde, comme si cette bille se déplaçait au point d’être partout. Essayez d’imaginer un point qui serait comme un courant d’air, dont on ne pourrait plus dire où il est, ni calculer son allure, tellement il serait partout à la fois. Les chercheurs, dépassés, finissent par dire qu’on ne peut connaître ni sa position ni la vitesse de son déplacement. Vous devinez leur inconfort. Toutes leurs bases sont ruinées et basculent. Tout est à revoir.

Bien qu’il soit maladroit de les citer dans le contexte de cette réflexion qui n’est pas scientifique, les théoriciens de la « physique quantique », à laquelle nous venons de faire allusion à l’instant, découvrent en effet que toute particule « se présente tantôt sous la forme d’un corpuscule et tantôt sous la forme d’une onde. Or le corpuscule est une petite masse bien localisée, perceptible par nos instruments d’observation, alors qu’une onde est un phénomène sans localisation ni limites précises, invisible, détectable seulement de façon indirecte par ses effets. Lorsqu’elle est sous forme d’onde, la particule quantique a donc pour dimensions les dimensions mêmes de l’univers. » (Dr. Daleux. Centre Sèvres. Paris. 20.01.03.)

L’in-dessinable.
Les difficultés que l’on éprouve, maintenant, pour désigner les bases de cette « nouvelle physique » rejoignent d’étonnamment près celles qu’ont les théologiens pour parler de l’esprit. On a toujours peiné à définir l’esprit. Le mot lui-même laisse une impression vaporeuse, sans dimensions, in-dessinable, jamais localisable. Jusqu’à maintenant, son impressionnante imprécision ne supportait pas la comparaison avec la condensation localisable et la netteté de la matière. Or, dans les découvertes de la physique quantique, n’aurions-nous pas un état qui approcherait ce qu’intuitivement nous nommions « esprit » ? Ce que nous découvrons là, n’est plus de la matière. Cela se fluidifie à l’extrême. Vers quoi va cette fluidification ? Pourrait-on rapprocher cet « insaisissable » de ce que nous avons en tête quand nous parlons de l’esprit ? Question sacrilège ?

La recherche, aujourd’hui, nous contraint pourtant à revoir beaucoup de nos appréciations et à ré-évaluer nos certitudes : la fiabilité absolue n’est pas où l’on a longtemps cru la trouver. Elle se trouve dans l’omniprésence d’un in-mesurable imprégné d’une « intelligence » supérieure, qui a pu faire jaillir, organiser et amarrer ensemble tout l’existant. Pourquoi ne serions-nous pas devant une possible et étonnante expérimentation de ce que les « Sages » de l’humanité appelaient l’esprit ? Ou, du moins, d’un état qui en approche ? C’est en tout cas l’hypothèse que nous allons adopter dans la suite de notre réflexion quand nous reparlerons des « virtualités » qui émanent de Dieu. Ces virtualités seraient-elles le chaînon entre « le Souffle de Dieu qui planait sur les eaux » (Gen. 1, 2) et l’univers qui en sort ?

Peut-être les « spiritualistes » ont-ils raison ? Mais d’abord, entendons-nous bien : « spiritualiste » n’équivaut pas à « chrétien ». Les chrétiens font partie de cette catégorie, mais ils n’y sont pas les seuls : tous ceux qui croient que la « « matière » n’est compréhensible que dans la mesure où elle n’est pas sa propre explication, et que, au fur et à mesure qu’on descend le long de sa structure, on découvre un tissu de plus en plus ténu et souple et malléable, de plus en plus partout réparti et pourtant de plus en plus in-mesurable, insondable, disponible à tout, et inusable, ceux qui pensent ainsi et en balbutient, sont spiritualistes.

Avant d’aller plus avant, je veux reproduire l’éblouissante description que la Bible fait de la « sagesse ». Vous allez voir combien nous sommes proches de ce qu’ici nous nommons l’esprit et pourquoi je me suis permis de vous proposer cette hypothèse d’une possible parenté entre l’état quantique et l’état de l’esprit. (Sagesse, 7, 22-30.)

« … il y a en elle un esprit intelligent, saint, unique, multiple, subtil, mobile, distinct, sans tache, clair, inaltérable, aimant le bien, diligent, indépendant, bienfaisant, ami de l’homme, ferme, assuré, tranquille, qui peut tout, surveille tout et pénètre tous les esprits, les intelligents, les purs, les plus subtils. Aussi la Sagesse est-elle plus mobile qu’aucun mouvement ; à cause de sa pureté elle passe et pénètre à travers tout. Elle est un effluve de la puissance de Dieu, une pure irradiation de la gloire du tout-puissant ; c’est pourquoi nulle souillure ne se glisse en elle. Elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l’activité de Dieu et une image de sa bonté. Comme elle est unique elle peut tout ; demeurant en elle-même, elle renouvelle l’univers, et, au long des âges, elle passe dans les âmes saintes pour former des amis de Dieu … Comparée à la lumière, sa supériorité éclate : la nuit succède à la lumière, mais le mal ne prévaut pas sur la Sagesse.»

Je ne ferai pas dire aux spécialistes de la « physique quantique » qu’il furent précédés dans leur découverte et leur analyse, par les sages de l’ancien Testament. Mais tout de même … un siècle avant le Christ !

Irions-nous vers l’esprit ?
Nous découvrons donc avec stupeur que la matière que nous connaissions et qui était parfaitement déterminée et donc prévisible, repose en réalité sur un « socle » flottant totalement imprévisible. Aujourd’hui, on en est à essayer de faire le tour de cette découverte. Et on n’est pas proche d’en avoir fini. Car enfin, ce socle flottant, voici qu’on se demande déjà sur quoi il peut bien lui-même reposer. Y a-t-il un autre niveau plus antérieur et plus profond sur lequel lui-même prendrait appui ? Que va-t-on trouver si l’on persiste à scruter la structure de la Vie ? Question des questions : un sous-bassement premier existe-t-il : ce niveau quantique lui-même dépend-il d’un autre niveau plus radical que lui et plus complexe encore ? Ou bien vient-il d’une somme actuellement incalculable de niveaux emboîtés ? Qu’est-ce qui se trouve à la base première de ce qui existe aujourd’hui ?

Jusqu’où doit-on aller pour découvrir et, éventuellement explorer une « base première » ? La réponse ne fait pas de doute : il faut aller plus loin. Jusqu’au bout, si possible. Car il n’y a pas de raison raisonnable pour que ce palier ne repose pas sur un autre palier. Et tant que la science ne sera pas certaine d’avoir découvert le palier absolu, la quête se poursuivra.

Ne jouons pas à cache-cache : ce qui va suivre est déduction théologique. Il ne s’agit en aucune manière de réflexions scientifiques. Nous adoptons la réponse que l’humanité dans son bons sens instinctif a toujours avancée : qu’en effet, il y a un palier en-dessous duquel on ne peut pas descendre et dont la force et l’originalité résident justement en ce qu’il s’explique par lui-même. Les hommes l’ont plus ou moins adroitement nommé « Dieu ». Pour nous, chrétiens, il s’agit du Père de Jésus, notre Père. « Créateur du ciel et de la terre ». Est-ce lui qui se trouve au niveau de la couche absolue où tout départ s’explique ?

Les connexions stupéfiantes découvertes quand on scrute la profondeur du cosmos, ne nous révèlent pas Dieu, mais une structure étonnamment différente de celle qu’on croyait connaître. Les certitudes établies s’effacent au profit d’un enfoncement dans l’incertain. Ce qui nous paraissait jusqu’aujourd’hui clairement défini et décrit, n’est pas le fond de la réalité. Sous les anciennes certitudes s’ouvre l’infini des « virtualités ». Plus on s’enfonce dans le réel, plus cet infini de possibles interfère dans ce que l’on croyait définitivement établi, et brouille les assurances de notre jeunesse. Un infini plus infini s’ouvre, en continuité immédiate avec le niveau du cosmos connu jusqu’ici. Et ce que l’on appelait « matière » et dont on croyait que c’était la base absolue de la réalité, ne nous paraît plus aujourd’hui que comme l’angle provisoire sous lequel nos yeux voient la nature et le monde vivant, mais n’est certainement pas le fond du réel. Le fondement du réel semble s’éloigner de plus en plus vite de nos modes actuels de penser.Vertige !


Vertige ? Ou chemin « carrossable » vers l’infini de Dieu ? Nous qui croyons en l’esprit, nous ne pouvons pas ne pas constater, timidement, bien sûr, que, plus on descend vers du non mesurable et du non encadrable et pourtant de l’étonnamment opérant, plus nous allons vers une réalité semblable à ce que par ailleurs, les « spiritualistes » nomment l’esprit. Pour nous, donc, ce que nous nommons virtualités est de l’esprit. De l’esprit à l’image de l’Esprit de Dieu. Esprit dans l’état ou l’esprit peut se trouver quand il est hors de Dieu alors qu’il émane de Lui. Esprit, donc, au point que nous puissions remplacer le mot « virtualités » par le mot : esprit. Cela arrivera couramment dans la dernière instruction.


Notez bien que si nous nous lançons sur ce chemin, ce n’est pas que nous prétendrions tirer à nous les découvertes ou les hésitations des chercheurs pour en faire notre pâture. Mais pourquoi ne pas prendre les « fils » qu’ils tendent à leurs contemporains, pour voir si ce que la théologie pense du créateur ne trouverait pas là un possible point de rencontre ? Nous ne prétendons pas christianiser leur recherche. Mais nous voulons voir si notre intelligence croyante ne pourrait pas, tout en restant dans son domaine, essayer d’enfiler ce qu’elle croit dans ce qu’ils nous disent. Il n’y aurait là de déshonneur, ni pour la science qui cherche elle aussi le « niveau absolu » et qu’on ne force pas à dire ce qu’elle ne voit pas, ni pour la foi dont l’intelligence voudrait tenter un pas dans leur direction.

 

 


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