Retraite 2005 organisée à Avajan, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
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Le Christ.

VI CEUX QUI CROIENT ET CEUX QUI NE CROIENT PAS AU CHRIST.


La multiplicité des regards sur le Christ.
Connaître le fond de la Vérité suppose qu’on règle son regard sur la main du Christ. Qu’on ajuste son cœur sur le sien. Nos yeux coulés dans la même direction. Parce que le Christ est la structure du monde. Plus exactement la révélation de la structure du monde. Comme personne, il sait que c’est l’amour qui scelle l’histoire et qui fait de nos constructions tellement diverses, une immense fresque de tendresse. C’est pourquoi nous devons dire, avec réalisme, que lui seul sait ce que nous, nous cherchons encore. Et que nous ne trouverons que lorsque chaque vision aura réussi à se glisser tout contre chaque autre vision, et que nous permettrons ainsi au Christ de nous livrer ce qu’il ne peut livrer qu’à tous ensemble, la vision du Visage du Père, convergence ultime et extase, de toute quête.

Sans abandonner le moins du monde le thème de cette retraite mais pour vous reposer, je vais vous emmener avec moi au sommet du Pic de Néouvielle. Nous avons traversé deux torrents. Nous nous sommes agrippés à des rochers de granit rose : un peu d’appréhension, parfois : certains sont si gros que nous ne sommes que des fourmis sur leurs flancs. Plus ils se sont prêtés à notre ascension, plus le fond de la vallée nous a semblé fluet. Pas mal de sueur, sans doute pas mal aussi de frissons. Pas loin de quatre heures de montée, et nous voici au sommet. Pas un brin d’herbe, pas un arbre, bien sûr ; du granit rose, simplement. Une impression de fantastique solidité. Face à nous, loin, le cirque de Gavarnie, rapetissé par la distance. Le Vignemale. A notre gauche et (presque) à portée de la main, le Ramougne. Sur sa gauche, le pic Long. A ses pieds, et seulement mille mètres au dessous de nous, le lac de Capdelong. A gauche encore, plus bas, les cordées qui se traînent. Les lacs d’Auber et d’Aumar, bijoux de cristal bleu. Surplombant tout de loin, de bien loin, le pic du Midi, et son observatoire. Tout cela petit en diable, face aux rochers sur lesquels, pour l’instant et en attendant de redescendre, nous triomphons.

Chacun voit ce que je viens de dire. Mais chacun le voit à sa façon. A les entendre, d’ailleurs, nous avons vu différemment les mêmes choses. Et pourtant, tout à l’heure, quand nous redescendrons, rompus mais exaltés, nous serons tous d’accord pour dire que nous sommes dépassés par la beauté de ce qui vient de nous être offert. Et ce soir, autour de la table, chacun racontera à sa manière ce qu’il a vu. Et il faudra toutes ces narrations, que nos auditeurs restés en bas trouveront bien différentes et parfois opposées, il les faudra toutes pour donner une image, un peu fanée déjà, mais tout de même enviable, de ce que nous avons aperçu et dont nous sommes témoins.

La multiplicité des regards sur le monde.
Vous avez compris le sens de cette parabole. Ce que nous connaissons de la vie, ce que nous pressentons d’elle nous concernant pour aujourd’hui et pour l’éternité, tout cela est immense. Plus encore, infiniment plus que ce que l’on voit du haut du Néouvielle. Il n’est pas étonnant que lorsque des hommes parlent de ce qu’ils savent sur le monde et sur le contexte d’éternité dans lequel il roule, ils aient du mal à coordonner ce qu’ils pressentent, et ce que leurs Révélations leur en ont dit. Ce qu’ils en ont compris. Ce qu’ils en vivent. Le contenu de chaque révélation a beau venir de la même source, la source est tellement incommensurable, que tout ce que chacun en dit, même s’il semble s’opposer à ce que dit son frère, tout, finalement est vrai ; mais tout est infini. La vérité de toutes ces explorations apparaîtra au fur et à mesure où on mettra à jour les ligaments qui relient la vision de chacun.

Pour que leur dialogue ait quelque chance de s’achever sur un moment de contemplation commune, il ne suffit pas que chacun dise ce qu’il a vu et retenu. Il ne suffit pas non plus que chacun, par charité, se contraigne à croire que dans ce que l’autre a vu, si différent que ce puisse être face à ce que lui a vu, il y a du vrai. Il faudrait aussi qu’il y ait parmi eux un autre témoin, mais qui ait vu le Pic de plus haut et à la fois de plus profond, quelqu’un qui ait pu se glisser jusqu’au cœur le plus secret et le moins atteignable de chaque bloc de granit ou dans chaque vide, et qu’il puisse aussi, plus savant que n’importe lequel d’entre nous, nous dire comment tout cela tient ensemble et quel est le secret qui fait leur beauté. Seul un rocher pourrait nous dire. Et encore, à condition qu’il connaisse le secret de chacune des roches. Les chrétiens disent que c’est le Christ, qui seul sait tout et qui assiste toutes les recherches.

Ils sont nombreux, les hommes qui cherchent. Tous cherchent. Et le résultat est une vérité morcelée. La réalité de la structure de l’univers que dévisagent les chercheurs, et la réalité plus profonde de ce qui sous-tend cette structure et que cherchent à approcher les théologiens et les philosophes, cette réalité est désormais perçue par des milliards de regards. Même le système de création que les révélations religieuses tentent de comprendre et d’expliquer, est trop vaste pour pouvoir être saisi par leur seul regard. Même la religion chrétienne, bien qu’agrégée autour du Fils du Père, est trop courte. Repliée sur elle seule, elle est myope, irrémédiablement si elle prétend tout avoir vu. Elle aussi, comme n’importe laquelle de ses sœurs, même à la limite celles qui sembleraient la nier, elle aussi a besoin de connaître la part de vision que chacune porte dans sa contemplation. Pour elle, il n’est pas jusqu’à ceux qui se disent athées, dont elle n’ait quelque chose à apprendre.

Ensemble, nous voyons plus large.
Il ne s’agit pas, pour nous, chrétiens, de relativisme, comme si tout avait même valeur. Il s’agit d’humilité. Parce que nous avons suivi le Christ et parce que, l’ayant suivi, nous avons fini par comprendre qu’il était venu nous révéler l’infini, nous sommes gourmands de la part de connaissance que les autres religions portent aussi sur le sujet dont il est venu nous parler. Nous ne verrions jamais le Père si, par impossible, nous restions enfermés dans nos seules assurances. Croire que cela puisse se faire serait croire que la révélation que le Fils apporte n’est pas infinie. Or, elle est infinie. Elle n’a pas de limites, ni de mesures. Jamais aucune accumulation de vérités ou de certitudes ne nous apportera le total de la vérité sur Dieu et sur l’homme. L’un des points de la révélation de Jésus est que la Vérité tout entière, « vous ne pouvez pas la porter pour le moment. » Les chrétiens savent que seul le Christ, parce qu’il est le Fils, sait tout. Mais ils savent aussi maintenant qu’il parle à chacun, même à ceux qui le refusent. Même à ceux-là il parle, parce qu’il est au cœur de chacun. Dieu de chacun. Point de passage obligé de tous les regards qui le cherchent. Seul Nord de toutes les boussoles.

C’est dire que notre recherche exige, pour être satisfaite, de s’adresser à toutes les religions. Le souci de l’Eglise, désormais, s’oriente ainsi vers le dialogue inter-religieux. Ce souci est bien venu. La vérité portée par les religions chrétiennes, en particulier, a été morcelée entre Catholiques, Orthodoxes, Protestants, Anglicans. (Je les ai nommés par ordre d’apparition dans l’histoire) Les papes précédents ont lancé un appel à la rencontre. Les théologiens y travaillent. L’Eglise morcelée sent le temps venu de rapprocher les divergences pour les aider à communier. La seule chose assurée est que tous les morceaux de vérité que chacune tient, doivent découvrir qu’ils convergent. Même les religions chrétiennes qui croient pourtant au même Christ, ne portent chacune en elles qu’une part de la vérité que le Christ, lui, porte tout entière. Chaque morceau séparé reste relativement insignifiant, tandis que chaque morceau ressoudé, autour du Christ trouvera son sens.

Deux conditions, donc, pour que ces rencontres soient efficaces : que toutes les religions se rencontrent, et que la rencontre se fasse autour du Christ pour que la Vérité morcelée prenne son sens. Inévitablement, si les religions se regardent, elles tomberont d’accord sur la présence en elles toutes, du Christ. Redisons encore que le Christ n’est pas la possession des chrétiens ni de qui que ce soit. Il est le Fils du Père, seul Pont entre nous et Dieu. Seul ciment du monde qui se fait. Seul, surtout, à voir face à face Celui qui a voulu nous donner la vie, et que, tous, nous cherchons. Mais, comme chacun possède, même s’il ne le sait pas, un angle du visage et de la personnalité du Christ, le travail seul urgent désormais, dans ce XXIème siècle, est de rapprocher ces vues jusqu’à ne plus voir qu’un seul visage. On peut être assuré que cette convergence et cette communion dans la contemplation de l’unique visage visible de Dieu, doit advenir dans l’histoire. Peut-être sera-t-elle l’ultime moment de la construction du Cosmos ? En tout cas, c’est à cette rencontre que nous travaillons tous, souvent sans le savoir.

Toutes les visions sont nécessaires pour palper le Visage.
Tous … Bien sûr, toutes les Eglises et toutes les religions. Mais aussi toutes les philosophies, toutes les recherches scientifiques, tous les tâtonnements quotidiens des hommes de bonne volonté. Tous ceux qui savent, et tous ceux qui croient ne rien savoir d’intéressant pour leurs frères. On a envie de dire : tous les hommes de bonne volonté. Ceux que les Anges, à Bethléem, saluaient de loin. Les religions ne sauront jamais à elles seules tout nous dire de ce qu’il faudra savoir sur Dieu. Et même si elles y parvenaient, il manquerait encore à leur témoignage, l’apport des savants et l’apport des pauvres. Rien ne peut être laissé à l’écart dans la recherche fondamentale que l’histoire fait de sa Source. La recherche, moins que jamais ne peut être recherche seulement des conditions mesurables de l’exercice de la vie. Elle doit s’étendre à ce qui rend la vie possible et elle doit donc remonter jusqu’à Dieu.

Longtemps, on a dit que la science n’avait rien à dire sur la métaphysique qui, par définition habituelle signifiait justement ce qui dépassait le domaine du physique, son domaine propre ; que seules les religions pouvaient bien parler du Mystère absolu qu’est Dieu. Cela fut peut-être vrai, un temps. Mais ce temps n’est plus le nôtre. La Source de l’existence est unique, elle couvre à la fois le domaine matériel et mesurable, et le domaine immatériel pour lequel nos mesures techniques se jugeaient inadaptées. Aujourd’hui, sans remettre en question l’originalité de chaque science humaine, il faut dire à chacune qu’elle a sa place dans la recherche de la Source. Et que chaque science qui ferait défaut dans cette quête retarderait le moment de la « palpation » du visage de Dieu. Et donc, retarderait la venue de la paix. Et de la justice.

Toutes les forces spirituelles, intellectuelles, matérielles, toutes les bonnes volontés, sont désormais acculées sans appel à recentrer leur recherche et leurs expérimentations vers la Source. Beaucoup, sans doute ne l’appelleront pas Dieu. Chacun est libre de donner le nom qu’il juge le meilleur à ce qu’il cherche. L’essentiel est de chercher avec tous les moyens et avec toute la passion intelligente dont chacun dispose. L’œcuménisme, désormais, n’est plus réservé aux religions. Il est le nom de l’effort auquel tous les hommes sont prêts et qui est en train de couronner la longue quête de l’univers humain, lancée dès que Dieu dit : « Que la lumière soit ! »

« Que tous soient un, pour que le monde croie. » Tous. Pas « tous les chrétiens », pas « tous les adeptes d’une religion ». Tous. Au sens absolu, devant lequel notre ancienne logique doit céder. Les Chrétiens seront peut-être les seuls à se souvenir de cette autre parole du Christ : « Nul ne va au Père sans passer par moi. » Seuls ils pourront donner le nom de Christ à la voie qu’ils cherchent. Mais peu importe. Tous ceux qui cherchent sont sur cette voie. Qu’ils y avancent. C’est en avançant qu’ils sauront la nommer.

 


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