.Session organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas Thème de l'année: DIEU SERVITEUR DE L'HOMME. 1 avril 2001 Deuxième session
INTRODUCTION Le thème de cette session procède dune inversion : on passe de la notion selon laquelle « lhomme est au service du plan de Dieu », à la notion selon laquelle « Dieu est au service de lhomme ». Si Dieu est Père des hommes, comme Jésus nous la révélé, il est normal quil soit aussi leur serviteur. Etant entendu que Père, quand il sagit de Dieu, est à prendre au sens de « père » et « mère », nous disons que sil est père dans ces deux sens, il est aussi serviteur de ses enfants. A cette proposition, deux objections peuvent être faites : - on ne dit pas, au niveau de lhomme, que le père et la mère soient les serviteurs de leur enfant ; - on ne présente pas habituellement Dieu comme le Serviteur mais comme le Maître. Le texte du lavement des pieds servira de base à léchange dans les carrefours et à la recherche en commun, pour tenter de parvenir à cette question : en quoi est-il notre serviteur ? CARREFOURS DU MATIN Carrefour 1 : Lexpression « serviteur » est moins infamante que lexpression « esclave » ; il reste quelle passe plutôt mal quand il sagit des parents. On veut bien admettre quils soient serviteurs de leurs enfants tout petits. On dit ensuite quils sont éducateurs. Il reste que, quelle que soit lexpression, ils sont toujours au service de leurs enfants. Aimer lautre cest le respecter. Comment Dieu est il serviteur ? Par le Christ, par les sacrements. Dieu, dans la Bible, est « éducateur » de son peuple. Mais comment ? Carrefour 2 : Quand lenfant grandit, le service évolue ; mais reste service. Cest lamour qui fait le service. Dieu se met au service de lhomme pour lui montrer qui est lhomme. Comment Dieu peut il être au service de lhomme qui na pas la foi ? Des hommes peuvent être au service dautres hommes et, par là, ils se donnent à eux ; la gratuité du service. Or, dans ce geste de don, ils se donnent aussi à eux-mêmes et à ceux qui les reçoivent, une certaine image de Dieu. Le « service » est gratifiant pour les deux. Carrefour 3 : Pour les parents, que veut dire être serviteur ? Bien sûr, cest être au service. Mais que veut dire « service » ? Pour linfirmière, le « service » consiste à faire en sorte que le malade guérisse. Pour les parents, le « service » consiste à « servir la vie », cest à dire aider lenfant à accéder à une autonomie responsable. Cest léduquer jusqu'à lâge adulte en prenant soin de lui dans la mesure du nécessaire et en se mettant à son écoute pour laider à se révéler à lui-même qui il est, et à développer son potentiel personnel. On ne fait pas les enfants, on les aide à se faire eux-mêmes. Dans le « service », qui semble être une activité unilatérale, il y a en réalité un échange, une réciprocité Ce qui fait le ciment de cette relation, cest lamour. Pour révéler que son Père est au service de lhomme, le Christ se présente comme le serviteur de ses apôtres. Il y a une symbolique du « lavement des pieds ». Peut être à plusieurs niveaux. Laquelle ? Carrefour 4 : Quelle est lutilité de lacte que fait Jésus en lavant les pieds de ses disciples ? Que signifie le dialogue avec Pierre ? Cest après la résurrection quil comprendra. Aimer cest se mettre au service de lautre. Lamour est un aller-retour. Dans la parabole de lenfant prodigue, le père attend son fils ... Dieu attend lautre ... Le service consiste à aider lautre à se construire. Servir cest lacte dapplication daimer. Les jeunes ne peuvent bénéficier pleinement du service que sil est lié à lamour , ce qui peut nêtre pas toujours le cas chez l« éducateur ». Avant 1968, lamour, semble-t-il, sexprimait plutôt dans lautorité. Depuis il sexprime davantage dans lécoute. Complémentarité ? Opposition ? Incompatibilité ? DISCUSSION. On dit que Dieu est Père. Pour comprendre ce que cela peut bien signifier en Dieu, on cherche dans le cadre de la relation des parents et de lenfant, ce quest en fait, la paternité. Bien sûr, on part, pour tenir cette position, de laffirmation biblique, selon laquelle lhomme est à limage de Dieu. On en conclut quon peut avoir une idée de Dieu en regardant lhomme. Mais nest-ce pas donner trop dimportance à lhomme que de le comparer à Dieu ? Une théologie habituelle répond, que lon fait alors de lanthropomorphisme et que cela ne peut être que réducteur pour Dieu. Pourtant on admet désormais couramment quon ne peut comprendre Dieu quà travers lhomme. Dieu est pluriel car il est Trinitaire ; lhomme, à son image, ne peut donc vivre que dans la pluralité : la famille, le groupe social, lhumanité. Dans cette pluralité, être serviteur ne veut pas obligatoirement dire être « au-dessous » - ni être au-dessus. Le service, dans léducation, devient plus pesant et difficile, lorsque lenfant grandit. Est-ce là lorigine de la prise de conscience de la difficulté du service, de sa dimension réelle ? Quest-ce qui fait que je me rends compte que la relation que jai avec quelquun, notamment la relation des parents avec lenfant, est un service ? Si jai conscience que les parents rendent un service à lenfant, cest parce que je sais que cette relation à lenfant lui permet dêtre lui-même. Et en retour, grâce justement à cette relation, il me permet de prendre conscience de ce que je suis moi-même. Ce nest donc pas la difficulté grandissante du « service » qui me fait prendre conscience du service que je lui rends, mais la prise de conscience réciproque de notre réciproque croissance. Est-ce ce qua voulu dire le texte de Xavier-Léon Dufour (que nous avons en mains) sur lépisode du « lavement des pieds » ? CARREFOURS DE LAPRES MIDI Carrefour 1 : Il peut y avoir une opposition du « toi » au « moi » : si lon est plein de soi, il ny a pas de place pour lautre. Faut-il se déposséder de soi pour rencontrer lautre ? Jésus prend la place de lesclave ; ce nest pas un geste de soumission mais un service. Le lavement des pieds est un geste qui, symboliquement, parle de mettre debout ; le Christ nous demande de faire comme lui. Ce geste évoque également celui de Marie-Madeleine, venue parfumer, et essuyer avec ses cheveux, les pieds du Christ. Dans les autres évangiles il ny a pas de lavement des pieds mais le récit de la « cène » qui est célébration de la messe. Pour quelle raison en est-il ainsi ? Carrefour 2 : Cette relation des disciples avec Jésus est très importante. Il en est de même de la relation particulière de Judas avec Jésus. Est-ce que toute action est service ? Il y a parfois des modes de services dans lesquels on retrouve la dépendance. La relation est construction de lautre. Dans la relation aux autres, jaide lautre à saider lui-même. La relation à Dieu nous permet de nous construire. La relation est communion. Mais sil y a communion, ne peut-il y avoir tentation de « fusion » ? Dans la fusion, il y a perte didentité. Dans la communion avec Dieu, ce risque ne peut-il pas exister ? Carrefour 3 : Au premier degré, une part de la symbolique du geste du Christ est quici, ce nest pas l «esclave » mais le maître qui lave les pieds de ses hôtes. De plus, le Christ dit très nettement à ses disciples, donc à tous les hommes, de faire aux autres ce quil fait pour chacun deux, même si cela les conduit à se mettre au niveau du plus petit. « Suivre le Christ » oblige-t-il à établir un ordre humain conforme à celui que le Christ nous montre ? La hiérarchie habituelle dans notre société, (le pouvoir, la puissance, largent... ) est inversée dans la « société du Christ ». Au deuxième degré, cette symbolique indique que nous devons nous aussi faire ce geste du Christ, cest-à-dire quen étant au service des autres, on reconnaisse leur grandeur et leur beauté et quon les aide à se reconnaître comme tels. Encore une fois, le service des autres, seul, nous permet d « avoir part avec le Christ ». « Javais faim et vous mavez donné à manger, javais soif et vous mavez donné à boire, jétais malade et vous mavez visité... Venez les bénis de mon Père. » Au troisième degré, la symbolique de ce geste nous montre aussi quen se mettant à genoux devant ses disciples, donc devant des hommes, le Christ - Dieu - reconnaît la grandeur de lhumanité. Nous en avions déjà une idée car, si Dieu sest fait homme, ce nest pas par hasard : il savait que faire sienne la grandeur de lhomme ne rapetisserait pas sa grandeur dêtre Dieu. Carrefour 4 : Ce que le plus petit des hommes fait pour les autres, cest Dieu qui lui donne lénergie pour le faire. La symbolique des pieds : ce qui permet de se tenir debout et de marcher. Mais aussi, quand on est aux pieds de quelquun, on peut faire une analyse totale mais particulière, de sa personnalité : on en a une vue densemble, mais de bas en haut. Dieu, dans cette position, reconnaît la grandeur de lhomme. Le Christ sest mis aux pieds de ses disciples. Marie-Madeleine sest mise elle-même aux pieds du Christ. Il y a aussi ceux et celles qui étaient au pied de la Croix. Avoir part avec Jésus cest participer à la Vie Divine. Vivre « comme » Dieu, cest aussi prendre la position qui permet à Dieu de voir la grandeur de lhomme. DISCUSSION Ce nest pas par rapport à léchec quil faut définir lêtre humain. Lhomme a le pouvoir de se construire et reçoit de Dieu lénergie nécessaire pour le faire. On reconnaît ses limites, mais on dit que léchec nentre pas dans sa définition, mais quil se trouve seulement dans lexpérimentation de sa responsabilité. Seul le positif de lhumain est à limage de Dieu. Donc, seul le positif peut entrer dans sa définition. Prenons un exemple : la patience est positive ; limpatience, elle, nest quun manque de patience. Parce que je suis homme, je suis «capable » damour ; mais quand je fais un acte qui manque damour, je ne suis plus moi. Etant à limage de Dieu, je ne suis moi que lorsque jaime. On ne peut donc éduquer un enfant à se connaître quen lui montrant ce quil est, cest à dire ce quil a de positif ; sinon il ne voit que ce quil nest pas et ne peut donc pas se connaître. Dans une société, tout a son importance : la « tête » nest pas plus « grande » que les « pieds ». Jésus veut révéler la valeur de lhomme et il commence par les pieds. Tout a de la valeur ; chacun a son importance. A condition que lon ne compare pas : chaque valeur est une valeur en soi et non par rapport à une autre. Deux êtres face à face. Le regard de deux hommes cest un regard face à face. CONCLUSION Quels éléments apportés par les carrefours pourrait-on réunir, pour arriver à cerner ce que veut dire « Dieu serviteur de lhomme » ? La première esquisse consiste à dire que les êtres que Dieu crée, même sils sont inachevés, ont les mêmes structures que lui. Les mêmes « possibilités dêtre » que Lui. Dans ces conditions, si lacte créateur nous fait dépendants de lui - ce que tous les croyants admettent - lui-même est-il aussi dépendant de nous, pour exister ? Dieu est amour. Donc il est relation, et il lest au sein même de la Trinité, cest-à-dire dans son être propre. Il a donc dans sa structure même de Dieu le besoin dêtre plusieurs : la théologie dit, à la suite de Jésus, quil est Père, Fils et Esprit. Ce besoin de pluralité, exigé par le fait quil est amour, est tel que Dieu ne peut pas exister sil nest pas plusieurs. Mais la théologie que nous enseignons ici pense, pour aller jusquau bout de sa logique, que Dieu doit aussi avoir, dans sa structure, le besoin de partager avec dautres êtres en dehors de lui. Dans ce cas, dans sa structure même, il dépend de notre existence. Pour quil puisse être ce quil EST, il fallait (cest notre thèse - et notre souhait -) quil ait aussi en lui le besoin dautres que lui. Pas seulement le besoin de son Fils et de son Esprit, mais le besoin de nous. En effet, si le véritable amour fait que je dépends de lautre, il doit faire aussi que lautre dépende de moi. Or, puisquen Dieu lamour est véritable au degré absolu, il doit aller jusquà cette logique : dans son existence, il doit aussi dépendre de nous. La différence, pensons-nous, entre Dieu et nous, cest que nous, nous avons existé après Dieu et que donc nous navons pas eu à attendre quil soit là pour dépendre de lui. Notre dépendance a été immédiatement effective. Tandis que pour Dieu, sa dépendance à notre égard est restée à létat de simple attente jusquà notre apparition. Mais cette attente et ce besoin de nous, (pensons-nous) faisaient tout de même partie de sa structure : cest en cela quil dépend de nous. Et cest cela que, symboliquement, il nous aurait dévoilé en sagenouillant devant lhumain que les apôtres symbolisaient. Dans ces conditions, le service que Dieu nous rend, cest de nous révéler que nous lui sommes nécessaires. Et ce dont il nous remercie en sagenouillant devant lhumain, cest que nous soyons pour quelque chose dessentiel dans le fait quil est Dieu. Notre grandeur cest que sans nous il ne serait pas. Dans la Bible, le Nom que Dieu révèle à Moïse, Y H W H , a plusieurs significations possibles : « Je suis qui Je suis » ; « Je suis parce que Je suis » ; « Je suis qui Je serai ». Le Père dépend tellement de ses enfants, quil ne sera totalement Père que lorsque ses fils seront totalement achevés.
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