Retraite 2004. organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas La Résurrection.
Introduction. Une seule vie. Parler de résurrection est assez habituel pour un chrétien. Même si on ne voit pas toujours bien précisément de quoi on parle, on sait que la mort sera suivie, à plus ou moins longue échéance, dune résurrection. La question semble ne pas nous toucher de près : ce nest pas pour limmédiat. Il y a dabord la mort et cela nous soucie davantage. Et puis, dit le « bon sens », personne nest jamais revenu pour nous en parler. Les esprits forts, ou plaisants, disent que si personne en effet nest jamais revenu, cest que chacun est bien là-bas. Affirmation tranquille dont leffet est de faire rire, mais sans donner de précision sur un sujet qui pourtant nous concerne, même sil nurge pas. Personne nest revenu ? Et si cette affirmation officiellement amusante était intelligente, sans le savoir ? Et si, en effet personne ne pouvait revenir, tout simplement parce que personne nest jamais parti ? Vous allez dire quil nest pas honnête de jouer ainsi avec les mots, sur un sujet aussi douloureux. Et si je ne jouais pas ? Et si la pensée courante dune mort-départ, que lhabitude a imposée aux hommes, et aussi, hélas, aux chrétiens, si cette pensée était fausse ? Si la mort nétait pas un départ ? Je sais, tout nous dit le contraire. Et dailleurs « Dieu ne nous a-t-il pas repris celui que nous aimions », comme disent les faire-part les plus au point ? Et si nous ne mourrions pas ? Ou, pour être plus clair, si la mort non plus nétait pas ce que notre expérience croit pouvoir nous en dire ? Et si ce que nous sommes en train de construire, avec parfois tant de peine, ou de joie, nétait pas du tout menacé de destruction ? Si tout cela était dassez bonne qualité pour être capable de résister à lusure et à la mort ? Et sil nétait pas nécessaire de détruire le plus gros morceau de lêtre que nous bâtissons, pour la bonne raison que lessentiel de notre travail est par nature réussi , quoiquon ait pu en dire ? Et si Dieu ne nous avait créés que parce quil savait davance que, malgré le mal, tous nous réussirions ? Et si le soleil et la lune ne se tombaient pas lun sur lautre sauvagement pour tout embraser, comme le suggèrent pas mal de textes de lAncien Testament, mais si, libérés de leurs rondes contraintes, ils pouvaient enfin se déplacer follement pour participer à notre propre triomphe ? Et si la résurrection ne devait pas attendre la fin du monde ? Et si elle était pour chaque vivant la fin immédiate du provisoire ? Et si elle était le tout premier moment où nous nous tiendrons enfin droits sur nos pieds ? Et si nous nétions pas obligés de quitter la terre ? Et si nous nétions pas du tout dépaysés ? Et si lEternité ressemblait à nos plus beaux paysages ? Et si nous étions enfin libres ? Libres daller ailleurs sans consommation dénergie, daller où bon nous semble ? Et si les premiers à nous accueillir étaient ceux que nous avons le plus chéris sur terre ? Et si la chaleur de leur tendresse y avait le même goût quaux meilleures de nos soirées dici, avec simplement en plus, lévidence que nos soirées dalors ne finiraient jamais et quon ne se lasserait pas de recommencer et que ce serait toujours du neuf ? Et si Dieu nétait pas sur son trône mais sur le pas de sa porte pour nous accueillir ? Et si son visage nétait pas sévère ? Et sil était attendri et fier et fou de joie de nous ouvrir sa maison en nous disant quelle est la nôtre et que nous lui manquions ? Nous aurons à revenir sur ces questions, dans le courant de la retraite. Mais il nous faudra accepter de revoir nos habitudes, non pas pour démolir nos appuis courants, mais pour les écarter afin de voir si au-dessous deux il ny a pas plus fin et plus intelligent encore ? Avant de nous lancer dans cette retraite, je veux vous dire que si elle fonctionne bien, cest notre espérance, la première, qui ressuscitera. En attendant que notre être tout entier fasse cette expérience, à la suite de tous ceux qui ont « disparu » à nos yeux et qui ce jour-là, nous ré -apparaîtront. Lessentiel de mon enseignement tournera autour de cette unique idée : il ny a pas dun côté une vie provisoire et dun autre une vie éternelle. Il ny a quune seule vie, celle de Dieu. Or la vie de Dieu est éternelle et il nous donne sa propre vie. Il ne sest pas mis en peine de nous fabriquer un autre type dexistence que le sien. Cest une théologie craintive qui, impressionnée par notre misère a mis cette idée sur le marché, dune vie réduite en intensité, ramenée à des proportions supportables par les infirmes que nous sommes, spoliée de sa grandeur en raison de notre petitesse. Capable, tout de même, de parvenir un jour au degré même de la Vie de Dieu mais à la condition toutefois que Jésus nous rachète. Donc deux vies : celle de Dieu, immense ; et la nôtre, belle mais toute petite ; une vie rétrécie, économe et de rodage, pour tout dire. Ou pour ne rien dire, en fait. Car la meilleure manière de nous préparer à la vie cest de nous permettre de la vivre telle quelle est. Ainsi, un pianiste se prépare à son métier en jouant sur un piano, Pleyel ou autre, mais non pas sur le clavier que lon achète pour distraire le petit frère. De même, se préparer à la Vie de Dieu suppose quon vive la Vie de Dieu, non pas un ersatz expurgé de toute grandeur sous prétexte de risque de vertige. Cest dailleurs avoir une bien petite idée de la vie de lhomme que de la considérer comme un sous produit de la Vie éternelle. Sous produit ? Quand on voit avec quelle aisance naturelle, le Fils de Dieu sy est installé, on peut plutôt dire quil nous a laissé limpression de sêtre trouvé chez lui, chez nous. Et sans doute est-ce bien là la vérité. Dieu ne nous a jamais dit quil avait dû revoir à la baisse la qualité de sa joie ou de sa beauté, pour que nous nous y sentions plus à laise. Que la nature et son évolution aient dû mettre des gants pour brasser les éléments qui leur venaient directement de Dieu, et quelles aient dû, aussi, multiplier les durées et diversifier les cheminements, il ny a pas de doute. Mais encore une fois, le clavier dun Pleyel reste toujours celui dun Pleyel, même si le débutant le traverse de bas en haut six fois plus lentement que le virtuose ; et même sil exécute une fugue de Bach avec plus de fausses notes quil ny faudrait, cest bien toujours du Bach. Ce nest pas avec du simili que lon se prépare au luxe. La vie que vous et moi, nous vivons cest la Vie. On a beau mettre un petit v, ou un grand V, cest toujours un V. Il ny a quune vie, celle de Dieu. Et cest en la vivant que lhomme se prépare à La vivre. Toute cette retraite,
à sa manière, va se passer à dire, sur plusieurs
registres, quil ny a, en effet, quune seule vie. Que
la vie de lhomme sur la terre est donc la vie même de Dieu.
Simplement, la première ne se vit pas au même rythme que
lAutre ; et les sentiments, tout autant que les sensations ne
vibrent pas au même tempo. Même si un brouillard nous empêche
de voir les paysages du pays de Dieu qui est aussi le nôtre, le
Paysage est le même, mais nos yeux sont encore embrouillés.
Notre noblesse, justement, sera de les éclaircir pour les habituer
à la clarté de Dieu dans laquelle ils sont déjà,
mais quils ne découvrent quavec prudence. Dieu na
pas craint de nous griller en nous plaçant tout de go dans son
voisinage. Il savait bien que son voisinage nest, comme Lui, que
tendresse et quen cherchant bien on y trouve la douceur ; même
si nos yeux, tout de même souvent éblouis, peuvent mal
choisir leurs cibles, et cogner au lieu dembrasser.  Vous avez des commentaires à faire ou des questions ? Vous pouvez aller à la rubrique « Ecrire » du menu principal. |