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Session organisée au Centre Beaulieu à Bordeaux, par les Amis de la Part Dieu. 05 56 48 22 10

Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
06 03 04 22 88
    

Théme de l'année: L'EUCHARISTIE

 

8 décembre 2002

 

LA FILIATION

 

 

 

INTRODUCTION

 

Nos rencontres portent, cette année, sur l’Eucharistie. Dans ce contexte, nous avons été conduits, pendant les retraites de juillet et au cours de la dernière rencontre de Beaulieu, à dire que l’homme est dieu (1). La Révélation nous dit bien que nous sommes « fils de Dieu ». Cela veut-il dire que nous soyions « dieu » ? Pendant cette session, nous allons tenter de voir comment entendre cette question et quel essai de réponse y proposer.

La réalité première et absolue qui se trouve à la source de tout ce qui existe, c’est Dieu. Logiquement on peut donc dire que de cette source qui existe avant tout commencement et qui est unique, il ne peut sortir qu’un seul type de vie, et que c’est la vie de Dieu. En effet, quand Dieu décide de donner la vie, c’est la sienne qu’il donne puisque c’est la seule qu’il ait. Un peu comme vos enfants : ils possèdent la même vie que vous parce que c’est celle que vous leur avez donnée. Ils sont donc de même nature que vous. Pour la même raison, nous disons que nous sommes de même nature que le Père. Nous sommes d’ailleurs fondés à faire ce rapprochement, puisque Jésus nous a dit que nous n’avions qu’un seul Père, celui des cieux. Et que nous pouvions l’appeler « Abba ». Nous en concluons logiquement que nous n’avons comme nature que la nature de notre Père. Et que ce que nous nommons la « nature humaine » n’est en fait que la nature de Dieu qu’il nous partage, mais que, pour l’instant, nous ne vivons qu’en rodage.

Or, dans les deux derniers millénaires, l’Eglise a bien enseigné la grandeur de Dieu, mais souvent aux dépends de la grandeur de l’homme. Pour mettre en relief le rôle du Christ « rédempteur », elle a tellement insisté sur le péché des humains – et le Jansénisme a porté cette tendance à son paroxysme – qu’elle a parfois, souvent même, écrasé l’homme en pensant grandir Dieu. Et pourtant, « exalter » la misère de l’homme n’était pas la meilleure façon de lui révéler son Père. De fait, ce langage a creusé un fossé entre l’homme et Dieu. Entre autres causes, cela explique vraisemblablement la désaffection grave et finalement légitime, qu’éprouvent nos contemporains à l’égard du Christianisme.

C’est donc, pensons-nous, en revenant à la « logique » de notre « filiation » que nous pouvons faire disparaître un fossé qui ne correspond absolument pas à la réalité, et, de ce fait, aider nos contemporains à s’exalter d’être vivants. Cette session va donc essayer de préciser si vivre la même vie que Dieu signifie que nous soyons de même nature que lui, ou, si vous aimez mieux, que nous possédons la même « structure » que lui.

 

REMONTEE DES CARREFOURS DU MATIN

( texte étudié : Tu es mon Fils, par Gérard ESCHBACH, prêtre, dominicain )

 

Carrefour 1.

Dieu donne aux êtres humains le pouvoir d’être enfants de Dieu, la capacité d’être « dieu », le pouvoir de se construire dans ce sens. De naissance, nous sommes « dieu » en puissance. Vivre, c’est réaliser cela.

L’être humain est façonné par l’amour de Dieu qui respecte sa liberté. Le Christ est Dieu par nature ; nous, nous sommes « dieu » en Lui.

 

Carrefour 2.

Qu’est ce que l’humanité ? C’est le fait d’être homme, d’avoir la qualité d’être humain.

Nous sommes de naissance fils de Dieu, mais nous avons à nous construire.

Est-ce que nous avons une nature humaine, ou une nature divine, ou bien les deux ? La nature humaine se construit, mais on ne conçoit pas une nature divine « en construction ».

L’alliance est de l’ordre de la relation ; ainsi, l’enfant se construit dans la relation avec ses parents. L’acte créateur est une alliance. Cette alliance se situe dans Le fait de « nommer » l’autre : il y a alors un « Je » et un « Tu ». Mais l’alliance ne doit pas aboutir à une fusion.

On a la nature divine de naissance, même si on ne la voit que comme une nature humaine en construction.

Est-ce qu’on naît ou est-ce qu’on devient un être humain de nature divine ?

 

(1) Nous écrivons « dieu » en minuscule quand il s’agit de l’homme, pour ne pas laisser entendre que nous serions la Personne même de Dieu. Nous ne sommes pas le Père. Nous sommes seulement ( !) de même nature que lui. Et nous gardons le singulier pour éviter toute idée de polythéisme.

 

 

Carrefour 3.

Nous avons relevé quelques contradictions dans ce texte.

Peut on dire que nous sommes fils et filles de Dieu non par nature mais par grâce ? Le mot « grâce » fait question pour sa signification exacte.

Nous sommes sûrs que Dieu est présent de manière continue dans sa création ; et nous avons la certitude qu’il y a un appel continu de Dieu et que cet appel est à l’origine de l’alliance dont parle le père ESCHBACH. L’alliance est une communication dans l’amour, une relation interactive permanente entre Dieu et tous les vivants, entre Dieu et chaque être humain.

Le rôle du Christ dans notre cheminement a été évoqué ; généralement, on se représente le Christ comme le rédempteur.

 

DISCUSSION

 

Dans la perspective de notre divinité, que peut-on retenir  ?

Dieu peut-il se construire ? La création et son évolution peuvent-elles causer un accroissement de la nature divine de Dieu ?

Nous admettons l’éternité mais nous ne pouvons la concevoir et en parler qu’avec nos concepts et nos mots qui ne peuvent exprimer que du « temps ».

La recherche scientifique nous fait découvrir d’autres aspects du monde où nos lois physiques sont contredites ( par exemple les trous noirs, l’antimatière, les quarks, la théorie des super cordes…) Elle nous fait donc toucher du doigt qu’il peut y avoir d’autres types d’existence et d’autres manières de concevoir le « temps ». Cela veut-il dire que le temps soit imbriqué dans l’éternité ?

L’acte créateur est à cheval sur deux systèmes : dans le premier, celui de l’Eternité, le temps n’existe pas, c’est un système totalement indépendant ; dans le second, le nôtre, il y a le temps, mais c’est un système totalement dépendant du premier.

C’est une révolution ultra - copernicienne qui nous amène à nous demander si Dieu peut exister par nous. L’enfant fait découvrir à ses parents la paternité et la maternité. Chaque enfant le fait, mais il ne donne pas pour autant de l’« être » à ses parents. Dieu n’est que Père, donc s’il n’est pas Père Il n’ « est » pas : bien sûr nous raisonnons là par l’absurde Or, Jésus nous a dit qu’il était Trinité : dans la Trinité, Dieu n’est pas isolé. Dieu « est » parce qu’il y a le Fils et que ce Fils le fait Père. Il y a égalité dans l’amour au sein de la Trinité

De ce fait, nous réalisons que Jésus n’est pas venu pour nous sauver du péché, mais pour nous révéler la Source et le Père.

Or, « en dehors » de la Trinité, il y a les hommes. Si donc on peut concevoir qu’en tant que Père il reçoive de ses fils les hommes un « accroissement » de paternité, peut-on dire que, parce que nous sommes « dieu », nous lui donnions accroissement de sa divinité ? Il est difficile de parler d’« accroissement » dans l’infini.

 

PRESENTATION DE L’APRES MIDI

 

Deux notes avant de nous lancer dans le travail de groupe :

- le père MANARANCHE, auteur du texte qui va être étudié, était très libre de propos dans son enseignement.

- le travail en groupe sur un texte est utile car il permet de faire jaillir des idées personnelles souvent riches. Et la rencontre de ces idées permet toujours de faire naître d’autres idées et donc, d’aller plus avant. Et parfois, de voir plus clair. Nous essayons de clarifier, autant que nous le pouvons, ce que peut bien vouloir dire que « nous sommes dieu ».

 

CARREFOURS DE L’APRES MIDI

( texte étudié : Le rapport de l’homme à Dieu, dans « L’homme dans son univers » de André MANARANCHE S.J. )

 

Carrefour 1.

Que veut dire le mot « engendré » ?

Si nous étions « fils », donc « dieu », depuis l’origine, était-il nécessaire que Dieu se fasse homme pour que l’homme soit fait Dieu ?

Quelle différence y a-t-il entre Dieu et l’homme ?

Dieu « est », donc il n’a pas besoin de se « faire » ; l’homme ne peut pas se faire tout seul, il a besoin de Dieu, de son travail et des autres hommes.

 

Carrefour 2.

Depuis toujours l’homme est en quête de son identité. Jésus nous a donné une réponse : Dieu n’est que Père, donc nous ne sommes que fils.

A la question : qui sommes nous ? il n’y a pas de réponse. L’homme a toujours été considéré comme inférieur à Dieu, c’est dans la théologie chrétienne.

L’acte créateur est, en général, dissocié de la paternité de Dieu.

On devient fils en suivant le chemin qu’a suivi le Fils.

Une phrase du texte est jugée capitale :  « Ma différence d’avec Lui n’est que le mode nécessaire que prend cette ressemblance, lorsqu’elle se pose hors de Dieu… ».

Nous avons tous tendance à nous considérer comme inférieurs. Le fait d’être différents nous porte à nous sentir inférieurs, mais en réalité, ce que nous appelons « infériorité » est une différence et même une richesse.

Quel est le rôle du Fils dans la création ? Il s’incarne pour que nous sachions que tout homme est fils de Dieu. Il fallait qu’il s’incarne pour que le fait qu’on se sache homme n’empêche pas qu’on se sache fils de Dieu.

 

Carrefour 3.

Dieu est Père, mais n’est il que Père ? Dieu est Trinité, donc il n’est pas que Père. Dieu est Source, et dans la Trinité, il est Père par le Fils. Dans la Trinité, les Personnes sont donc interdépendantes.

Chaque être humain, du fait qu’il est appelé à « être », apporte à Dieu un supplément d’« être ».

Dieu vit en créativité continue ( « Mon Père et Moi nous travaillons sans cesse » ) ; cette créativité continue est le don que fait Dieu et en même temps, ce qu’il reçoit de sa création, notamment de l’humanité.

Le propre de l’amour c’est de ne pas « être » sans don. L’amour n’existe que dans la relation, ce qui veut dire que Dieu ne peut pas se passer de nous et que nous ne pouvons pas être séparés de Dieu.

Si nous sommes fils dans le Fils, nous sommes hommes comme le Christ a été homme ; mais sommes-nous éternels comme le Christ ?

Au terme de notre réflexion, nous redécouvrons « l’autre » comme indispensable à notre être puisqu’il est, comme nous, une manifestation de Dieu.

 

DISCUSSION ET CONCLUSION

 

( Avant de conclure : le mot « engendré » est utilisé par la théologie pour remplacer le mot de « créé » qui ne s’applique, lui, qu’à ce qui n’est pas Dieu ; le Fils est engendré par la Père, non pas créé. )

 

Rappelons, pour ouvrir la conclusion de nos recherches, qu’on ne peut connaître Dieu qu’à travers sa création : nous l’avons souvent dit.

Il est donc la source unique de tout ce qui existe, que ce soit du monde inanimé ou du monde animé. Seulement, quand on aborde la question de la divinité de l’homme, on sait que l’acte créateur devient un acte « paternel ».

En effet, la création est une relation de Dieu avec l’ensemble du cosmos. Mais, dans cette relation, la Paternité ( qui implique évidemment la maternité ) n’intervient au sens propre que lorsque cette relation de Dieu atteint le sommet de la création qu’est l’homme, être intelligent et conscient.

Pourtant, parce qu’être Père c’est être Source de tout ce qui existe, Dieu peut être considéré aussi, mais dans un sens large, comme le Père de toute la création. Et donc, si l’acte de paternité est le même quant à la Source, il diffère quant aux résultats.

Ainsi, du côté de Dieu, dans l’acte de création, le Père se donne absolument. Cela veut dire qu’il se donne tel qu’il est, que ce soit à la matière en évolution ou à l’homme. Mais c’est du côté de la créature que tout change ; la réponse de l’homme, intelligente et consciente, est différente de la réponse qu’exprime le reste de la création. Selon Teilhard de Chardin, en effet, il y a dans toute matière une part d’esprit d’autant plus complexe que cette matière s’est elle-même complexifiée. Or, chez l’homme, la complexité est telle que l’esprit y devient conscience.

L’apparition de l’être humain, change donc profondément la relation du Créateur avec la création. Du fait que « ce » qui est en face de Dieu est conscient de la « proposition » du Créateur, la communication devient consciente dans les deux sens, et parce qu’il y a possibilité de retour conscient et libre, il y a amour. La conscience fait donc franchir à la création un abîme. Il y a changement du type de relation parce qu’il vient d’y avoir changement de « structure ».

En effet, parce qu’elle est consciente, et donc volontaire et libre, la réponse de l’homme à l’acte créateur se trouve être du même « type » que la proposition faite par le Père. Il y a donc équivalence entre le « geste » du Père et le « geste » de l’homme. Que ces deux gestes fonctionnent simultanément et d’une manière efficace, suppose qu’ils soient portés par une même « structure ». Mais cette « structure » ne peut fonctionner que parce qu’elle est l’expression d’une même base, ou d’une même « nature ». Même manière de « sentir » et de « répondre », même manière d’ « être » et de « vivre » : c’est en cela que nous voyons la divinité de l’homme.

 

L’homme est divin, c’est-à-dire que sa « structure » est de même « nature » que celle de Dieu.

Mais, il est en construction et tant que sa « structure » n’est pas achevée, sa « nature » est en voie d’évolution. C’est là que se situe l’une des différences essentielles entre Dieu et lui.

L’autre différence, plus radicale, c’est que Dieu, qui est la Source de l’homme n’a pas besoin pour exister d’une autre Source que Lui-même. Tandis que l’homme n’est pas sa propre source.

 

Le rôle du Fils ? Jésus est venu pour nous révéler l’ « absolu » de cette double affirmation : Dieu est Père. Et nous sommes ses fils. C’est tout. Et c’est tellement « tout » qu’il fallait qu’il vienne nous le dire pour que nous arrivions à y croire.

 

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