Retraite 2005 organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
06 03 04 22 88    
                                         

Le Christ.

VII. « LE CHRIST EST MORT POUR NOUS. »

Une interprétation erronée.
Nous connaissons tous cette phrase, citée dans le titre, lourde de sens. La théologie voit en elle, assez habituellement, le rappel de la mort qui nous sauve du péché. C’est le mystère de la rédemption. Le péché de nos premiers parents a provoqué leur déboussolement, mais aussi celui de tous leurs descendants et en plus, le dérangement des lois de la nature. (Ce dernier point n’est plus, aujourd’hui, que rarement rappelé.) Il a provoqué aussi la colère de Dieu.

La non obéissance de l’homme devait donc être réparée par une obéissance, dont l’ampleur effacerait, dans le cœur de Dieu, la blessure que la révolte des hommes y avait laissée. Désormais, donc, quand les hommes décident de s’approcher de Dieu, ils se couvrent de la mort de Jésus : « Si nous, nous t’avons désobéi, ton Fils, du moins, t’a été fidèle. C’est pourquoi, nous nous glissons dans son amour et, protégés par le sacrifice qu’il a fait de sa vie, nous nous avançons vers toi. Sa fidélité couvre notre infidélité et, au vu de son sacrifice, nous savons que tu t’apaises et que tu nous donnes le pardon. »

Cette prière n’est guère utilisée par les Chrétiens, aujourd’hui. Mais elle traduit en clair ce que la théologie de la Rédemption sous entend. Nous sommes pécheurs dès l’origine et nous ne parvenons pas à ne pas pécher. Dieu sait que notre faiblesse est congénitale. Mais il voit l’amour de son Fils, et cet amour est tellement fort qu’il occupe, si j’ose dire tout son champ visuel, et que, tout occupé à se réjouir de la tendresse du Christ, Dieu ferme les yeux sur nos vilenies.

Nous sommes donc sauvés, dit cette théologie, par la mort du Christ. D’autant plus, tout de même, mais cette théologie le dit moins, que, prenant des forces dans la certitude de l’amour fou que le Christ nous a manifesté, nous parvenons, souvent, nous-mêmes, à lutter contre ce qui en nous a provoqué sa mort. Et ainsi, grâce à sa mort, nous péchons moins.

L’ interprétation par l’amour.
Cette théologie de la Rédemption n’est pas la seule explication de la mort du Christ. Un autre aspect de la théologie chrétienne parle de la croix d’une tout autre manière. Et c’est cette vision que la théologie suivie ici, partage et enseigne. Je puis bien vous dire que c’est de cette théologie que je vis. La voici.

Le Père aime la création. De tout temps, mais plus encore depuis qu’elle a réussi à lui donner l’homme. Songez donc : l’homme est la plus belle image de Dieu, le miroir de son visage. Ce qui veut dire qu’il n’en finit pas de nous regarder, parce qu’il voit en nous, avant tout, que nous sommes capables de nous tenir debout devant lui, de lui parler, de nous laisser aimer par lui et même, de nous mettre à l’aimer. Nous sommes, dans l’ensemble de la création, les seuls êtres à qui Il puisse s’adresser, les seuls qui soient en état de percevoir son amour et de le lui rendre. Les seuls avec lesquels il puisse lier une relation d’intimité. Les seuls qui sachent lui dire « Père ». Et le Père fond de joie de s’entendre appeler Père par des vivants qui, alors que jadis encore, ils n’existaient pas, sont devenus capables de le connaître et de se savoir ses enfants. Bien sûr, ils savent aussi se tromper ; ils font du mal. Mais quand ils font du mal, lui, le Père, ne s’étonne pas : ils sont tellement neufs dans la vie … Il faut qu’ils se rodent.

Ce qui le fait le plus souffrir, avant la venue du Christ, c’est que ses enfants qui le cherchent, aient tant de mal à le trouver, à se faire de Lui une image juste. Ce qui le blesse c’est que les hommes puissent le croire en colère ou sévère et impatient et qu’ils aient tant de difficulté à se croire aimés. Alors, en accord avec son Esprit et son Fils, il décide de permettre à son Fils de se faire homme, pour que les hommes puissent bien le voir et clairement l’entendre. Et pour que lui, le Fils, puisse leur dire, enfin et d’une manière définitive, qui est leur Père et qu’il n’est que cela. Qu’il passe son temps de Dieu à vivre tout près d’eux, invisible parce qu’il les éblouirait, mais plus intime à chacun d’eux, qu’eux-mêmes. Et comme il n’y a pas autour de lui de meilleur messager que le fils de sa tendresse, c’est à lui qui se nommera Jésus, qu’est confiée la charge de venir annoncer la Bonne Nouvelle. Laquelle d’ailleurs, se résume en peu de mots : « Vous êtes tous mes fils bien-aimés. » Et pour préparer son « atterrissage », il choisit un peuple qu’avec le soutien des prophètes, il aide à se façonner pour être le berceau où Jésus viendra.

La force démesurée de l’amour de Dieu.
Seulement ils savent, tous les Trois, que la venue du Fils sera, au début, mal prise par le Peuple, pourtant choisi pour être « sa tente » parmi les hommes. Tous les Trois, ils savent bien que quelques-uns, de plus en plus nombreux, d’ailleurs, le recevront et se feront ses disciples. Et que, même, ils accepteront de mourir pour porter témoignage. Ils savent aussi que, peu à peu, partout sur la terre qu’ils emménagent, des hommes comprennent et croient qu’ils sont aimés par le Père et son Fils et son Esprit. Tout cela, ils le savent, tous les trois. Mais ils savent aussi que le Fils sera mis à mort, sur une croix. Ils le savent. Depuis toujours. Et ils prennent tout de même leur décision. De toute éternité.

Là est la signification la plus profonde de la croix. La plus profonde, et à ce titre, celle qui a le plus de chances d’être la plus vraie. Ce n’est pas pour apaiser la colère de son Père, que Jésus est venu. Ce n’est pas pour lui offrir un sacrifice plus éloquent que celui des bœufs et des moutons que l’on tuait tous les jours à Jérusalem, pour apaiser sa justice. Nous sommes aux antipodes de cette théologie. Ce n’est pas pour apaiser la colère du Père, que le Fil s’offre en sacrifice. Il s’impatiente de venir nous dire que son Père est notre Père et qu’il a pour nous tous le même amour délicieux que celui qu’il lui porte. Il lui faut venir nous le dire ; son amour le presse. Il a consenti à attendre que le Peuple juif soit à peu près au point pour l’accueillir. Il sait qu’on va l’écouter et que ceux qui l’auront écouté, parcourront le monde, chargés de la Nouvelle. Et que le monde finira par entrevoir que le Père, son Père et le leur, est tendresse. Seulement tendresse. Il sait tout cela et il en est en joie.

Mais il sait aussi qu’on le fera tout de même mourir sur une croix. Cela lui fait mal. Mal, d’abord parce qu’étant Dieu, le temps n’existe pas et que donc la croix, c’est déjà douloureux et clair alors qu’il est encore dans la joie de son Ciel en train de prendre sa décision. Cela lui fait mal, et mal aussi au Père et à l’Esprit, parce que ce qui fait peur et pleur à l’un des Trois, le fait autant à chacun puisqu’ils ne font qu’un. Mal parce que ce sont ses enfants, ses amis, qui prendront cette décision, alors qu’ils n’auront rien à lui reprocher. Mal parce que, dans les siècles qui suivront, beaucoup de ses enfants ne comprendront pas non plus. Mal parce que ses fidèles confondront parfois, souvent, même, l’amour et la colère.

Pourtant, la décision est prise de toute éternité. Elle a été prise, sans aucun doute, avant que la création de notre cosmos ne soit même commencée. La décision a été prise. Et tenue. C’a a été la naissance, pauvre, mais tellement aimée par Marie et par Joseph. Et par les Apôtres, et par les milliards de vivants qui, un jour, l’apprendront. Follement aimée par tous les habitants du Ciel. Aimée par nous aujourd’hui.

Aimée au point que nous ne pouvons plus parler de la croix qu’en termes de tendresse. Tendresse pour tous ceux qui l’ont mis à mort, sans savoir. Pour ceux qui l’ont suivi, pendant des siècles et jusqu’à nos jours. Tendresse qui se tend comme des bras en travers de nos routes, non pas pour nous empêcher d’avancer, mais pour nous montrer le sens. Le sens de la route du Christ qui était bien de réparer l’honneur de son Père, mais non pas en lui offrant son sacrifice : qui pourrait aimer un Père capable d’exiger la mort de son fils pour réparer un outrage ? Qui ?

L’honneur de son Père ? Que nous soyons fils et nous sachions aimés.
Et pourtant, c’est bien pour l’honneur de son Père, qu’il est venu et qu’il est mort. Mais pour aider les hommes à aimer son Père, il a mis le prix qu’il fallait mettre pour qu’on ne parle plus jamais colère, avec lui, mais tendresse. Le prix qu’il y a mis, nous le connaissons. Lui l’a payé. Pas à son Père, mais à nous ! « L’amour du Père a un tel prix à mes yeux que pour vous le faire connaître je suis prêt à donner ma vie. Dans les conditions de croix que vous aurez choisies. ‘Parce qu’il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ses amis.’ Preuve d’amour pour mon Père, preuve d’amour pour vous. Preuve de mon amour, mais tout autant de l’amour de mon Père et de l’amour de l’Esprit. Car ils ont « payé » le même prix que moi, quand j’étais sur la croix. » Le même prix, exactement. Celui qui aime vit ce que vit celui qu’il aime.

Il ne s’agit pas, ici, de faire des mots, ni même de contribuer à édifier une théologie plus chrétienne, encore que cela doive compter. Il s’agit de l’honneur du Père, du Fils et de l’Esprit. Il s’agit de l’honneur des chrétiens qu’il ne faut pas priver de la joie d’annoncer une bonne nouvelle qui ne soit que bonne nouvelle ; la joie pour eux de parler d’un amour qui ne parle pas de vengeance ni d’honneur mais seulement de la tendresse d’un petit bébé vers lequel se penchent sa mère et son père. Et son Père et l’Esprit. Et nous maintenant.

Depuis que Jésus est descendu vers une crèche et monté vers le calvaire, nous ne pouvons plus croire sur Dieu autre chose que sa tendresse. Croire que son intelligence elle-même est portée par sa tendresse et que c’est pour cela qu’elle est infinie. Avant d’être intelligence, Dieu est amour. Sauf qu’en Dieu, avant ne veut rien dire. Pour un chrétien, aujourd’hui, le seul message est de dire que « le Père l’aperçut de loin, qu’il courut se jeter à son cou et qu’il « le » couvrit de baisers. » « Le » ? L’homme, moi, tous les vivants. Aussi longtemps que la terre donnera du fruit. Pour que le Père en fasse son Fils. Comme le Christ.
Le Christ, la seule image du Père et la meilleure image de l’homme.

 


        Vous avez des commentaires à faire ou des questions ? Vous pouvez aller à la rubrique « Ecrire » du menu principal.

 

Retour