Retraite 2004. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas La Résurrection. III. Si cest humain, dès que cest fait, cest éternel. Ce nest pas une charade, rassurez-vous, mais lexpression dune vérité de base que nous avons du mal à encadrer dans nos assurances. Si cest
humain. Dailleurs, plutôt que de travail, dont le sens habituel rétrécit la panoplie de nos actions quotidiennes, parlons plutôt de ce dont nous pouvons remplir une journée. Je ne vais pas faire le détail. Chacun dentre nous est mieux placé pour faire sa liste. A condition toutefois quil se souvienne. Or cest bien là le problème : à quoi bon me souvenir des banalités ? Et que de banalités dans ma journée ! Comme si nos actes valaient la peine dêtre étiquetés et exposés dans la Galerie de Dieu. Ceux des saints, peut-être mais les nôtres ? Quand je parle dacte humain, je ne parle pas dun objet rare. Je parle dune chose qui a été faite par un homme, nimporte quel homme. Lexpression« nimporte quel homme » est essentielle. Il sagit dun être humain, sans plus. Pas dun héros, ni dun sportif médaillé, ni dun premier ministre, ni dun pape. Un être humain. Ce quil y a de plus banal. De plus courant. Pour vous mettre à laise, disons « un homme comme nous. » Peu importe ce que cet homme a fait : ce qui importe, cest que ce soit un humain qui a fait ce qui a été fait. Pourquoi donc faire tant de bruit autour de ce que nous faisons dans nos journées ? Parce que ça a du prix aux yeux de Dieu. Parce que quand un homme agit, il met toujours en jeu sa liberté, son intelligence, sa volonté, sa culture. En plus, il y met souvent, presque toujours, toujours peut-être, même à petite dose, de lamour quil cache plus ou moins dans un coin. Donc, si peu que ces valeurs soient concernées, elles entrent toujours en jeu quand un homme vit, et cest bien pourquoi la chose est respectable ; par nous ce nest pas sûr, mais par Dieu, cela est hors de doute. Bien sûr, ce que nous faisons nest pas toujours réussi, et nous ne garderons pas ce que nous avons raté. Mais même si ce nest pas tout à fait ce que nous voulions, cest là, maintenant. Cest là, en effet. Et ça devient quoi ? Pour le savoir, il faut nous souvenir de ce que nous avons dit dans notre précédente rencontre : nous vivons à cheval sur deux systèmes : le système temps et le système éternité. Cest parce que les deux systèmes cohabitent, quun acte, réalisé par un homme dans le temps, est dans léternité dès quil est fait. Pour quun acte puisse devenir éternel, il suffit en effet quun vivant prenne le temps de le construire. Dès que cet acte existe, sa valeur, quelle quelle soit, a un poids définitif qui ne pourra jamais être remis en cause. Aussitôt quil naît, il est fixé dans lexistence et ne prendra donc jamais fin. Il naît dans le temps, mais comme le temps nest que la bordure de lEternité, à linstant même où il prend le temps dexister, il est plongé dans le réceptacle du temps quest léternité et il est donc éternel. Un peu comme il suffit de se hausser si peu que ce soit au-dessus du brouillard pour découvrir aussitôt le ciel que la brume cachait. Le temps de nos durées est un peu comme le brouillard de nos hivers. Comme si, au moment où ses yeux souvrent, le vivant ne pouvait supporter lembrasement dans lequel il émerge : le temps, comme le brouillard, atténue la brillance et recouvre lespace où il va se construire. Mais même sil ne voit pas léclat, le vivant sy trouve plongé. La résurrection achèvera tout bonnement de le faire émerger en pleine clarté. La résurrection : linstant fulgurant où lélan que nous aurons reçu en prenant pied sur le temps, fera reculer et disparaître le temps. Un état où plus rien ne suse parce quon na plus à durer. Où tout se tient à la fois parce quil ny a plus de succession. La résurrection nous mènera jusquau bout dun système où lhabituelle dimension disparaîtra en nous hissant au niveau où il ny a pas de commencement ni de fin, ni de chantier, ni de temps, mais le Père et la tendresse. Sans soir. Dans une perspective sans dimensions quaujourdhui, faute de mieux savoir dire, nous nommons léternité.
Je sais, cette continuité on ne la voit pas. Mais en se faisant homme, Jésus nous a montré que notre terre et son ciel étaient du même monde. Et quil ny avait besoin ni de vol spécial, ni de passeport pour aller de lun à lautre. Et quil ny avait pas de frontière à franchir. Il ny a pas de temps à prendre pour aller de notre temps vers son éternité. Et même, parler de notre temps et de son éternité est incorrect : notre temps est toujours son temps. Son éternité est déjà la nôtre. Quoi que nous en disent nos sensations ou nos mémoires. Ce qui fait, comme le dit le titre de cette instruction, que ce qui pousse dans le temps, du seul fait que cest humain, ça a aussitôt sa tête dans léternité, bien que la tête ne voie rien encore que la terre doù elle sort. Tout ce qui pousse, sincruste aussitôt dans le liant qui couve la terre et soude lunivers. Le liant en question, cest lamour. Lamour de Dieu. La seule force qui vaille la peine de durer plus que le temps et quon appelle, pour cela, de léternel. La solidité qui échappe au temps et qui ne suse pas et na donc pas besoin dêtre renouvelée. Le seul ciment qui ne se fissure pas parce quil est à base de tendresse, et que ce quil enserre est tenu dans des bras qui ne savent quembrasser. Et que ces bras sont ceux du Père. Un Dieu qui nest que Père et qui na face à lui que des enfants avides dêtre enserrés. Ainsi, dès quun geste humain est posé, il est fixé tout aussitôt dans la solidité de ce Dieu-là. De même que lhomme, lacte humain, lui aussi, est à l image de Dieu. Et donc, dès quil existe, il colle avec la beauté de Dieu. Sa structure, si légère soit-elle, entre à linstant en cohérence avec lassiette de Dieu. Son originalité se case naturellement dans le cadre dans lequel Dieu vit. Cela veut dire quun geste, quel quil soit, comme un sourire ou un service, ou une invention, ou le don de la vie, du seul fait quil a été posé, est immédiatement apparenté à Dieu. Si petit quil soit et même si personne ne le voit et même si son auteur ny croit pas, ou bien sil est un trait de génie, du moment que cela existe sur décision dun homme, cela est ajustable et cest donc sur le champ ajusté au divin. Cet acte devient digne de Dieu. Et cest en sa compagnie que Dieu passe son éternité. Parce que nous
sommes à limage de Dieu. Si un être humain est ainsi ajustable à Dieu, cest en effet quil est de même nature que Dieu. Prise au pied de la lettre, cest ce que veut dire lexpression « A limage de Dieu ». Cela nous paraît insensé ? « Ce nest pas pour rire que je vous ai aimés ». Il ne nous raconte pas dhistoires pour nous allécher. Ce quil dit, cest ce qui est. Et ce qui est, est plus grand que ce quil peut en dire parce que cest plus grand que ce que nous pouvons comprendre pour linstant. Cest pour cela quil faut aller le plus profond possible dans notre recherche. Aller le plus loin possible ne veut pas dire répéter à satiété ce qui nous a toujours été dit. Cela veut dire que nous devons nous saisir de tout ce que découvrent les sciences humaines. Nous en saisir et y prendre appui, et, grimpés là sur la pointe des pieds pour mieux voir, laisser faire à notre intelligence et à notre affection pour Dieu et pour nos frères, leur travail de contemplation. Les laisser faire et même les encourager à nous dire ce quelles devinent. Et sur ce quelles voient de loin et nous disent, ne nous poser quune seule question : cela va-t-il avec lamour ? Si oui, cest déjà divin. Parce que cest humain. Toute la logique de la vie repose sur ce « parce que ». Parce que cest humain, cest déjà divin. Il ny a pas dinterstice entre ce que nous sommes et ce quest Dieu. Entre ce que nous créons et ladmiration quil nous porte. Au point où
nous en sommes, nous pouvons déjà dire que la Résurrection
sera la lucidification (pardon pour ce mot disgracieux) de notre regard.
Un regard myope changé en il de lynx. La résurrection
ne modifiera en rien la réalité, mais elle nous mettra
en état de la voir, telle que Dieu la voit. Et telle aussi, redisons-le,
que nos disparus, déjà la voient.
 Vous avez des commentaires à faire ou des questions ? Vous pouvez aller à la rubrique « Ecrire » du menu principal. |