Retraite 2004. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas La Résurrection.
V. La Résurrection. En guise dintroduction Résurrection, donc. Au sens étymologique : seconde surrection. Second surgissement, si vous préférez. Le premier, le jour où nous aurons surgi sur le chantier. Nous ne venions de nulle part. Nous nétions pas. Notre Source, cest la tendresse du Père qui nous veut et nous aime déjà alors que nous ne sommes même pas encore un premier amoncellement de cellules. Nous surgissons ainsi dans cet état, sur le chantier. En fait, nous ne sommes même pas encore « nous », ni « je ». Mais il y a nos parents, et le Père qui veille et qui sourit. Et nos parents saiment, et nous voilà. Un rien qui surgit sur le chantier de la terre. Nous allons devoir donner corps à cet infini de possibilités que leur amour tirera deux et quils nous donneront sous la forme de nos gênes. Mais nous nous construirons dans notre corps. Notre corps est, si jose dire, la clôture provisoire que notre esprit aura aménagée. Un peu comme si aux bords de notre être en pleine évolution, notre esprit sétait durci en matière, pour assurer notre étanchéité aussi longtemps que nous ne serions pas achevés. Cest-à-dire jusquau moment où le phénomène de la Résurrection nous rendra totalement éternels. La mort ? La mort, fin de la vie, séparation davec nos parents, nos enfants et nos amis ; éloignement de leur lieu de vie ; impossibilité de continuer les relations damour ou de proximité que nous avions nouées avec eux pendant des années ; eux restant dans la vie, nous, nous enfonçant dans des ténèbres pour y attendre, dans une sorte de semi-conscience la fin du monde, à loccasion de laquelle nous retrouverons notre âme et, du coup, notre conscience, pour être jugés par Dieu, et, si nous ne sommes pas classés bons pour lenfer, reçus dans le Ciel : cette vision, que défend une théologie, moins classique aujourdhui, mais encore officielle, nest pas la seule, ni la plus sûre, ni de la mort, ni de la Résurrection. La Sagesse de
Dieu plus forte que la nôtre. Donc, nous croyons que Jésus na pas pu venir chez nous, pour nous dire des banalités. On nentreprend pas à la légère un déplacement de ce genre en sachant davance quon le payera de la mort. Il na pu venir à ce prix que parce que la nouvelle quil portait en valait la peine. Jai donc pris le parti de croire à la folie de lamour du Christ, et du Père et de lEsprit. Mais jai dû en tirer les conclusions qui vont suivre. Vous êtes libres de ne pas les partager. Mais avant de les refuser, pensez que si jai tant parlé de la tendresse du Père, et si je vais tant en parler encore, ce nest pas que je laie inventé. Cest Jésus qui nous la dite et qui est mort pour signer sa parole. Pensez à cela. Et voyez. Je vous donne rendez-vous au jour de votre propre résurrection. Je ne sais pas si jaurai eu raison. Mais je crois que celui qui aura cru le plus fort à lamour du Père et qui aura tiré de cette certitude les conclusions les plus logiques, je crois que celui-là aura eu raison. La logique de lamour de Dieu ! Bien sûr, qui est capable de tirer des conclusions à la hauteur dune telle passion ? Pas moi, évidemment. Mais ce dont je suis capable, je veux le faire. Comme un pauvre que je suis, je veux croire, autant que je le peux, que lamour en Dieu, est fou. Fou à nos yeux. Sagesse à ses yeux de Dieu. Comme il serait dommage que nos conclusions soient fausses ! En tout cas, dites-vous que si ce que je vais vous dire nest pas vrai, ce ne sera faux que pour navoir pas été assez fou. La Sagesse de Dieu, folie pour les hommes, a dit st. Paul. En revanche, si la vérité de Dieu va à lencontre de lespérance qui nous a menés pendant cette retraite, alors, « nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. » (1 Cor. 15, 19) Le passage. La mort nest pas la fin de la vie. Cest la fin du temps de rodage pendant lequel nous devions nous construire. Lêtre dont nous sommes le sujet, a travaillé à se bâtir. Il a pris son temps. Pendant ce temps, son travail a été constamment décapé par la chaleur de la tendresse du Père et tout aussitôt consolidé, nous venons de le dire, par la même douceur. Au fur et à mesure que le chantier a avancé, nous avons pris conscience de ce que nous étions, nous avons multiplié les relations et nous avons vu naître lamour. Nos liens nous ont à la fois tissés en nous-mêmes et attachés aux frères qui partageaient notre vie. Et voici que la construction sachève et que la vie ne va plus être un chantier. Nous allons faire le passage, comme dit la théologie. Pas le passage de la mort à la vie, mais de la vie à la Vie. Nous nallons pas changer de place. Nous navons plus quà fermer des yeux trop courts désormais, et nous préparer à voir ce que Dieu voit et à voir Dieu, de face ! Sans avoir à changer de lieu. Un peu, comme tout à lheure je ne changeais pas de ville quand le brouillard se levait. Je suis dans la même ville, mais maintenant, je la vois. Ceux que jaime, eux, ne me voient plus. Ils disent que je suis mort. Ils en concluent que je suis parti. Je ne suis pas parti, mais comme tout en restant là, je suis devant Dieu, je suis soudain devenu éblouissant comme Dieu, que je reflète. Dieu, donc, déteint sur moi. Je deviens brillant comme lui. Insupportablement lumineux. De ce fait, mes frères qui sont là, autour de mon lit, tout éblouis ne me voient plus. Leurs yeux restent attachés désespérément et faute de mieux, à mon cadavre parce quils ne peuvent plus me voir en réalité et que mon cadavre reste, pour linstant, le seul point de visibilité qui ne les dépayse pas. Je ne suis pas parti, jai seulement disparu à leurs yeux. Mais si jai disparu à leurs yeux, cest parce que, comme lorsquils regardent le soleil, leurs yeux se sont automatiquement fermés devant linsupportable luminosité dont la proximité de Dieu minonde. Ils ne me voient plus, et ils concluent que je suis parti. Alors que je suis là, plus proche quavant, leur parlant, les caressant comme jamais, les enveloppant de sourire, libre enfin de les aimer, ne voyant plus deux que leur beauté, parce que mes yeux, désormais sur la même longueur donde que ceux de Dieu, ne peuvent plus voir que la part de beauté quils ont déjà construite. Je fais ce que je peux pour les rassurer, mais ma voix nayant plus les mêmes sons quavant, ils ont du mal à la déchiffrer et concluent quils nentendent rien. Et que donc, je ne suis plus là. Et pourtant, sils peuvent quand même continuer à vivre, cest bien parce que je suis toujours là et que jy resterai, près deux comme avant. Et plus encore. Cest parce que rien nest rompu entre nous quils respireront encore. Car la terre où ils sont encore est dans le Ciel où je suis déjà. La Résurrection. Sans doute ne verrai-je pas le Père tout de suite. Non pas parce quil craindrait de méblouir, ni parce quil voudrait se faire désirer, mais par délicatesse. Il préfèrera, jimagine, que je sois accueilli dabord par ceux avec lesquels jaurai passé ma vie sur la terre et dont jai conservé, profonde en moi, la couleur des yeux. Au-delà des épaules de ceux qui pleurent autour de mon lit, les premiers visages que je distingue dans cette fête organisée pour moi par le Père, sont, sans doute, ceux que jaurai le plus aimés, quand moi aussi jétais sur le chantier. Mes parents mes amis les plus chers : baisers, joie. En cortège avec eux, je mavancerai en direction du « Sommet de la tendresse » à laquelle jaurai tellement cru. Chemin faisant, je serai accueilli et applaudi par tous les Saints ; je saluerai Notre Dame ; je verrai le Christ, Celui qui sest fait homme pour pouvoir mieux, au prix de sa mort, me dire la tendresse du Père, à laquelle jaurai tant cru. Et puis je verrai le Père. « Il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. » Il courra se jeter à mon cou et me couvrira de baisers. A ce moment, ses baisers ne me cacheront pas vos larmes, vous, les miens ou mes amis, qui serez encore autour de mon lit. Mais vous verrez : vos larmes auront comme une douceur que vous ne vous expliquerez pas. Elles seront imprégnées de ce que je verrai, alors ; la tendresse du baiser du Père se glissera, par dessus moi, et à travers votre peine, jusque vers vous. Et moi, je me laisserai embrasser sans mesure, par Lui. Ce ne sera pas nouveau, puisque toute ma vie, il aura passé son temps à cela. Mais, là, je verrai. Visage contre visage. Mes bras lenserreront, sans que je rougisse. Le Ciel dansera. Et je vous entraînerai autant que vous le pourrez, et vous reprendrez votre chantier. Courageux. Jusquà ce que vous aussi vous ressuscitiez. Quand donc nous serons parvenus au terme, nous surgirons une seconde fois, mais cette fois, hors du chantier et de la forme de notre corps, pour sauter dans les bras du Père. La Résurrection. De bras en bras, de bras dhomme et de femme, au travers de bras daimés et damis, dans les bras de Dieu. Le second surgissement. Le dernier. La Résurrection. La dilatation de lexistence. Plus que de lamour. Plus que linfinie compréhension de chacun pour chacun, ladmiration, limbrication, du genre de celle qui nous liait, sur terre, aux meilleurs moments de nos échanges, mais sans lombre du moindre doute, labandon débridé à la confiance, la disponibilité sans reprise à chacun, la confiance, non pas aveugle, mais ouvertement donnée avec la certitude quil ny aura jamais de reprise, la liberté dans tous les sens et aucun sens interdit, plus de limites, plus dhorizon, tout visible pour nos yeux achevés, avec aussi le souvenir actualisé des joies du temps du chantier, et au détour de toutes les allées, un frère qui me sourit, et puis le Père, plus fréquent et plus présent et pourtant me laissant plus libre que je ne puis aujourdhui rêver. Le Père. Oubliez ces phrases,
balourdes à force davoir voulu dire ce qui ne pouvait pas
être dit. Et retenez seulement le Père. Et les frères,
avec leur joie.
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