Retraite 2004. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
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La Résurrection.

Conclusion : le Purgatoire, une question ? une bonne nouvelle ?

Vous allez vous dire que nous régressons. Le Purgatoire n’est même pas « de foi ». Alors, pourquoi en parler après ce que nous venons de dire sur la mort et sur la Résurrection ? Mais parce que sa question s’est posée en filigrane au cœur même de ce que nous avons dit durant cette retraite.

L’idée du Purgatoire.
Avant de nous lancer, d’un mot je vous rappelle comment est née l’idée du Purgatoire. Elle a couvé dans l’intelligence des théologiens. Ils étaient ancrés dans la certitude longtemps classique selon laquelle l’homme était mauvais, tordu par le péché originel, et donc pécheur ; incapable de se présenter devant Dieu, à condition d’ailleurs qu’il y soit admis, sans être entaché d’une kyrielle de péchés. Dans cette logique, vous devinez bien que la question se posait d’un lieu ou d’un moment où un bon nettoyage puisse être effectué. Personne ne peut paraître indemne devant Dieu. Donc chacun devra faire queue derrière la porte, pour que l’attente et la souffrance proportionnées à la longueur de la liste à effacer, puissent, grâce à la privation qu’elles imposent, provoquer assez de souffrance pour réparer. La dernière manière de réparer est de souffrir.

Je ne me place pas dans cette perspective de pureté morale ou autre, que l’on ne peut réparer qu’à coups de douleurs. Je me place dans la perspective de l’amour, mais même ainsi, la question du Purgatoire reste posée. Car enfin, pouvons-nous croire que, lorsque nous nous trouverons face au Père, son sourire bienveillant puisse être aveugle sur les stigmates laissés par la dureté de la vie et les traquenards du chantier ? Fera-t-il comme s’il ne les voyait pas ? Ce ne serait pas conforme à ce que Jésus nous a dit de lui. L’amour est lucide et ne peut pas vivre dans le faux-semblant. La tendresse, de part et d’autre, ne pourra pas faire comme si rien n’avait cloché et comme si aucune culbute ne nous avait marqués. Quand il nous ouvrira ses bras, c’est aussi en pénitents que nous nous y tiendrons.

En pénitents destinés à entrer dans la danse, mais tout de même douloureux encore, et malheureux que nos stigmates soient, plus ou moins, les traces d’un amour manqué. Le rappeler n’est pas remettre en cause ce que nous avons dit dans chaque instruction de cette retraite. Mais c’est croire au sérieux de l’amour.

Le dernier pas vers le fond de l’amour.
Oui, comment fera-t-il, le Père, pour nous rassurer, nous qui jaillirons, bâtis, certes, mais encore imprégnés du souvenir de nos dérapages ? Nous aurons réussi à nous construire capables de Lui, mais le travail ne se sera pas fait sans mal. Se souviendra-t-il, Lui, quand nous serons dans ses bras, de la place que le mal aura tenue, dans nos pensées, nos craintes et nos actes ? Verra-t-il encore en nous, tout achevés que nous puissions être, les traces de nos lâchetés ? Nous, en tout cas, c’est sûr, nous aurons en nous le souvenir des blessures que le mal nous aura values, mais aussi de celles qu’elles auront faites au cœur du Père. Et ce Père, nous l’aurons là, devant nos yeux ressuscités. Comment ne pas avoir mal de la souffrance que nous lui aurons causée, bien plus que de la nôtre ? Quand je me suis fait du mal, ou que j’en ai fait à mon frère, au Père aussi, j’en ai fait. Tant que je ne le voyais pas, cela ne me tracassait pas beaucoup. Maintenant que je le vois, là, avec sur son visage cette incroyable et si émouvante douceur, comment n’en serais-je pas torturé ? Bien sûr, le christianisme teinté de jansénisme a sans doute exagéré le poids de ce mal, dans son cœur et dans le nôtre, mais enfin, ça reste vrai : je lui ai fait mal.

Et il me sourit doucement. Comment ai-je pu faire ? Que lui dire, maintenant, pour apaiser sa peine ? Si je l’avais vu comme je le vois maintenant, je le jure, je n’aurais pas fait ce que j’ai mal fait. Mais je ne le voyais pas. Maintenant je le vois. Je me souviens en même temps de la mort de son Fils. Regardant ses yeux, je me prends à avoir envie de crier tant je comprends ce qu’il a dû souffrir quand Jésus agonisait. Et tout cela, je le savais, pourtant. Oui, mais je ne le voyais pas comme je le vois maintenant, avec, face à moi, ces yeux si doux.

Le Purgatoire c’est cela. Ce n’est pas d’être privé de voir le Père ; le Purgatoire, c’est de le voir. Le Purgatoire, ce n’est pas la punition, mais la souffrance. La souffrance que j’éprouve en le regardant. Insupportable. Voir ses yeux me sourire et me souvenir en même temps que je l’ai peiné. Je n’ai qu’à me souvenir de ce que j’ai pu ressentir quand j’ai peiné quelqu’un que j’aimais. Voilà, c’est ça. Mais c’est pire parce que personne ne m’a jamais aimé comme Lui.

Il me sourit pourtant. Il voit ce que je pense et combien j’ai mal. Mais il me sourit quand même. Son sourire me semble plus doux chaque fois que ma souffrance me relance. Je le regarde, il me sourit. J’ai mal de sa peine … il me sourit doucement. Son sourire ne me lâche pas. Chaque fois que je lève les yeux, peiné, lui, il me sourit.

Il me semble que ma souffrance prend de moins en moins de vigueur. Je me rends bien compte que c’est son sourire qui m’apaise. Plus il me sourit, moins je me souviens. Je commence à entendre. Moins je m’écoute, plus il me semble l’entendre. Il me semble qu’il dit que je suis son enfant bien-aimé. Je le laisse dire que je suis son enfant. Je me repais de cette voix.

Elle finit pas parler plus fort que mon angoisse. Elle fait taire la voix de mes regrets. Je ne sais même plus que j’ai péché, tout ça est en cendres, perdu dans l’infini. Je ne sais plus qu’une chose : il m’aime. Je l’aime.

C’est fini, je peux m’abandonner à son baiser, je suis son enfant bien-aimé. Le Purgatoire est terminé. L’amour l’emporte. L’amour est éternel. Il n’aura même pas eu à me dire qu’il m’avait pardonné. Il lui aura suffi de me dire que j’étais son fils bien-aimé. Sa tendresse l’a emporté en certitude et je suis sauvé de désespérer. Maintenant je ne vois plus que l’amour. C’est le Ciel.

Un jour, ce sera notre tour. Notre tour d’entendre, à nous personnellement adressée, cette parole admirante : « Tu es mon enfant bien-aimé. » O, mon Dieu, quand ?


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