Retraite 2004. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas La Résurrection.
II. Nous vivons à cheval sur deux systèmes. Un système
où tout commence et paraît finir. Car, en même temps que dure notre effort pour bâtir, nous désirons que la charge de construire prenne fin. Pas seulement parce que nous serions fatigués davancer, mais parce que, aussi fort que le désir de nous édifier, le besoin nous habite aussi den finir avec la progressivité et donc limperfection et linsatisfaction de nos constructions qui nous semblent sans fin ni perspective. Nous nous sentons faits pour profiter sans mesure de ce que nous aurons construit. Doù vient donc ce désir de vivre « sans voir le temps passer » ? Ce pressentiment que nous sommes faits pour tenir un jour en mains et en un seul instant tout ce dont nous sommes capables, achevé, en parfait état de fonctionner et en même temps inusable et constamment disponible ? Cette aspiration à la maîtrise parfaite, nous habite, en effet, non pas bien sûr parce que nous aurions une fois ou lautre déjà fait lexpérience de cette puissance, mais parce que cest, en réalité et en profondeur, lautre système dans lequel aussi nous vivons et qui donc fait partie des acquis de notre inconscient.
Ne nous payons pas de mots. Plutôt que de dire que nous serons éternels, ce qui est vrai mais difficile à saisir pour notre logique actuelle, disons plutôt que nous sommes situés à cheval sur deux niveaux. Un niveau où nous prenons le temps de nous construire et où nous nous investissons à plein ; et un niveau vers lequel nous narrivons, pour linstant, quà pointer le bout du nez, et qui est le Pays de Dieu. Or, dans le pays où nous sommes actuellement, on trouve le temps qui est presque le contraire de léternité, le temps quil faut pour nous construire et pour apprendre à vivre. Ce pays, cest « la terre ». Tandis que lautre niveau, lui, ne connaît pas le temps. Un Pays sans temps est un Pays éternel. Le Pays de Dieu. Le nôtre, déjà. Seulement, comme nous ne savons arpenter que le temps, léternité nous échappe. Nous ne connaissons que ce que nous pouvons mesurer, et léternité ne se mesure pas. Autant dire que dans ces conditions, elle na pour nous aucune consistance perceptible. Cela ne veut pas dire quelle soit un rêve. Elle échappe à nos instruments, et pourtant nous y sommes en plein. Or, dans ce système, il ny a pas de durée parce que tout est possédé simultanément. On na rien à attendre, parce que tout ce qui pouvait exister, nous laurons mené à lexistence. Le temps était nécessaire pour mettre au point notre capacité de vivre en grand ; ces capacités étant désormais au point, le temps na plus rien à mesurer. On a tout sous la main. Nos calendriers deviennent caduques. On ne peut plus parler de « toujours », parce que « toujours » signifiait alors « tout le temps », comme un temps qui durerait sans cesse. Cen est fini de « toujours ». Le temps nest pas arrêté, il nest plus. Non pas parce quil serait lassé, mais parce quil na plus rien à jauger. Non pas parce quil ny aura plus rien, mais parce que plus rien ne sera plus mesurable. Nous vivions à petite dose. Maintenant, achevée, la vie devient démesurée. Le temps se retire donc de lui-même. Et quand il se retire, faute demploi, il laisse voir ce dont il semblait prendre la place jusque là, qui est lEternité. Aujourdhui, donc, cet état « éternel » qui cohabite avec notre temps, bien quil soit universel et basique, nous est voilé et nous ne pouvons pas le prendre aux pièges de la Recherche scientifique. Non pas parce que Dieu aimerait faire des cachotteries avec les Chercheurs, mais parce que le temps lui-même leur en bouche la perspective. Ce temps qui énumère et mesure les lenteurs de notre construction, arrête leur regard et le nôtre au chantier sur lequel nous suons, et nous empêche de voir le fond trop profond sur lequel le chantier prend appui, et le bout trop lointain vers lequel il progresse. Nous y sommes plongés, pourtant. Plongés de naissance, mais aveuglés par notre inachèvement, nous regardons au plus près, au ras du sol, comme un passant dans le brouillard, incapables de ce fait de discerner plus loin le sous bassement du temps qui est lEternité. La résurrection nous fera passer jusquau bout dun système où une dimension nous manquait, et nous révèlera le fond de la structure où plus aucune donnée ne nous fera défaut. Et ce jour-là, nous découvrirons que le temps, le commencement et la fin, nont plus de sens dans cette perspective sans dimensions, où nous nous verrons, de ce fait, éternels, comme Dieu. Il ne serait pas étonnant que ce que je viens de dire soit difficile à avaler parce que je parle dun système dans lequel nous sommes situés mais que nous ne voyons pas car il nous est caché par ce quon appelle la vie dans le temps. Le problème ne vient pas de la distance, car il ny a aucune distance entre le temps et léternité. Le problème vient de la faiblesse de nos yeux. Le brouillard ne supprime pas ce quil cache. A nous dadmettre que nous ne pouvons pas nier cette éternité sous le seul prétexte que nous ne la voyons pas. Enfermés dans le système qui nous a donné la vie, nous pressentons bien, dailleurs, quil dépend lui-même dun autre système et nous attendons de voir ce système absolu dans lequel incube lHistoire. Les nôtres qui sont passés jusquau-delà du brouillard, voient, déjà. Et cest parce quils voient le fond absolu qui les apaise à jamais, et quils nous voient dans un même regard, quils nont pas besoin de revenir vers nous. La résurrection leur a ouvert les yeux, cest tout. Et ils voient quil leur a suffi de vivre ce quils ont vécu, pour être désormais dans le même état que Dieu. Où nous les verrons, lorsque, comme eux, nous ressusciterons. Il suffit, pour linstant, de faire entrer dans nos concepts habituels, cet acte de foi : le contexte où Dieu se tient est le même que le nôtre. Mais pour linstant, nous ne sommes pas assez affinés pour le percevoir jusquà son fond absolu. Il reste que la vie dans le temps nous acclimate à latmosphère qui règne dans le contexte de Dieu qui est léternité. Entre autres conditions de vie, tous les vivants trouveront là une stabilité qui se rira de tous les tremblements de terre et de tous les trébuchements ; une capacité de cohabitation absolue avec les innombrables frères quils y rencontreront et quils reconnaîtront aussitôt ; une intimité époustouflante qui ne sessoufflera pas ; un jour où personne naura plus à sauter hors du lit ; la nuit dansant avec le soleil ; et, plus intime que tout, un Père qui les couvrira de baisers et un Fils qui leur apprendra à sauter dune étoile à lautre Je marrête parce que ce que je suis en train de dire est indicible. Je sais pourtant que ceux que je ne vois plus, eux, le voient. Et que depuis 15 ou 20 milliards dannées, lEvolution a la fièvre rien que de pressentir ce qui lappelle. Il nous aura suffi
de vivre dans le temps, pour que cela nous soit donné à
jamais, parce quil ny a pas autre chose au bout de la vie
de la terre. Et que sil navait pas eu les moyens de nous
proposer cette incroyable vie, Dieu naurait rien fait plutôt
que den profiter tout seul. Pour en arriver là, il suffit
de vivre. Mais évidemment, avant, il fallait quil y ait
ce Dieu-là. Celui de Jésus : Jésus, le Dieu qui
sest fait homme pour nous montrer quil suffit dêtre
homme pour devenir dieu.
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