Retraite 2004. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas La Résurrection.
Prenez une poignée de beurre (rance, si possible) et la statuette en terre glaise que vous venez de modeler. Posez les deux en plein soleil, à midi, au mois daoût, ou bien le plus près possible de léquateur. Je reconnais que la dernière indication est, pour nous et ici, assez difficile à réaliser. Mais faisons comme si rien ne posait de problème. Voilà, cest fait. Que se passe-t-il ? Le beurre fond (ce nest pas grave, il était rance) et la statuette cuit. Notez que le soleil na rien fait de particulier pour que ces deux résultats soient obtenus. Il lui a suffi dêtre chaud comme il est toujours. Très chaud, nous sommes à léquateur. Sa chaleur, à la fois détruit et consolide. Ce qui ne vaut pas grand chose disparaît, ce qui est bien modelé est rendu inusable. Je vois que vous suivez. Mais vous vous demandez tout de même où je veux en venir et ce que cette histoire vient faire dans une retraite sur la Résurrection. Peut-être avez-vous deviné. De toutes manières, cette histoire na rien de génial et ce nest pas la peine de vous rendre à Saclay, ou ailleurs, pour y trouver des éléments de solution. Vous avez bien compris que cette instruction se situe, elle aussi, dans le contexte dune retraite sur la Résurrection. Mais le beurre et la statuette Tous deux, dans mon cerveau (!) sont une image de la Résurrection. Une image, en tout cas, de ce qui, actuellement, dans le cosmos, se passe en permanence. Une image, pas très adroite, je lavoue, des préparatifs de la Résurrection. Avant que la Résurrection puisse avoir lieu pour chacun, chacun doit subir, à quelques nuances près, le traitement que décrit lexpérience du beurre et de la statuette. Le décapage. En effet, votre acte, dès quil est fait, est exposé à lamour du Père, puisque cet amour est le climat dans lequel vous vivez. Mais lamour du Père est autrement brûlant que le soleil à léquateur. Et donc, votre malfaçon, inconsistante, fond delle-même sous la chaleur de la tendresse du Père. Le Père na rien à faire pour cela : il lui suffit dêtre là et de briller de tendresse. Il na aucun geste à faire pour décaper - entendez pour pardonner - Il na quà être Lui : il est Lui éternellement. Il na quà être là : il est là éternellement, et tout ce qui se vit est aussitôt glissé dans ses rayons. Donc, dès que votre acte est mis sur pied, ce quil a de maladresse est anéanti. Par lamour. Lanéantissement est même plus expéditif que la fonte du beurre. Ce qui est raté ne tient pas. Pas une seconde. Et notez bien que vous navez pas à en être outré. Cette liquidation, sans que peut-être vous en ayez conscience, vous la désirez. Personne nest fier de ses ratures. Et personne ne fait de manières si leur liquidation est possible. La chaleur de Dieu, quant à elle, ne peut pas sincliner ni disparaître devant léchec, mais léchec, lui, ne demande pas mieux que de disparaître devant lamour. Et donc léchec fond devant la tendresse. Et voilà votre acte tout guilleret et prêt à entrer dans la ronde. Vous me dites : « Que faites-vous de labsolution, alors ? » Je vous réponds : cest elle dont je parle. Mais dune manière un peu moins habituelle que ne le fait le catéchisme. Votre mal est défait. Mais Dieu ne vous a rien dit. Il ne peut pas vous parler pour vous le dire, parce que vos oreilles nont pas les entonnoirs quil faudrait pour capter sa parole. Et pourtant, il grille denvie de vous dire que vous êtes libre. Et vous aussi, vous aimeriez bien le savoir, pour repartir dun autre pied. Alors, pour répondre à son désir de vous annoncer la bonne nouvelle et pour répondre aussi au vôtre, de la savoir, il charge un homme, un frère, qui, lui, peut vous parler et se faire entendre, il le charge de vous le dire, de sa part. Avec laide du frère, vous pourrez même énoncer la limite entre ce qui est bon et ce qui ne vaut rien. On appelle cela lexamen de conscience, parfois aussi la confession ; mais laissez tomber les mots et gardez la chose. Parce quil faut que vous entendiez la bonne nouvelle : vous êtes libéré à jamais de votre échec. Décapé. Bon pour le service, aujourdhui et après. Le frère vous dira, de la part du Père, que votre mal est détruit. Les mots que vous entendrez auront laccent humain, mais ils seront dits par le Père en Personne. Dans son jargon pas toujours très clair, le frère vous dira que vous êtes pardonné. Le Père, lui, pendant ce temps, et pour que vous compreniez mieux, chauffera encore plus sa tendresse, pour vous réconforter. Et vous pourrez repartir, réparer et reprendre votre course. Il fallait passer par là pour que la Résurrection, un jour, puisse vous enrayonner. La divinisation. Donc, quen est-il de la statuette, puisque cest delle, encore, quil sagit ? Ci-dessus, il sagissait du nettoyage des actes que nous avons posés. Mais il faut aller maintenant jusquau bout de la manuvre. Le décapage étant fait, de nos actes il reste ce qui est bon et qui devra tenir aussi longtemps que Dieu. Tel quel, le résultat de ce travail est donc prêt à passer du côté de Dieu. Il ne va pas changer de place pour autant, mais de statut. Jusque là, cest du bien bâti et, en tout cas, du pleinement décapé. Cest prêt pour subir le dernier traitement qui le rendra apte à la Résurrection, lorsquil en sera temps. Soyons clair. Le traitement qui va être administré najoute rien à ce qui lui est soumis. Il ne va pas apporter un complément de régime. Il ne va pas non plus agrandir ni rectifier. Ni achever. Toute rectification et toute progression reviennent au sujet, qui, dans mon image est la statuette en cours de façonnage ; cest le travail proprement dit de construction, dont chacun a la charge et dont chacun fait son propre plan. Le traitement dont je parle, a pour but de stabiliser le point où lon en est rendu. Le traitement une fois appliqué, le niveau atteint ne reviendra jamais en arrière. Le point où nous en sommes est irréversible. Il nest plus soumis au temps ni donc à lusure. La couche posée est solidifiée. La théologie dit quelle est éternisée. Ce qui viendra ensuite, puisquon va continuer à construire, ne la retouchera pas, mais prendra appui sur sa solidité désormais définitive. Aucune lâcheté, aucun orage, ne pourront le moins du monde ébranler ni fissurer le niveau atteint, puisque la tendresse de Dieu vient de lui conférer sa propre inébranlabilité. Cette opération terminée, rien de visible ni de senti napparaîtra, car la forme nen aura pas changé. Elle est seulement devenue inamovible pour ce qui est fait, mais elle reste disponible pour ce qui viendra encore, puisque, ne loublions pas, nous sommes en pleine évolution. Dailleurs, le moment dont nous parlons nest pas un point darrêt. Lopération de divinisation ne se fait pas à dates ni moments précis. Il ny a pas dheure favorable, pas plus dailleurs pour cette consolidation que pour le décapage dont nous parlions tout à lheure. Cest sans cesse que lopération se produit. Elle nest pas momentanée mais constante. Elle ne se produit pas de temps à autres. Elle est permanente. Cest sans cesse que je me construis, cest donc sans cesse que je produis une nouvelle couche dêtre. Mais cest aussi sans cesse que la chaleur de la tendresse brille sur la vie et lenserre. La cuisson (jai honte de cette expression, mais elle va avec limage de la statuette exposée à la chaleur) est constante. Dieu ne se lève pas le matin, comme le soleil, ni ne se couche le soir. Il est sans cesse en train daimer par définition et par fonction et par essence. Sans cesse donc sa tendresse rayonne ; sa chaleur rencontre en permanence ce que la vie produit et lui expose. Et cest donc sans aucun arrêt que le travail de lhomme est fixé. Divinisé. Diviniser une réalité, cest lui communiquer létat même de Dieu. Cest ce processus, lancé bien avant le big-bang, qui se poursuit aujourdhui. Ce processus est un baiser. Le baiser du Père est bras ouverts vers son fils qui se fait. Il embrasse donc et chauffe et stabilise, tout ce que ce fils produit de vivant, au rythme même où le fils le produit. Pour ce faire, pas plus que pour le décapage, le Père na à poser aucun geste. Il lui suffit dêtre Dieu. Tant quil est Dieu, il rayonne, sans rien faire, rien quen étant. Et il est Dieu depuis avant toujours, et plus loin quà jamais. Plus le temps passe, plus la vie samplifie, plus les hommes sont fils, plus les bras du Père ont à enserrer, plus limmesurable samplifie. Mais nos yeux ne voient pas. Et pourtant, il faut bien que lhomme puisse au moins deviner lampleur que la tendresse de Dieu donne à son geste. Pour ce faire, le Fils convie autour de son périscope tous ceux qui le veulent, pour leur montrer lampleur que prend le travail de lhomme et la divinisation qui est en cours. Et cest lEucharistie. LEucharistie. Si les hommes ne voyaient que ce qui est visible de ce quils construisent, ils désespèreraient. Cest pour les associer à sa propre joie que le Fils les invite à venir voir. Mais cest aussi pour apaiser leur angoisse, ou, du moins, leur impatience. Lhomme ne peut voir, dans son quotidien, que le résultat brut de son travail. Brut de décoffrage comme on dit sur nos chantiers. Mais pour qui ne sait pas que le décoffrage nest quune étape dans la construction, et pas la plus enthousiasmante, surtout pour les passants qui ne possèdent pas les plans, un lieu doù lon peut voir le travail se faire, est ouvert à ceux qui veulent venir voir. Un point dobservation qui ouvre une plongée sur le chantier et doù lon peut voir que ce qui est déjà fait, tient bien, et quil ny a donc rien à craindre pour les étages quil faut encore construire. Le Maître duvre, ici, nest pas comme nos architectes. Il na pas fait les plans, pas plus quil ne travaille lui-même à la construction. Il a eu lidée de ce chantier. Il possède la source de lénergie. Il est au milieu des travailleurs. Il console, il sourit, il réchauffe, il écoute, il comprend. Il ne conseille pas, il ne veut pas prendre la place des ouvriers. Il veut que le gigantesque chantier soit leur propriété et que le résultat soit leur uvre. Mais il ne peut pas sabsenter, car la tension tomberait. Son seul travail, en plus de lénergie qui sort de lui et quil donne abondante, consiste à stabiliser leur travail au fur et à mesure quil progresse. A le fixer. Fixer ne veut pas dire figer. Pour lui, cela veut dire communiquer à luvre en cours la solidité absolue dont lui seul a, pour linstant, le secret. Il ne peut pas le leur livrer encore : cela les dépasserait. Le secret est trop vaste pour aujourdhui. Leur vocation est justement détendre leur surface dêtre, aux mêmes dimensions que la sienne. Cest pour cela quil a eu lidée de ce chantier. Quant il sera achevé - mais quest-ce que cela veut dire dans son temps à lui, qui est léternité alors, ils seront en mesure darpenter comme lui, linfini. Linfini qui est déjà leur patrie. Mais ils ne la voient pas. Donc, sur leur chantier, au fur et à mesure quil progresse, le Christ, qui est le Fils de lInvisible, infiltre sa propre consistance dans ce quils édifient, pour que le chantier ne saffaisse pas, et quil parvienne à être habitable par son Père et par eux. Mais comme ce geste dinfiltration est invisible à lil nu, parce quil le pose en tant que Dieu, il sest fait aussi lun des leurs. Du coup, il est visible. Et ceux qui veulent bien venir à son invitation voient son geste, et devinent au travers, une dimension qui les dépasse mais qui leur fait pressentir ce que lui voit déjà, et qui est la réussite stupéfiante de leur travail. Actuellement ceux qui répondent à son invitation sappellent des chrétiens. Mais nimporte qui peut venir, et il faudrait quils viennent bien nombreux. Plus ils seraient, mieux ils verraient. Pourtant, même sils sont trop peu nombreux, ce quils voient se propage, maladroitement, sans doute, lentement, mais progresse tout de même assez pour que sur le chantier on ne se décourage pas. Cette rencontre, où tous les invités peuvent se pencher au-dessus des barricades, les chrétiens lappellent lEucharistie. Cest vrai, ils ne voient pas le travail déternisation ; ils ne voient quun homme, un prêtre, comme ils disent, un homme qui visibilise les gestes du Christ et qui sonorise ses paroles. Il tient du pain et il dit : « Ceci est mon corps ». Sans en avoir lair, ces paroles qui semblent simplistes et dénuées de raison, sont renversantes. Elles vous disent que ce que vous bâtissez en suant ou, parfois, en dansant, est solide comme le corps de celui au nom duquel ce prêtre parle et qui est le Fils de Dieu. Mots nouveaux
pour des réalités anciennes comme le monde. Le mot « Pénitence », vous laurez deviné, ne convient pas à faire le tour de ce quil voudrait signifier. Donc, on le change, pour être plus près de ce que les chercheurs de Dieu et de lhumain, pressentent de plus en plus clairement. Il ne sagit pas de pénitence, mais de fête. Je me fais libérer et je me barderais de punitions ? Cest bien le lieu ! Regardez la fête que le Père organise pour le fils qui lui revient. Pour une pénitence, cest raté ! Bien sûr, si on pense quil faudra réparer les dégâts et les avaries, alors, daccord : ça naura pas obligatoirement les caractères dune fête. Mais ça aura, du moins, les avantages dune libération ; et dune justice rendue à celui que javais pu blesser. Mais, de grâce, ne nous trompons pas : il sagit de joie. Et de danse. Sortir du confessionnal en dansant, cela ne se serait pas fait. Mais se trouver dans les bras de Dieu, ça nempêche pas de danser. Le tout est de savoir où nous sommes et ce qui se fait. Ce sacrement, cest-à-dire ce geste dun homme destiné à nous faire deviner un geste de Dieu, nous débarrasse de nos écailles ratées, et nous pleurerions ! Il nous chuchote que nous sommes dans les bras du Père, et nous ferions des grimaces ! Soyons logiques, nous ne venons que pour être libérés. Rendus libres. Et décapés : astiqués à fond. Chauds des bras du Père. Alors, dansons. Lautre, le mot « Eucharistie », lui, parle mieux. Il parle de rendre grâces, sans baisser le nez. Ici, si on ne veut pas danser, parce que ça suffit, on pourrait au moins applaudir. A tout rompre. Pensez donc : ce dont nous serions fiers si nous le voyions comme le Père le voit, cest de nous ! Ca tiendra et ça naura pas de fin. Pas de ressemelage en vue. Du matériau qui nest fait que pour la fête. Qui ne sera tout à fait à laise que dans le confort de Dieu, qui ne respirera à fond que sous les lambris de lEternité, dans la farandole des frères, venant, tout comme nous, de la « grande épreuve ». Rendre grâces, certes. Au Père, dabord, qui a eu lidée de partager sa vie. A Jésus qui a voulu venir nous dire que la tendresse qui lenivre depuis bien avant le Big-Bang, nous était destinée, la même, avec la même douceur et la même violence. Et qui savait quen acceptant de venir nous dire cette Bonne Nouvelle, nous le recevrions mal et le mettrions sur la croix. Et qui est venu quand même. Quand la joie dannoncer la joie vous tient, et quand vous aimez celui qui va la recevoir de votre bouche, vous nhésitez pas. Surtout si vous êtes Dieu. Et Jésus est venu et il nous demande de nous rassembler pour voir, sur la pointe des pieds, ce quil fait de ce que nous faisons. Alors, devinant le travail quil opère sur notre propre construction, nous rendons grâces. Cest cela la Messe. Et nous repartons confortés. Cest dit
autrement que dhabitude, mais cest cela : les deux traitements
que doit subir la vie des prétendants à léternité
que nous sommes tous. Quant à louverture de la danse et
à lentrée effective dans la danse, ce sera la Résurrection.
Décapés pour être légers, consolidés
pour que la farandole ne nous disloque pas, nous sommes chaque jour
plus prêts à voir Dieu. Un jour, cela nous servira. Ce
jour-là, le Christ nous prendra la main et nous aidera à
jaillir dans sa Lumière où le Père nous a préparé
une place numérotée. Ce jour sera celui de notre Résurrection.
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