Retraite 2003. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas CORPS ET ESPRIT.
Linstinct des virtualités, moteur
de lévolution. Ce qui est dit aujourdhui de la physique quantique me paraît proche de ce que les « spiritualistes » disent de lesprit (chapitre précédent) ; et étonnamment compatible avec ce que la Bible (chapitre deux) et certains théologiens (chapitre trois) disent de la création. Ces trois chapitres, dans la pluralité de leur langage, nont en fait parlé que dune unique réalité qui est lesprit. Lesprit, non pas au sens habituel où nous lentendons aujourdhui d « intelligence pensante », mais plus simplement, au sens dune « capacité instinctive de jonction ». Dans cette logique et pour conclure, je voudrais ramasser les acquis de cette retraite et souligner la soufflante simplicité de lintelligence de lévolution (et donc de Dieu) qui, dun matériau unique a tiré lindescriptible variété du cosmos. Et je voudrais dire que lhomme qui est au sommet de ce cosmos, est simple, lui aussi, comme le reste, au point quil est structuré dun seul élément qui est lesprit. A limage de Dieu doù il vient. Nous allons donc voir, en raccourci, lhomme surgir du seul jeu de lesprit (ou des virtualités, ce qui revient au même). Nous avons beaucoup parlé des virtualités, parce que, faisant le jeu de lEvolution, elles tissent tout ce qui existe. Nous avons aussi souvent parlé de lesprit. Ce qui pourrait nous faire croire quil y a là deux réalités différentes. En fait, virtualités et esprit sont le même « objet ». Simplement, lesprit est la tendance de base, tandis que les virtualités sont les instruments dont lesprit dispose pour réaliser sa tendance. Un peu comme on dirait que la tête pense et que les mains réalisent ce que la tête a pensé ; mais tête et mains ne font quun seul vivant. Or « esprit » et « virtualités » émanent de Dieu. Et Dieu désire être en relation. Parce quil est amour, en effet, et parce que lamour est avant tout relation, on peut dire que son « désir fondamental », cest la relation. Au point que si on voulait « le » réduire (!) à sa structure de base, on pourrait dire quil est besoin de relation. Dans ces conditions, puisque les virtualités émanent de Lui, elles doivent avoir la capacité de réaliser Son désir ; et lesprit, lui, doit avoir la force de faire passer à lacte leur capacité. Lesprit et ses virtualités, si on les laisse faire, travailleront donc à relier. Ainsi, lévolution résulte-t-elle de ce travail : parce quelles jouent le jeu de leur esprit, les virtualités cherchent à se lier aux virtualités qui leur sont voisines ou du moins qui leur correspondent. Dès lorigine, et sans doute bien avant le « big-bang », lévolution a dû fonctionner sur ce schéma. Et ainsi, dès quil y eut un lien, y eut-il de lexistant. Si la vie est apparue, cest donc tout bonnement parce que les virtualités, constituées avant tout du besoin de se lier, cédèrent à leur esprit pour qui il était vital quelles y cèdent. Dès que des relations purent sétablir, la vie apparut : lesprit était à luvre. Lesprit prend forme visible. Mais son besoin de se joindre à « un autre », finalement, le contraint à choisir. Il rétrécit alors son panorama sur une perspective particulière. Pour effectuer ce choix, sans doute se fie-t-il à ses inclinations mais sans doute aussi, aux circonstances qui commencent à simposer. Seulement, en salliant à lextérieur de lui, il se trouve affronté à loriginalité de lautre. Il enrichit sa structure en lemboîtant dans la structure de lautre, mais du coup, il prend forme, et plus cette forme senrichit et plus elle se charpente, plus il prend une forme distincte. De lextérieur, on verrait se dessiner quelque chose comme une clôture indiquant une « propriété privée ». Bien sûr, la clôture en question nest pas là pour emprisonner les virtualités qui se sont jointes, mais pour délimiter ce quelles sont en train de construire. Plus elles multiplient leurs liens, plus leur structure devient complexe. Dès lors, on peut voir den face ce quelles édifient. Du moins, le verrait-on si des yeux se trouvaient là. Mais des yeux ne souvriront que lorsque lévolution aura réussi à faire venir lhomme. Lesprit devient Sujet. Cet « ensemble » croît comme un tissu que lon confectionne et qui sallonge et sélargit. A la longue ce « tissu » devient supérieurement complexe. Et comme ses facettes se multiplient, il finit par sy voir comme dans un miroir. Et il sy voit tellement bien quil est désormais conscient dexister. Lesprit, impersonnel et vague jusque là, sest donc condensé et sest enclos dans des limites. Il sest comme enserré dans un « périmètre », et, de ce fait, on peut se situer face à lui. La forme que lon voit de lui, et avec laquelle toutes les relations vont passer désormais, est, dans notre hypothèse, ce que lon a coutume de nommer : matière. En fait, cette matière est simplement le « bord » de lêtre, le bord où lesprit sest tellement intensifié et condensé quil en est venu à être visible. Par habitude et faute de mieux, on nomme « matière » cette condensation desprit. En tout cas, à lavenir, on ne parlera plus dun ensemble, mais de quelquun. Cest un vivant. On a maintenant en lui un lieu bien déterminé. On peut se mesurer avec lui. On peut lui parler. On peut bâtir avec lui des choses nouvelles ; on pourra même, au prix dune communion intense, faire avec lui surgir dautres vivants. Parce quil a su faire converger et sengrener les unes dans les autres, les possibilités quil a assemblées ; parce que cest lui qui fait cela, on dit, magnifique reconnaissance, quil est le sujet de cet assemblage. Il restera le maître de ce quil a construit, au point que tout ce quil sest identifié lui sera assujetti, au sens fort du terme. Pour Thomas dAquin déjà, lâme est cette force de cohésion qui, de lintérieur, maintient ensemble les éléments formant le vivant. Nous reprenons cette vue. Simplement, nous nommons « sujet » ce que Thomas appelait « âme ». Il devient une Personne. A la longue, il se découvrira autonome, quand il aura compris que sa propre volonté décide sans avoir besoin dautorisation ni de signature venant de Dieu. Il ne fera quexpérimenter ce qui était dit plus haut des virtualités « émergeant de Dieu » : elles viennent de Dieu, mais Dieu les donne. Il en fait total abandon à ce qui germe pour que « ce qui germe » puisse sen structurer. Don sans retour qui crée lautonomie de lévolution elle-même. Et du sujet personnel qui seul peut le savoir et en vivre. Et parce quil le sait, au moins instinctivement, il arrive à se distinguer de Dieu : à ce niveau, il expérimente la source absolue de son altérité. Dans son inconscient sans aucun doute, parfois lucidement et « par éclairs », il réalise que cette relation-type le met en face de son Origine première, dans labsolu, et quil est donc une Personne autre que Dieu : expérience essentielle pour savoir quil est « soi ». Et que, tel quel, il est unique. Sa conscience lui permettra, normalement, au moins de pressentir quil est à limage de sa Source : il entreverra alors, que, comme Dieu, sil est sujet de lui-même, cest que personne ne la fabriqué. Et si sa découverte de lui-même nest pas arrêtée, il ira jusquà se deviner indestructible comme Dieu. Sans doute, pas un homme nest-il Homme sans acquérir cette certitude, peut-être pour certains seulement inconsciente mais réelle et efficiente tout de même, quil est impérissable : et cest pour aller jusque là quil poursuit, que tous poursuivent de vivre jusquau-delà du désespoir. Cest à cette personnalisation progressive que travaille lesprit quand il entoure dune « paroi » infranchissable lunité quil construit. La matière ? La visibilisation de lesprit ; la concentration progressive des gestes et des positions de lesprit ; une concentration telle quelle finit par rendre sensible sa présence. Un peu comme une plaque de verre, invisible quand elle est seule, finit par devenir visible quand on pose dautres lames au-dessus de sa transparence. Cet « entassement » de lesprit qui crée le périmètre inconfusible de la « personne », on lappelle « matière ». Mais cest toujours lesprit. A limage de Dieu. Pas plus dans ce travail d « hominisation » que dans cet état où lesprit est parvenu, la matière na été une autre réalité que lesprit lui-même : elle a été la succession des modalités par lesquelles lesprit est passé : elle a été successivement lépaississement, lintensification, la fixation du dessin de lesprit, et tout cela, au point que lesprit est devenu visible. Elle est le tracé définitif des limites au-delà desquelles lesprit nest plus. Grand dessin, dessin douloureux, qui fait que « la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de lenfantement attendant la délivrance pour notre corps » (Rom. 8, 22). Sans attendre le bout de lHistoire, la Matière inscrit déjà dans lEternité et en lettres sacrées, les états successifs que lesprit aura franchis pour devenir sujet et personne et se discerner fils chéri de Dieu. La matière : létat du vivant achevé et en attente du temps où il sera capable de voir son Père, et dans lequel, sans aucun doute, il conservera à jamais sa forme visible : la résurrection de la Chair.
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