Retraite 2004. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
06 03 04 22 88
 
         

La Résurrection.

 

Introduction. Une seule vie.

Parler de résurrection est assez habituel pour un chrétien. Même si on ne voit pas toujours bien précisément de quoi on parle, on sait que la mort sera suivie, à plus ou moins longue échéance, d’une résurrection. La question semble ne pas nous toucher de près : ce n’est pas pour l’immédiat. Il y a d’abord la mort et cela nous soucie davantage. Et puis, dit le « bon sens », personne n’est jamais revenu pour nous en parler. Les esprits forts, ou plaisants, disent que si personne en effet n’est jamais revenu, c’est que chacun est bien là-bas. Affirmation tranquille dont l’effet est de faire rire, mais sans donner de précision sur un sujet qui pourtant nous concerne, même s’il n’urge pas.

Personne n’est revenu ? Et si cette affirmation officiellement amusante était intelligente, sans le savoir ? Et si, en effet personne ne pouvait revenir, tout simplement parce que personne n’est jamais parti ? Vous allez dire qu’il n’est pas honnête de jouer ainsi avec les mots, sur un sujet aussi douloureux. Et si je ne jouais pas ? Et si la pensée courante d’une mort-départ, que l’habitude a imposée aux hommes, et aussi, hélas, aux chrétiens, si cette pensée était fausse ? Si la mort n’était pas un départ ? Je sais, tout nous dit le contraire. Et d’ailleurs « Dieu ne nous a-t-il pas repris celui que nous aimions », comme disent les faire-part les plus au point ?

Et si nous ne mourrions pas ? Ou, pour être plus clair, si la mort non plus n’était pas ce que notre expérience croit pouvoir nous en dire ? Et si ce que nous sommes en train de construire, avec parfois tant de peine, ou de joie, n’était pas du tout menacé de destruction ? Si tout cela était d’assez bonne qualité pour être capable de résister à l’usure et à la mort ? Et s’il n’était pas nécessaire de détruire le plus gros morceau de l’être que nous bâtissons, pour la bonne raison que l’essentiel de notre travail est par nature réussi , quoiqu’on ait pu en dire ? Et si Dieu ne nous avait créés que parce qu’il savait d’avance que, malgré le mal, tous nous réussirions ?

Et si le soleil et la lune ne se tombaient pas l’un sur l’autre sauvagement pour tout embraser, comme le suggèrent pas mal de textes de l’Ancien Testament, mais si, libérés de leurs rondes contraintes, ils pouvaient enfin se déplacer follement pour participer à notre propre triomphe ? Et si la résurrection ne devait pas attendre la fin du monde ? Et si elle était pour chaque vivant la fin immédiate du provisoire ? Et si elle était le tout premier moment où nous nous tiendrons enfin droits sur nos pieds ?

Et si nous n’étions pas obligés de quitter la terre ? Et si nous n’étions pas du tout dépaysés ? Et si l’Eternité ressemblait à nos plus beaux paysages ? Et si nous étions enfin libres ? Libres d’aller ailleurs sans consommation d’énergie, d’aller où bon nous semble ? Et si les premiers à nous accueillir étaient ceux que nous avons le plus chéris sur terre ? Et si la chaleur de leur tendresse y avait le même goût qu’aux meilleures de nos soirées d’ici, avec simplement en plus, l’évidence que nos soirées d’alors ne finiraient jamais et qu’on ne se lasserait pas de recommencer et que ce serait toujours du neuf ? Et si Dieu n’était pas sur son trône mais sur le pas de sa porte pour nous accueillir ? Et si son visage n’était pas sévère ? Et s’il était attendri et fier et fou de joie de nous ouvrir sa maison en nous disant qu’elle est la nôtre et que nous lui manquions ?

Nous aurons à revenir sur ces questions, dans le courant de la retraite. Mais il nous faudra accepter de revoir nos habitudes, non pas pour démolir nos appuis courants, mais pour les écarter afin de voir si au-dessous d’eux il n’y a pas plus fin et plus intelligent encore ? Avant de nous lancer dans cette retraite, je veux vous dire que si elle fonctionne bien, c’est notre espérance, la première, qui ressuscitera. En attendant que notre être tout entier fasse cette expérience, à la suite de tous ceux qui ont « disparu » à nos yeux et qui ce jour-là, nous ré -apparaîtront.

L’essentiel de mon enseignement tournera autour de cette unique idée : il n’y a pas d’un côté une vie provisoire et d’un autre une vie éternelle. Il n’y a qu’une seule vie, celle de Dieu. Or la vie de Dieu est éternelle et il nous donne sa propre vie. Il ne s’est pas mis en peine de nous fabriquer un autre type d’existence que le sien. C’est une théologie craintive qui, impressionnée par notre misère a mis cette idée sur le marché, d’une vie réduite en intensité, ramenée à des proportions supportables par les infirmes que nous sommes, spoliée de sa grandeur en raison de notre petitesse. Capable, tout de même, de parvenir un jour au degré même de la Vie de Dieu mais à la condition toutefois que Jésus nous rachète. Donc deux vies : celle de Dieu, immense ; et la nôtre, belle mais toute petite ; une vie rétrécie, économe et de rodage, pour tout dire.

Ou pour ne rien dire, en fait. Car la meilleure manière de nous préparer à la vie c’est de nous permettre de la vivre telle qu’elle est. Ainsi, un pianiste se prépare à son métier en jouant sur un piano, Pleyel ou autre, mais non pas sur le clavier que l’on achète pour distraire le petit frère. De même, se préparer à la Vie de Dieu suppose qu’on vive la Vie de Dieu, non pas un ersatz expurgé de toute grandeur sous prétexte de risque de vertige. C’est d’ailleurs avoir une bien petite idée de la vie de l’homme que de la considérer comme un sous produit de la Vie éternelle. Sous produit ? Quand on voit avec quelle aisance naturelle, le Fils de Dieu s’y est installé, on peut plutôt dire qu’il nous a laissé l’impression de s’être trouvé chez lui, chez nous. Et sans doute est-ce bien là la vérité. Dieu ne nous a jamais dit qu’il avait dû revoir à la baisse la qualité de sa joie ou de sa beauté, pour que nous nous y sentions plus à l’aise. Que la nature et son évolution aient dû mettre des gants pour brasser les éléments qui leur venaient directement de Dieu, et qu’elles aient dû, aussi, multiplier les durées et diversifier les cheminements, il n’y a pas de doute. Mais encore une fois, le clavier d’un Pleyel reste toujours celui d’un Pleyel, même si le débutant le traverse de bas en haut six fois plus lentement que le virtuose ; et même s’il exécute une fugue de Bach avec plus de fausses notes qu’il n’y faudrait, c’est bien toujours du Bach. Ce n’est pas avec du simili que l’on se prépare au luxe. La vie que vous et moi, nous vivons c’est la Vie. On a beau mettre un petit v, ou un grand V, c’est toujours un V. Il n’y a qu’une vie, celle de Dieu. Et c’est en la vivant que l’homme se prépare à La vivre.

Toute cette retraite, à sa manière, va se passer à dire, sur plusieurs registres, qu’il n’y a, en effet, qu’une seule vie. Que la vie de l’homme sur la terre est donc la vie même de Dieu. Simplement, la première ne se vit pas au même rythme que l’Autre ; et les sentiments, tout autant que les sensations ne vibrent pas au même tempo. Même si un brouillard nous empêche de voir les paysages du pays de Dieu qui est aussi le nôtre, le Paysage est le même, mais nos yeux sont encore embrouillés. Notre noblesse, justement, sera de les éclaircir pour les habituer à la clarté de Dieu dans laquelle ils sont déjà, mais qu’ils ne découvrent qu’avec prudence. Dieu n’a pas craint de nous griller en nous plaçant tout de go dans son voisinage. Il savait bien que son voisinage n’est, comme Lui, que tendresse et qu’en cherchant bien on y trouve la douceur ; même si nos yeux, tout de même souvent éblouis, peuvent mal choisir leurs cibles, et cogner au lieu d’embrasser.

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