Session organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10 Avec le P. Collas Thème de l'année: L'Eglise. 9 décembre 2001 Communion et pluralité
INTRODUCTION : Le thème choisi est la mondialisation : pluralité, communautés et communion. Quand les chrétiens parlent de communion, ils évoquent incontestablement la mondialisation. Lidée de mondialisation - pour nous, le mot « mondialisation » rejoint le mot « catholique », qui, en grec signifie universel - est dans le plan de Dieu et se trouve dans la perspective chrétienne de lévolution. Lhistoire actuelle de lAfghanistan montre que, pour parvenir à la communion, il peut se faire quon soit tenté de passer par la guerre. Il y a une différence entre les moyens que le Christ et notre monde contemporain proposent pour parvenir à lunité : - pour le Christ, on ne peut atteindre lunité que par lamour ; - le monde travaille lui aussi par lamour bien sûr ( O.N.G. etc ) mais également par des moyens tordus. Cette unification à laquelle, en fait, les hommes travaillent depuis toujours est de plus en plus consciente. Aujourdhui, et par delà les perspectives économiques et politiques, cette conscience devient plus claire. En réalité, le premier artisan de la mondialisation, et dès lorigine, cest Dieu. LEglise, qui est en plein dans cette évolution depuis vingt siècles, en prend elle aussi une conscience plus claire : elle aussi travaille à lunification, mais elle reconnaît quelle nest, dans cette tâche, quune Institution parmi bien dautres. Elle ne travaille donc pas seulement à lunité des chrétiens, mais avec tous les autres, à lunité du monde. Sachant bien que pour quil y ait communion, il faut quil y ait pluralité. CARREFOURS DU MATIN . ( texte étudié : les médias au défi de la mondialisation par Mgr A. ROUET, Evêque de Poitiers ) Carrefour 1. Après une réflexion sur la difficulté de bien comprendre le titre du texte, la signification du récit imagé de la Tour de Babel est évoquée : cest lunité de toute la terre avec une langue unique et les mêmes mots que Dieu aurait brisée. Le texte étudié oppose deux types dunification : dune part la mondialisation imposée, dautre part la pluralité consciente qui conduit à lunité. La mondialisation est nécessaire mais il faut la cadrer, il faut une éthique. Lunité nest pas luniformité. Le rôle des médias est de faire connaître la dualité entre les diverses interprétations de la mondialisation. Carrefour 2. La mondialisation nest pas une situation déjà acquise par laquelle nous serions piégés. Cest un chemin que lhumanité suit depuis ses origines. Il y a deux composantes différentes dans cette tendance fondamentale à lunité : - dabord ce que les médias appellent « la mondialisation », dont les éléments déterminants sont léconomie et la politique, avec tout ce que cela peut comporter de pouvoir, de domination, voire de contrainte ; - puis le phénomène humain proprement dit, qui part de chaque personne ; la liberté de chacun doit être respectée et pour lui, vivre cest entrer en relation avec dautres, ce qui conduit à des communautés de plus en plus importantes jusquà lunification de lhumanité .Lentraide et la solidarité nationales et internationales en sont des éléments majeurs. Ce que Dieu veut en réalité pour nous cest notre union dans le Christ. Mais comment la réaliser ? Chaque personne doit faire un travail intérieur sur soi-même qui lui permette davoir une meilleure relation avec les autres. Il faut pour cela prendre conscience que Dieu est présent en nous et quil est aussi présent en lautre. Et cest lextension, la généralisation de cette attitude profonde qui, peu à peu, donnera naissance à lunion. Carrefour 3. Lunité ne va pas se créer toute seule. On constate lexistence de « pouvoirs » multiples qui vont chercher à réaliser cette mondialisation, voire à limposer. Il y a un travail à faire en dehors de ces pouvoirs par un dialogue entre les personnes qui auront à accepter leurs différences. Beaucoup de conflits peuvent se régler par le dialogue lorsque la différence de lautre est acceptée comme ayant une valeur. Il faut remplacer le « pouvoir » qui divise par le « médiateur » qui réunit. Mais comment passer de léchelle individuelle à léchelle mondiale ? DISCUSSION : La parabole de la tour de Babel, dans lancien testament, a quelque chose de scandaleux : la puissance des hommes, lorsquils sentendent, serait capable datteindre le ciel, datteindre Dieu. Dieu serait jaloux : je vais brouiller leur langage, ils ne sentendront plus, il ny aura plus de risque pour ma grandeur. Cette interprétation constitue une perversion du plan de Dieu. Le christianisme a hérité quelque chose de cette idée dune rivalité entre lhomme et Dieu et linterprétation de la tour de Babel et du péché originel visent à dédouaner Dieu En réalité, Dieu veut lunité des hommes ; il veut par conséquent quils sentendent. Le plan de Dieu cest que lhomme puisse devenir légal de Dieu, quil puisse parvenir au même niveau que lui, en particulier en cultivant ses différences. Après Vatican II, on a supprimé le latin pour le remplacer par lusage des langues de chaque peuple : serait-ce un peu une réminiscence de la leçon de Babel ? Dans quelle langue Dieu nous parle-t-il ? Dans la prière, dans loraison, il y a une « non langue » pour la communication de Dieu avec nous. Cest vrai, le dialogue doit commencer avec des mots. Parfois, il sen tient là. Mais sil veut aller jusquau mystère, il doit dépasser les mots. Et dans cet échange, lEsprit nous donne lamour qui nous permet de réagir positivement à lautre. Le dialogue est riche dans la mesure où il peut se faire dans un contexte damour. La Mondialisation est dans le plan de Dieu, même si elle se réalise par des moyens économiques et politiques parfois discutables. Le plan de Dieu est assez grand pour tirer parti de ce qui n'est pas positif. CARREFOURS DE LAPRES MIDI . ( Textes étudiés : lEglise comme communion par Walter KASPER, dans Communio N°XII, janvier-février 1987. Susciter une Eglise de communion par J. Kockerols, en lien avec le projet pastoral pour Bruxelles, 15 janvier 2000. Déclaration de Mgr RICARD, Evêque de Montpellier, nouveau président de la Conférence épiscopale, novembre 2001.) Carrefour 1. On peut se poser la question de la communication entre les fidèles. Lenseignement et la communication de lEglise sont parfois mal reçus. Ce nest pas par manque de prêtres que les laïcs interviennent : cest leur place même qui est en jeu dans la vie de lEglise, car, si le pasteur est lartisan de la communion dans la communauté il nen est pas le membre unique. On ne peut pas faire de communion homogène en excluant certains membres. LEglise est présente sur tous les continents, et cest très important pour la mondialisation. Carrefour 2. Une bonne communication est nécessaire entre les fidèles, et entre lEglise et les fidèles. Il faut aussi que lEglise sache communiquer avec le monde si elle veut que son message soit entendu. Il faut accepter que cette communication comporte des tensions, mais des tensions fécondes. Si la communication de lEglise nest pas bonne, les gens risquent de se sentir exclus parce quils nauront plus rien en face deux et les églises se videront comme elles le font déjà. Comme lEglise primitive en avait fait lexpérience, lEglise actuelle commence à se rendre compte que doit vivre en elle la communion des prêtres et des laïcs. Il ne sagit pas, en réalité, de voir les laïcs remplacer les prêtres dont le nombre diminue, mais de créer une autre manière de vivre de lEglise. Les responsabilités des prêtres et des laïcs sont un service et non un pouvoir. Ce quon appelle la co-responsabilité qui risque dêtre un mot vide de sens peut être éclairé par un texte de JEAN PAUL II dans lexhortation Christi fideles laïci : « La participation des fidèles laïcs » notamment aux conseils pastoraux, leur collaboration, « peut sétendre à la prise de décision ». Les mots osmose et symbiose semblent inadaptés. En revanche ce qui nous a frappés, cest quune parole peut devenir une symphonie dans la diversité des responsabilités à lintérieur de lEglise. Carrefour 3. Il y a des difficultés inhérentes au dialogue ; des tensions sont fréquentes. Mais il est bon quil y ait dans lEglise des communautés diverses qui se complètent. Lespérance partagée par tout le monde est quelque chose sur quoi on peut sappuyer. La hiérarchie se dit au service de la communion, mais comment cette communion se fait elle ? La hiérarchie a souvent un caractère administratif et les laïcs doivent prendre parfois des initiatives, ou même des décisions, pour se faire entendre. Les souffrances des personnes dans le monde ne sont pas toujours entendues. Il faudrait que les laïcs prennent part avec les prêtres aux décisions. Lidée dunité que lEglise répandait jusquici était vue souvent comme un rassemblement autour de sa hiérarchie, ce qui est une idée fausse, une idée de façade. Mais cela est en train de changer. Quel rôle jouent les non-croyants dans la vie de lEglise ? Ils sont quand même porteurs dune certaine image de Dieu. DISCUSSION ET CONCLUSION. Ce matin on parlait surtout de la mondialisation ; cet après midi il est essentiellement question de la structuration de lEglise. En quoi les deux sont-elles liées et quelle peut bien être la spécificité du chrétien dans limmédiat ? Disons que le travail dunification fait par lEglise en elle-même est déjà une force, sinon une référence, pour la mondialisation et lunification de la planète. Son propre mouvement sassocie au mouvement global et le soutient. Ainsi, alors que tous les vivants sont des artisans de communion, si chaque chrétien tente de réaliser la communion à son niveau personnel, son effort peut servir de témoignage et proposer des moyens pour y travailler. De même, des communautés, chrétiennes ou non, qui vivent en communion, peuvent être des références. En fait, les chrétiens sont comme les autres ; ils ne sont pas ceux qui savent. Ils nont aucune supériorité. Ils se ressourcent avec les autres chrétiens, mais ils vivent comme les autres et avec eux. Ce qui suppose quils sont égaux aux autres : sans cette égalité de base, il ne peut y avoir de communion. Ils ont pourtant une spécificité : ils savent que Dieu est Père, Père de tous les hommes et que, par conséquent, tout homme est frère et leur frère. Ils doivent donc essayer de réaliser que les frères avec lesquels ils vivent sont plus leurs frères que leurs frères « par la chair ». Cultiver cette « conscience » est un service urgent. Et cest plus naturel et moins difficile à réaliser quon ne le pense. Une autre spécificité des chrétiens : ils ont compris que le plan du créateur est de partir dune diversité complexe et quasi infinie, pour parvenir, avec le concours de lhomme, à ce que toutes ces diversités deviennent une communion. Cest à cette mondialisation quen fait tous les hommes travaillent, souvent sans le savoir, mais en le pressentant de plus en plus clairement. En revanche, les chrétiens nont pas à imposer leur manière de voir. Ils nimposent pas Dieu : ils essayent de lui être transparents, sachant bien que cest lorsquils sont en communion quils le révèlent le mieux. En effet, sils nimposent pas la vision quils ont de Dieu, ni leur certitude que le Christ est là, oeuvrant avec eux, ils ont tout de même à faire « pressentir » par leur manière de vivre la communion, que Dieu est là, au cur. Par exemple, quand la communauté chrétienne se rassemble autour du prêtre, elle doit être assez claire pour que la présence du Christ puisse se deviner. Les chrétiens nont pas à nommer Dieu en limposant, parce quils espèrent assez en lhomme pour croire que chaque culture humaine, à force de vivre et de chercher, porte en elle-même quelque chose de Dieu. Ils doivent donc assez attendre des autres pour être prêts à deviner dans leurs façons de dire et de vivre, quelque chose de Dieu quils nont pas encore trouvé. Ne pas nommer Dieu, nest donc pas pour eux, avoir honte de leur foi ou se « défiler » devant une urgence : cest avoir un tel respect pour le frère quon le croit capable de découvrir lui-même et à sa façon, le visage de Dieu. Il ne sagit pas d effacement mais de transparence en soi et despérance en lautre. Notre conclusion, cest que, dans un monde qui est en plein travail dunification, le meilleur service que les chrétiens puissent rendre, cest quils travaillent eux-mêmes à la communion, assez clairement et dune manière assez détachée, pour que leur travail soit déchiffrable et quil soit un des éléments moteurs de lunification qui vient. Cest en ce sens que lunification de lEglise ne vise pas la consolidation de sa propre structure, mais la progression vers la communion, des diversités du monde.  Vous avez des commentaires à faire ou des questions ? Vous pouvez aller à la rubrique « Ecrire » du menu principal. |