Retraite 2003. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas CORPS ET ESPRIT.
Introduction : Dieu ne se cache pas
Lintelligence embouteillée. « Je veux voir Dieu » : cette volonté quexprimait Thérèse dAvila au XVIè siècle, dit bien, me semble-t-il, le désir quinconsciemment du moins, portent tous les vivants, et le moteur de leur recherche. Et pourtant, rien ne paraît plus difficile, même aujourdhui, que despérer Le voir. Pour situer lampleur de cette attente et la difficulté que nous avons à létancher, nous allons effectuer un survol des raisons auxquelles les théologiens et les moralistes imputent la difficulté que nous avons, en effet, à expérimenter Dieu. Nous ne nous arrêterons quà celles qui semblent plus actuelles. Bien sûr, chacun dentre nous risque bien den trouver dautres. Quil nhésite pas à les ajouter. Nous commençons par cette recherche parce quelle existe de toujours et quelle est vénérable et vitale ; mais nous désirons la dépasser, persuadés que lembarras majeur que nous avons à voir Dieu se situe ailleurs : le plus « gros » de la retraite essayera de voir où peut bien se trouver lessentiel de cette difficulté. La recherche proposée ici ne vise pas, vous vous en doutez, à nier que nous ayons du mal à voir Dieu, mais elle voudrait nous aider à saisir que, tels que nous sommes bâtis, corps et esprit, et à cause de cette dualité, nous sommes équipés pour cette quête et quen réalité, nous Le touchons. La matière dont en partie nous sommes faits et qui aussi nous entoure, prête main forte à notre esprit pour soutenir notre regard et pour laider à croiser le Sien. Mais à une condition : que la matière et lesprit soient aussi justement que possible situés lun par rapport à lautre. Lessentiel de la difficulté que nous avons à voir Dieu se tient peut-être là, en tout cas ce sera lhypothèse que je vous proposerai en terminant : que la matière et lesprit, comme les deux verres de nos lunettes, soient réajustés pour quenfin, nous puissions voir. Lincertitude nous apeure. Peut-être confondons-nous nos hésitations quotidiennes avec le fait que nous ne voyons pas Dieu. En effet, nos journées sont engorgées dincertitudes. Toutes ne sont pas dramatiques. Mais toutes sont gênantes. Ainsi, nous ne connaissons pas lavenir ; nous ne savons pas ce que la décision que nous venons de prendre aura comme conséquences ; nous ne comprenons pas toujours la réaction dun de nos enfants ; il suffit quune rue nous sépare pour que nous devenions « aveugles » sur litinéraire suivi par notre conjoint ; nous ne savons pas le résultat quaura sur notre malade, le traitement quon vient de lui prescrire ; quand nous échangeons, nous avons du mal à saisir le fond de ce que lautre croit, et à lui dire ce que nous pensons. Lincertain nous encercle. Nous doutons. Et chacun essaye de trouver les raisons de son indétermination. La psychanalyse, la philosophie, la pédagogie ly aident. Leurs explications peuvent apporter une pacification, et ces secours, mis bout à bout, nous dépannent. Mais aucun nest en mesure de nous donner la paix totale. Et lorsquil semble y parvenir, une nouvelle incertitude surgit qui remet en cause la tranquillité que nous avions gagnée. En définitive, les incertitudes encombrent notre mémoire ; et notre intelligence sessaye à les dissiper. Mais, débordée, elle pense débroussailler lembouteillage en résumant la liste de ses doutes sous cette évidence : « nous ne savons pas doù nous venons, ni où nous finirons. » Cette inconnaissance de nos sources, posée comme une évidence, peut entraîner un sous-entendu : si nous ne savons pas, cest quil ny a rien. Un sous-entendu dautant plus dangereux quil est inconscient : allez donc vous défendre contre un intrus clandestin. Clandestinement, donc, peut sinstaller à lhorizon de notre quête, lidée indistincte mais lourde de désespérance, « quil ny a rien ». De là le pressentiment logique que nous rappelions à linstant : « Il ny a pas de Dieu ». Or je ne peux pas comprendre ce quobscurément jexclus de mes perspectives. Pourquoi ne pas reconnaître que nous ne voyons pas Dieu parce que nous laissons nos incertitudes quotidiennes se changer en doute sur lexistence dun sens. Ce doute sest glissé dans lentrebâillement de notre conscience sans que nous ayons pu percevoir quil y entrait. Mais il habite même les meilleures volontés. Il sest tapi sans nous prévenir. Il prend du poids, dailleurs, chaque fois quune question reste sans réponse. Il ne nous prévient pas de sa présence, mais il étouffe un peu chaque jour notre clarté. Il sinstalle en maître, comme le concierge qui filtre les visites sans prévenir les locataires auxquels elles sont destinées. Et le locataire finit par se croire seul tant le filtrage est bien maillé. Si nous ny prêtions pas attention, lincertitude finirait par meubler notre conscience au point quaucune autre information ne pourrait plus guère nous parvenir, et que, même Dieu qui est pourtant « plus intime à nous-même que nous », pourrait parfois avoir du mal à nous faire signe. Lincertitude est donc notre compagne. Généralement pas désespérante, le plus souvent, motrice, mais toujours là. Toujours là parce quelle vient de plus profond. Elle vient de notre racine. La question radicale na jamais changé et ne sera jamais abolie, quoiquon tente pour nous rassurer. Elle reste, fondamentale, fondatrice : « Doù venons-nous ? » Toutes les races et toutes les générations lont trouvée dans leur bagage de départ, et toutes ont cherché avec les moyens de leur temps, à en desserrer lénigme. Elle nest pas clairement perçue par lenfant, sauf, disent les parents, lorsque le soir descend. Elle est par contre sentie en désarroi par ladolescent et ne lâchera plus jamais prise. Même les athées le savent : nous ne venons pas de nous-même, et nous ne décidons pas non plus, ce qui nous attend. Bloqués entre ces deux incertitudes de base, nous haletons.
Peut-être ne voyons-nous pas Dieu parce quil est trop proche, ou trop lumineux. Saint Augustin nous met sur la route quand il dit, en parlant de Dieu qu« il est plus intime à moi-même que moi. » Dieu ne se cache pas, bien que les inquiétudes dont nous venons de dire un mot, puissent le faire croire. Avez-vous vu, vous, des parents se cacher de leur enfant qui tend ses bras ? Personne ne peut résister aux bras dun enfant. Et Dieu moins que personne. Dieu est amour, et donc, son seul désir, si lon peut ainsi parler, cest de nous serrer dans ses bras : vous connaissez bien lhistoire que Jésus a dû inventer pour nous faire deviner, un peu, qui est ce Père : le père du fils perdu au cou duquel se jette le Père et « il le couvrit de baisers » (Luc 15, 20). Il ny a pas de doute que Jésus ne se soit fait homme que poussé par cet irrésistible désir de la Trinité de se faire connaître, de se faire voir, ou de se laisser deviner autant que cela serait possible, par nous, ses enfants ; quil ne se soit incarné que pour pouvoir nous dire cela, avec nos mots et nos images : que le Père est plus Père et Mère que nous ne pouvons imaginer et, quen conséquence, il est plus proche que nous ne le sommes de nous-même. Donc, pourquoi ne pas dire que nous ne le voyons pas parce quil fait si fort partie de notre quotidien que nous y sommes habitués de naissance ? Comme ces objets familiers que nous ne saisissons plus parce que nous les voyons tous les jours. Ils ne sont plus neufs. Ils sont dans nos certitudes de base. Nous savons quils sont là et lhabitude que nous avons de leur présence nous rend sûrs deux. Si nous craignions quils disparaissent, nous les surveillerions, et, du coup, nous les remarquerions. Mais ils seront là demain ; ce nest même pas une question pour nous. Ainsi de Dieu. Et plus encore. Dieu « plus intime à moi-même que moi ». Tellement intime quil fait partie non pas seulement de notre quotidien, mais du fond même de notre chair. Il nous habite tellement que nous navons même pas besoin de contrôler quil est là. Mais ce dont on na pas besoin de contrôler la présence, cest aussi ce quon ne voit plus. On pourrait dire encore quil est tellement proche de nous que nous en sommes aveuglés. Quand je suis aveuglé, je ne vois plus. Mais ce nest pas parce que mes yeux sont morts. Cest au contraire parce quils fonctionnent : ils reçoivent bien la lumière, mais la lumière quils enregistrent déborde leurs capacités. Ils sen rendent dailleurs tellement compte quinstinctivement ils se bloquent ou se ferment, et, du coup, la lumière qui les inonde, semble ne plus passer. Ils ne sont plus en état de la cerner et ne savent donc plus la nommer. Ils saffolent et cherchent comment traduire ce quils sentent et quils ne peuvent supporter : et ils disent : « je ny vois plus ». Mais ce nest pas parce quils nont plus dyeux, quils ne voient pas, ni parce quil ferait nuit, mais bien parce quils ont des yeux et que leurs yeux ouverts sont dépassés par lembrasement. Ce nest pas le manque de lumière, mais son excès. Ce quils ont à voir est tellement grand que cela les gagne de vitesse. Même lintelligence portée par lesprit, est dépassée. Si nous ne voyons pas Dieu, ce nest pas quil nexiste pas. Cest quil fait partie de notre quotidien, infiniment plus que le quotidien lui-même. Notre capacité à voir mieux ce qui nous heurte de plein fouet que ce qui est notre trame, peut nous faire classer Dieu au registre des hypothèses plus quà celui des évidences. Sans doute y a-t-il un défaut dans lusage que nous faisons des richesses du cosmos, un défaut qui, comblé, nous rendrait plus lucides sur la présence de Dieu. Je veux être clair sur la démarche que je vous propose. Je pense, et cette idée mest venue des découvertes faites dans le domaine de ce quon appelle la « physique quantique », je pense que lesprit et la matière sont une même réalité. Le corps, lesprit : non pas deux réalités différentes, mais deux trajets dont il faudra sans doute réaliser lunité, si nous voulons comprendre et le cosmos et lhomme et Dieu. Cette position nest pas classique. Vous demeurez libre de ladopter. Mais aujourdhui, la théologie ne peut plus avancer sans tenir compte des découvertes que la réflexion scientifique fait de son côté. Voici le plan :
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