.Session organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
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Thème de l'année: DIEU: SERVITEUR DE L'HOMME

3 décembre 2000

Première session

INTRODUCTION :

Nous essayons de creuser le thème : Dieu serviteur de l’homme. En général on pense l’inverse : l’homme est au service du plan de Dieu. Cette réflexion étonne car on n’a pas l’habitude de considérer Dieu comme serviteur. Mais cela modifie la relation de l’homme à Dieu telle qu’elle a été établie par l’Ancien Testament et largement suivie par l’Eglise. L’Ancien Testament n’a pas découvert Dieu d’un seul coup, l’Evangile, grâce à Jésus Christ, a affiné la vue sur lui et les apôtres nous ont transmis ce qu’ils avaient découvert. L’Eglise aujourd’hui, héritière de l’AT et du NT, continue cette recherche.

C’est pour essayer de voir où nous en sommes aujourd’hui que nous nous retrouvons.

La théologie découvre aujourd’hui que l’analyse que nous avons faite du rapport entre l’homme et Dieu est partiellement faussée. Notre position et notre langage sur Dieu sont mal reçus et ne collent pas exactement avec ce que chaque vivant porte en son cœur.

Aujourd’hui nous allons nous poser la question de la justesse de la position sur l’homme serviteur.

CARREFOURS DU MATIN :

(textes étudiés : 1]- l’exemple du Christ dans le lavement des pieds vu par ORIGENE dans « Isaie expliqué par les pères » DDB 1983. 2]- « Le serviteur » par Jean PUYO dans « Aujourd’hui la Bible » 15 Mars 1970 page 29)

Carrefour 1 : Origène parle du lavement comme signe d’accueil, il parle d’une eau spirituelle, d’une poussière dont il faut se débarrasser. Quelle est cette poussière ? S’agit-il d’une protection contre Dieu, que l’on ne peut voir directement ? Ce voile serait ensuite levé à la résurrection? Ce serait peut-être la méconnaissance de Dieu ?

Carrefour 2 : Le geste concret est clair mais quel est le symbole ? Y a-t-il l’idée du baptême ? Dieu se donne en exemple, Dieu, Père, s’occupe de ses enfants (comme tous les pères) pour les aider à s’élever. C’est en Dieu que l’on puise toute notre énergie. C’est aussi une leçon d’humilité.

Carrefour 3 : Le repas est commencé quand le Christ se lève, ce n’est pas la purification avant le repas. Pourquoi comprendre plus tard ? Tu comprendras quelle est la qualité de notre relation ? Que veut dire être purifié pour aller vers Dieu ? Péché originel ? Le deuxième texte voit la force de Dieu en tout homme. L’athée pourrait s’en offusquer puisqu’il dirait qu’il n’est plus libre. Or le véritable serviteur, le plus efficace, c’est celui qu’on ne voit pas, il est efficace et discret. Dieu nous donne son énergie, l’athée pense que c’est sa propre énergie. L’homme à l’exemple de Dieu est serviteur.

Carrefour 4 : Le maître fait confiance, le serviteur a donc une latitude et donc un certain pouvoir. Nous sommes « à l’image » nous avons un certain pouvoir. S’il se met à genoux c’est pour se rapprocher de nous, ce n’est pas un Dieu inaccessible, cela montre l’intérêt de Dieu pour l’homme et cela change l’image que les juifs avaient du Dieu tout puissant. C’est le signe de la véritable position de Dieu : au niveau de l’homme.

DISCUSSION :

Qu’est-ce qui émerge ?

Dieu a besoin de l’homme et l’homme a besoin de Dieu !

Nous sommes en train de chercher quelle relation nous avons avec Dieu. Si nous arrivons à déterminer la position de Dieu par rapport à l’homme nous devons en déduire la position de l’homme par rapport à Dieu.

La position de Dieu à genoux devant l’homme pose une question. Est-ce pour reconnaître la grandeur de l’homme ? Pour l’adorer ? Dieu est le serviteur de l’homme et de sa divinisation.. Si Dieu s’agenouille devant l’homme ne serait-ce pas parce qu’il voit la déification à venir ? De même que mon attitude à l’égard d’un frère révèle quelque chose sur lui. A priori on ne s’agenouille que devant Dieu. Donc si Dieu s’agenouille devant l’homme, n’est-ce pas pour signifier symboliquement qu’il est dieu, et que lui, Dieu, est devant un « fils de Dieu » en construction (un enfant se construit mais il est quand même homme, sa nature humaine reste la même tout au long de sa vie). Cela pourrait indiquer que nous sommes de nature divine, fils de Dieu, donc, mais de manière très réelle. Entre l’homme et Dieu la différence ne se situe sans doute pas au niveau de la nature mais de l’intensité à laquelle on vit cette nature.

Comment concilier le terme : « image de Dieu » (l’homme est à l’image de Dieu) avec « nature » ? Mon image (ma photo) n’a pas la même nature que moi. Question à creuser. Dans l’Ancien Testament, cette communauté de nature avec Dieu a sans doute été pressentie, mais elle ne pouvait pas être exprimée telle quelle. L’Ancien Testament l’a dite à sa manière : il a utilisé l’expression « image » qui lui paraissait juste. Mais après la venue du Christ et la méditation de certains pères de l’Eglise, il semble qu’il faille aujourd’hui dépasser l’image et aller jusqu’au bout (provisoire) de ce qu’elle signifiait : nature. Image de Dieu = de même nature que lui. Comme Dieu est essentiellement relation, don réciproque et réception réciproque, nous le sommes nous aussi. Peut-être est-ce comme cela qu’il convient de traduire « à l’image de », de même nature.

CARREFOURS DE L’APRES-MIDI

(texte étudié : « Le lavement des pieds » dans « Lecture de l’Evangile de Jean » Tome III par Xavier Léon-Dufour. SEUIL Paris 1970, pages 26 à 35)

Carrefour 1 : Se mettre au service des autres est un signe d’appartenance au Christ. Le fait de se mettre au service des autres « réactualise » le « Christ serviteur ». C’est un signe. Le sacrement est un signe : ne pourrait-on pas voir dans ce service des autres un sacrement, un signe de Dieu ? Et dire même que ce sacrement est donné même par les non-croyants ?

Carrefour 2 : Par ce geste le Christ place l’homme à son niveau. La purification est par l’écoute de la parole. Ce geste est nécessaire pour la communion avec le Christ, il est le symbole du don total du Christ et de l’accueil dans l’au-delà. Le Christ en rendant ce service nous rend capables d’aider les autres à entrer en communion avec Dieu.

Carrefour 3 : Le geste n’est pas un abaissement. L’homme avait besoin de la reconnaissance de Dieu pour être lui-même, de même que l’enfant a besoin de ses parents pour prendre conscience de ce qu’il est, quelqu’un d’antérieur l’aide. Pourquoi ce geste est-il nécessaire ? Jésus Christ pose ce geste vis à vis de l’homme, il le reconnaît, nous nous construisons. Ce geste est sans doute en relation avec la Passion : donner sa vie par amour c’est se réaliser. Que veut dire donner sa vie pour nous ?

Carrefour 4 : Homme d’essence divine ? Qui sommes-nous ? Nature divine inachevée ? Bébé-dieu ? Si nous prenons ce raisonnement à l’envers il faudrait que Dieu naisse. Le lavement des pieds voudrait dire : ne pensez pas toujours à vous, cherchez-moi dans les autres et vous me trouverez.

DISCUSSION :

Les carrefours sont très à l’aise dans l’expression de leurs idées et plus ou moins,, chacun s’y retrouve. S’il y a des idées communes c’est qu’il y a bien une certaine communauté de vue qui vient d’un fond commun.

Qu’est-ce qui émerge ?

En se donnant, on fait comme le Christ. Dieu est don, relation intérieure. Sa nature est donc de se donner. Et de recevoir. Puisque le don fait partie de sa nature et que nous avons même nature que lui, le don fait aussi partie de notre nature. Mais alors, ne pourrait-on pas dire que le péché serait, essentiellement de ne pas se donner ? Le péché serait ce qui va contre notre nature. Le péché serait le refus d’être, plus que le refus de donner. Puisque, comme Dieu, nous n’existons que dans la mesure où nous nous donnons, refuser de donner, ou de se donner, revient à refuser d’être : la conséquence négative est double : je refuse de me construire, et je refuse d’aider mon frère à se construire.

Prendre le péché sous cet angle-là est assez séduisant, car, d’après la définition classique, le péché est une désobéissance à Dieu. Dans la perspective où nous nous plaçons, la désobéissance, c’est à l’encontre de ma propre nature que je la pose. Mais alors, le « pouvoir » est déplacé : si c’est une désobéissance à ma nature, ce n’est pas Dieu qui ordonne, c’est ma propre nature. C’est à nous que nous désobéissons, car nous nous interdisons ce qui nous permet d’exister. Et donc, ce n’est pas Dieu que nous blessons d’abord, mais nous. Et aussi, bien sûr, mais ensuite, Dieu car il nous aime.

Si nous sommes de même nature que Dieu nous ne pouvons pas faire autrement que lui : c’est pourquoi, le service qu’il rend à ses apôtres, révèle à l’homme ce qu’est l’homme, et pour quoi il est fait. Et par le fait même, si l’homme vit le service, il révèle la nature de Dieu et sa présence.

Revenons au geste du lavement des pieds. Le Christ a peut-être voulu que ce service soit fait par tous. Jean n’a pas décrit l’Eucharistie, mais seulement le lavement des pieds. Peut-être ce n’est pas simplement parce que les autres évangélistes avaient déjà raconté l’Eucharistie que Jean ne la raconte pas ? Pourquoi ne pas penser qu’il a voulu montrer que ce geste du Christ était aussi fondamental que l’Eucharistie. Et que le service serait tout autant une manifestation de Dieu que l’Eucharistie. (L’eucharistie ayant par ailleurs une raison d’être supplémentaire : la manifestation de la « force » du Christ consacrant le monde). « Servez-vous les uns les autres » serait alors la démonstration de l’image de Dieu : un sacrement, comme nous disions plus haut. Ce serait alors le seul sacrement (geste visible qui traduit un acte invisible de Dieu) qui pourrait être pratiqué par tous, y compris les athées. Comme il y a moins de croyants que de non croyants, ces derniers, en servant les autres, parleraient de Dieu plus « abondamment » que nous.


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