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Session
organisée au Centre Beaulieu, par les Amis de la Part Dieu. 05
56 48 22 10
Avec le P. Collas
3, rue de la Source
75016 PARIS
06 03 04 22 88
Thème
de l'année:L'EUCHARISTIE
6
avril 2003
LA
PLACE DU CHRIST DANS LA DIVINISATION
INTRODUCTION
Cette année,
létude de lEucharistie nous a permis daborder
la question de la divinisation. La messe, en effet, est le geste grâce
auquel Jésus nous révèle que le vivant, dès
son sortir du néant et du seul fait quil se construit,
est divinisé, et la révélation partielle de lacte
permanent de Dieu qui divinise la création.
Doù le thème de la session daujourdhui
: dans cette divinisation, quel est le rôle du Christ ?
Le Christ est « médiateur » entre lhomme et
Dieu. Dans le langage courant, le médiateur est chargé
de faire le lien entre un plaignant et lautorité qui peut
réparer le dommage quil a subi.
Le rôle du Christ « médiateur » est très
différent. Il fait le bien lien entre tout vivant et son Père.
Mais lhomme nest pas un plaignant. Or, très longtemps,
le Christ a été conçu comme faisant le lien entre
des plaignants ou des pécheurs et Dieu. Or, sa médiation
ne consiste pas à implorer pour nous un pardon, mais à
nous diviniser. Nous allons tenter de voir comment il exerce ce service
dhumanité.
REMONTEE
DES CARREFOURS DU MATIN
( Texte étudié : dans « Le milieu
divin » du Père TEILHARD de CHARDIN, S. J. )
Carrefour
1.
Lexpression
« le Christ se consomme », fait difficulté.
Comme le Christ suscite notre collaboration, quelle peut bien être
la part de lhomme dans sa divinisation ?
Dans chacune de nos uvres, même dans nos échecs,
nous apportons à Dieu quelque chose qui peut être divinisé.
Une question est posée : est ce que lidée dun
« achèvement du Christ » a quelque signification
dans le contexte dun infini de Dieu ?
Les progrès de la recherche théologique rendent les hommes
plus conscients et plus responsables.
Pour que le Christ puisse exercer sa « mainmise » sur lunivers,
les hommes doivent saimer. Mais nous navons pas toujours
conscience de ce que Dieu attend de nous.
Dans le texte, le rôle du Christ est vu par rapport au rôle
de lhomme. Quel est le rôle du Christ : entre le faire et
lêtre, quel est lessentiel ?
Limportance de ce que fait le Christ et sa place dans notre divinisation,
viennent-elles du fait de son incarnation ?
Carrefour
2
Que veut dire que
: « le Christ se consomme » ? Peut être « se
réalise » ? Que veut dire le mot « complétion
» ?
Tout être humain ne peut vivre que par lénergie continue
que Dieu lui donne, même sil nen a pas conscience.
Cette phrase du texte est très parlante : « par notre collaboration
quil suscite, le Christ
atteint sa plénitude à
partir de toute créature ».
Plutôt que dutiliser le mot « médiateur »
qui risque dêtre mal compris dans notre société,
il vaudrait mieux parler dun rôle d « interliaison
» comme le fait Teilhard de Chardin, qui précise dailleurs
que le Christ est le terme divin de lunion entre Dieu et sa création
; et, comme il la lui-même dit, « nul ne va au Père
sans passer par moi ». Dans ce texte, Teilhard, reprenant st.
Paul, explique que la création « achève »
le Fils de Dieu.
Nous avons été heureux de travailler ce passage du livre
« Le milieu divin », car il nous réconforte et nous
fait prendre conscience de notre rôle dans le monde et donc, de
ce que Dieu attend de nous.
Et puisque Dieu aime tous les êtres humains, il demande à
chacun daimer les autres, et davoir conscience quil
est lui-même en chacun de nous et que, de ce fait, nous devons
porter sur les autres un autre regard, le même regard que Dieu.
DISCUSSION
Il y a des points
de convergence entre les deux carrefours.
Le Christ est-il « médiateur » parce quil sest
incarné ? Cest ce que dit la théologie classique,
et nous partageons cette affirmation.
Du fait de lincarnation, il y deux natures dans le Christ, la
nature divine et la nature humaine. Mais en fait, selon la théologie
suivie ici, le créateur na à sa disposition quune
seule nature, la sienne, la nature de Dieu qui nous donne la vie et
lêtre. Et cest cette nature quil nous donne,
nayant quelle à donner.
Seulement, Dieu est totalement Dieu et de lui-même et de toujours.
Tandis que nous, parce que nous sortons du néant, nous ne pouvons
qualler vers la divinisation, et nous y allons en passant par
létat « matière ». Or, létat
« matière » est soit un filtre qui décape
la réalité à notre sortie du néant, soit
une sorte de « tissu » enrichissant que traverse lhomme
en évolution. Mais cela voudrait-il dire que cest la matière
qui exerce la médiation ?
La matière est le fond même du Cosmos. Lhomme en
construction y est plongé. Elle le contraint à forcer
son être à croître, et donc, dans ce sens, elle le
pousse vers la divinisation.
Dans ce cosmos qui nous accueille, nous héritons de ce quont
réalisé les générations antérieures,
qui ont assumé chacune à son tour, lévolution
de lhumanité dans les temps qui nous ont précédés.
Mais dans cette avancée, la conscience apparaît quand la
complexification de la matière atteint un sommet suffisant pour
que la « matière » en question ait conscience dexister.
En effet, après lapparition de la vie simplement matérielle,
lévolution prend corps et accélère jusquà
ce que la complexification soit devenue suffisante pour que la vie prenne
« conscience » delle même. Cest le franchissement
de ce « passage » critique que Teilhard nomme le «
pas de la conscience ». Lêtre humain na donc
pu devenir conscient quen fonction de lévolution
de la matière puis de la vie.
Conclusion
de cet échange.
La source unique de lunivers, cest le Père.
Mais le Christ joue pourtant un rôle essentiel dans la divinisation
de lunivers dont lhumanité fait partie. Bien que
Dieu soit à la source de tout ce qui existe, il ne « fait
» pas lhomme. Cest le cosmos en évolution,
qui contraint lhomme à évoluer en lobligeant
à sadapter aux conditions nouvelles de son environnement.
Laction nest rien si elle nest pas portée par
un milieu qui loblige à se dépasser. Lhomme
reste donc lauteur responsable de sa « construction ».
Nous découvrons ainsi, et par « la bande », une médiation
de la matière. En réalité, nous préférons
parler de la médiation du cosmos. Car le cosmos est plus large
que la matière et que la vie : il les contient toutes les deux,
et lhomme avec. Il est donc non seulement le milieu dans lequel
la vie est apparue, mais le tissu qui a contraint la vie à sortir
de la matière, et à se complexifier jusquà
parvenir à la conscience. Je suis ce que je suis à cause
de Dieu, bien sûr, mais aussi à cause du cosmos et de son
évolution.
Les carrefours
de cet après-midi, ne recourront pas à un nouveau texte,
mais approfondiront les conclusions de ce matin. Dans la perspective
de la divinisation, quen est-il de la médiation du cosmos
? Quen est-il de la médiation du Christ ? Peut-il y avoir
compatibilité entre les deux ?
CARREFOURS
DE LAPRES MIDI
Carrefour 1
Un lien avec ce
matin : le fait de se mesurer à la matière est inévitable.
Dans ce contexte, le Christ est venu nous révéler que
Dieu est Père. Est-il le passage obligé entre lhomme
et Dieu ou bien, simplement « le médiateur » ?
Puisque la nature divine de lêtre humain nest pas
achevée, ne faut il pas un médiateur pour achever notre
construction en la divinisant ?
Le Christ ferait il lunion entre le Père et nous ? La nature
agit directement sur nous, mais le Christ nagit il pas plus indirectement
sur nous ?
Carrefour
2
Il faut passer
par le cosmos pour avoir conscience de la vie.
On comprend mieux que notre vie quotidienne est directement associée
au travail du cosmos.
Nous sommes à limage de Dieu. Il y a une seule nature,
la nature de Dieu ; mais il y a aussi celle de lHomme-Dieu.
La matière est le « sas » où nous nous construisons.
On ne peut pas passer de létat de néant à
létat de divinité sans passer par létat
de matière. La matière est indispensable, elle est le
lieu où lêtre peut croître.
La conscience surgit ainsi de la vie dans le contexte de la matière.
Le mot «
matière » nous paraît dusage un peu trop simpliste.
Nous préférerons situer les choses dans le cadre de lévolution.
Lévolution part de la matière et, par sa complexification
croissante, elle permet à la vie puis à la conscience
démerger. Elle nous aide à nous faire ce que nous
sommes, hommes et femmes, mais elle ne nous donne pas lêtre.
Cest Dieu, la Source, qui nous donne lêtre de manière
continue.
Au sein de tout cela, parce que nous sommes conscients, nous sommes
appelés à nous construire et chacun de nos actes accompli
dans ce but est divinisé par Dieu. Chaque acte qui nous construit
fait croître notre être ; nous sommes donc, dans une certaine
mesure, les artisans de notre divinisation.
Dans ce « travail », nous pensons quil y a complémentarité
entre la médiation du cosmos et la médiation du Christ.
Mais nous ne voyons pas clairement comment les situer lune par
rapport à lautre.
DISCUSSION
ET CONCLUSION
La médiation
du Christ.
Tout ce qui est
hors de Dieu est le cosmos. Par rapport à Dieu, quest donc
la médiation de ce cosmos ?
Autrefois, on situait la médiation du cosmos dans le fait que
sa beauté nous faisait penser à celle de Dieu et nous
facilitait laccès au « contexte » du Créateur.
Mais nous allons maintenant beaucoup plus loin lorsque nous disons,
comme on le rappelait ce matin, que le cosmos contraint lhomme
à évoluer et donc à se construire. Ce rôle
nest pas secondaire puisquil consiste à provoquer
la croissance de lhomme ; et, comme tout nouvel acte positif de
croissance est divinisé, cela revient à dire que ce qui
provoque la croissance permet aussi et en tout cas, appelle, la divinisation.
Cest dire que le cosmos joue un rôle quasiment médiateur
(au sens où nous le disions ce matin) entre lhomme qui
se fait et le Père qui lui donne la vie.
Mais la médiation du Christ ? La médiation du cosmos nest
pas annulée par la médiation du Christ ; elles sont toutes
les deux permanentes et la médiation du Christ influe sur celle
du cosmos. La théologie enseigne en effet que le Christ est médiateur
parce quil sest fait homme. En lui, les deux états
: celui de Dieu et celui de lhomme, sont liés. Ils ont
donc en lui un lieu de rencontre.
Mais la source unique de lexistence est le Père. Or, cette
puissance, ce courant dénergie qui sort du Père
et donne lexistence, est accommodée aux capacités
de lhomme dans le Christ incarné. En lui, en effet, la
puissance de lénergie de Dieu est adaptée aux capacités
de résistance de lhumain Dans le cadre du cosmos, lintervention
du Christ fait que ce courant « adapté » à
lhumain, devient personnel et individuel.
Pour le dire autrement : il y a une triple médiation du Christ
:
- Il endigue le courant dénergie qui sort du Père.
Si nous utilisons limage du barrage et de la réserve deau,
il capte la puissance de leau et la canalise vers les turbines
qui produiront le courant. En fait, avant même lapparition
de la vie, le Fils oriente cette énergie pour que, du néant,
naisse le cosmos.
- Mais de plus, il nous aide à comprendre que le Créateur
nest pas une force anonyme et aveugle, comme le serait celle dun
orage, mais quil est Père. Et cest sans doute la
médiation la plus importante pour nous aujourdhui qui voulons
savoir doù nous venons. Lessentiel que nous révèle
le Christ est que Dieu est Père et Tendresse. Il est infiniment
plus que Créateur et Source.
Dans cette perspective, la médiation du Christ consiste à
faire que soit satisfait cet autre désir des hommes : dentrer
en communion avec leur Source. Le Fils vient leur expliquer pourquoi
ils ont raison de vouloir cette communion de lhumain avec sa Source.
Le sommet de la médiation du Fils venant nous démontrer
que notre Source est tendresse, se situe au moment où le Christ
meurt. La plus forte définition de lamour, en effet, cest
de donner sa vie pour les autres. La mort du Christ sur la croix est
donc la manifestation la plus forte quil peut nous donner de lamour
que le Père, notre Source, a pour nous. Lorsque nous voyons lAmour
au plus haut degré, nous voyons le Père : « qui
me voit, voit le Père ». La mort sur la croix et la résurrection
où lamour se montre plus fort que la mort, sont le moment
fondamental de la médiation du Fils, parce quil nous montre
le Père. La Source de lexistence aime à en mourir,
ce qui vit. Le Fils la démontré sans appel.
- Le troisième lieu de la médiation exercée par
le Christ se situe au niveau de notre divinisation. Bien sûr,
cest le Père lui-même qui est la source de notre
divinisation. En face du Christ qui est en état de divinité,
nous sommes, nous, en état de divinisation. Et cest vraisemblablement
par le « contact » avec le Fils qui est à la fois
homme et Dieu, que notre humanité se nuance de la divinité.
Nous rejoignons là un point essentiel de notre réflexion,
menée par ailleurs, sur lEucharistie. Si le Père
nous divinise au fur et à mesure que nous croissons, à
la messe, le Christ nous donne comme une preuve de la possibilité
de notre divinisation. « Prenez et mangez ». Cest
comme sil nous disait, dans ce contact intime : « De même
que le Dieu que vous touchez sest fait homme, de même ce
Dieu peut vous faire dieux. Ce que jai fait dans un sens, je puis
le faire aussi en sens inverse. »
Bien sûr, nous ne deviendrons pas LE Fils de Dieu car nous ne
contribuons pas à construire le Christ. Chacun se construit.
Nous serons donc divinisés, nous les vivants, mais nous ne fusionnerons
pas dans la Personne du Fils. Nous ne serons pas un seul être
avec lui. Et pourtant, parce que nous serons réellement comme
Dieu, nous serons entre nous et avec Dieu, dans une communion aussi
forte que celle de lunion trinitaire.
Notre
conclusion.
Cette médiation du Christ nest pas réservée
aux chrétiens. Elle concerne aussi tous ceux qui ne croient pas
au Christ, ou ne le connaissent pas. Mais cest nous, désormais,
qui sommes appelés à répandre cette révélation
que le Christ nous a faite. Nous avons à leur traduire et actualiser,
par notre amour, sa médiation. Cest par des voix humaines,
par des actes humains, par des vies humaines, en un mot par notre façon
dêtre, que cette médiation doit être diffusée.
Le Christ a poussé un « cri », cest à
nous de le faire entendre aux autres.
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